Plateforme pour l’eau, le gaz et la chaleur
Article technique
21. novembre 2018

Interview

«Le gaz a beaucoup de potentiel»

Âgé de 45 ans, Diego Modolell est le nouveau chef du secteur Gaz et Thermoréseaux de la SSIGE depuis mi-octobre. Nous l’avons interviewé à propos de son entrée à la SSIGE, de sa vision de la Stratégie énergétique 2050 et des caps importants de sa carrière professionnelle.

Vous étiez fin octobre aux congrès «gat» et «wat» à Berlin: qu’en rapportez-vous?

C’était pour moi une opportunité idéale pour débuter à la SSIGE. J’ai été directement plongé dans l’univers de la branche et les grands défis globaux d’aujourd’hui. En Allemagne, les congrès «gat» et «wat» sont devenus les forums phares des secteurs gaz et eau, des plateformes d’échange où se forgent les visions d’avenir sur les sujets d’actualité.

Quels sont ces sujets d’actualité? Ou plutôt: quels sont les objectifs actuels de ces deux secteurs?

Les débats ont essentiellement porté sur les objectifs climatiques, la pression du numérique et l’évolution du contexte européen vu par les acteurs du gaz et de l’eau.

La Suisse est au cœur de l’Europe, et ici, c’est la Stratégie énergétique 2050 qui donne le ton. Comment voyez-vous la situation dans le contexte helvétique actuel?

La Suisse bénéficie aujourd’hui d’un approvisionnement énergétique fiable et avantageux. Les marchés de l’énergie traversent actuellement de profondes mutations liées à l’évolution économique, technologique et politique. C’est pour préparer la Suisse à ces nouveaux enjeux que le Conseil fédéral a mis au point la Stratégie énergétique 2050. Cette stratégie vise à valoriser les avantages de la nouvelle situation pour maintenir la qualité d’approvisionnement actuelle. Elle vise parallèlement à réduire l’empreinte écologique de l’approvisionnement énergétique de la Suisse.

Quelles sont les composantes essentielles de la stratégie énergétique 2050? L’abandon du nucléaire et le développement du renouvelable?

Exact! La Suisse ne délivre plus aucun permis de construire pour de nouvelles centrales nucléaires. Et les centrales nucléaires existantes ont une autorisation d’exploitation limitée dans le temps.

Et côté renouvelable?

Du côté des énergies renouvelables, la Suisse aimerait produire d’ici 2035 trois fois plus d’énergie renouvelable qu’en 2018, sans compter l’énergie hydraulique. La Confédération a majoré de 0,8 centime le supplément réseau sur le prix de l’électricité facturé aux consommateurs dès janvier 2018. Les fonds supplémentaires ainsi dégagés permettront à la Confédération de soutenir la production d’électricité d’origine solaire, éolienne, biologique, géothermique et hydraulique.

Le gaz est-il appelé à jouer un rôle de premier plan dans le virage énergétique?

Absolument! La Stratégie énergétique 2050 vise bien sûr la sortie du nucléaire, mais aussi la décarbonisation massive des énergies fossiles. Les gaz synthétiques produits par électrolyse ou méthanisation sont appelés, avec le biogaz, à contribuer à la transition vers les énergies renouvelables.

Faut-il dès lors s’attendre à ce que le gaz joue les premiers rôles dans les décennies à venir?

Sans nul doute! L’Europe escompte une forte progression de la demande de gaz pour répondre à la demande d’énergie. Comparé aux autres énergies fossiles, le gaz naturel a l’avantage d’être une énergie propre qui a beaucoup de potentiel dans tous les domaines: chauffage, chauffage de l’eau sanitaire, cuisine, réfrigération, production d’électricité, et même automobilité. Son atout? C’est une molécule qui permet un transport pratiquement sans perte - contrairement à l‘électricité.

Quelle est la différence entre gaz naturel et biogaz?

Gaz naturel et biogaz ont pour similitude de se composer essentiellement de méthane, un gaz appartenant à la famille des hydrocarbures. Ils se différencient en revanche par leur provenance. Le gaz naturel provient de la transformation naturelle de matières organiques durant des millions d’années sous la croûte terrestre, ce qui lui donne son statut d’énergie fossile dont les réserves sont finies. Le biogaz se forme par digestion de déchets organiques compostables, un processus qui dure plusieurs jours en milieu anaérobie. Il génère un gaz renouvelable, climatiquement neutre, susceptible d’être injecté dans le réseau de gaz après traitement pour atteindre un niveau de qualité comparable au gaz naturel.

Et quel est le potentiel des autres énergies? Par exemple l’«électricité verte»… ?

L’énergie hydraulique a un potentiel plutôt limité. L’électricité d’origine solaire ou éolienne est souvent produite au mauvais moment ou au mauvais endroit. Mais cette énergie renouvelable peut être transformée en hydrogène, puis enrichie avec du dioxyde de carbone pour devenir du méthane injectable dans le réseau – c’est ce qu’on appelle le Power-to-Gas. Je pense que le gaz naturel et le réseau de gaz constitueront un pilier essentiel pour notre avenir énergétique, parce que la fourniture d’énergie peut ainsi s’adapter en tout temps à la demande.

Le gaz a donc un rôle à jouer pour notre avenir économique, social et politique?

Oui, le gaz est essentiel pour la mobilité, la production de chaleur et la production d’électricité!

Vous êtes depuis peu à la SSIGE, mais vous êtes actif depuis longtemps dans la branche du gaz: quels ont été les caps importants de votre carrière?

J’ai étudié l’ingénierie mécanique, spécialisation turbines à gaz et moteurs à combustion. Ensuite, j’ai travaillé pendant plus de vingt ans dans des grands groupes du secteur énergétique, notamment chez ABB, Alstom et General Electric. J’ai certes exercé des fonctions au niveau international, notamment à Dubaï, mais je me suis toujours considéré comme une petite roue dentée dans un grand engrenage. Aujourd’hui, j’ai la chance de pouvoir travailler à la SSIGE, à une échelle certes moins grande, mais plus efficace. Le secteur gazier est mon domaine de prédilection et je me réjouis de travailler au niveau plutôt national et régional – également en Romandie et au Tessin.

Qu’est-ce qui vous a motivé à venir à la SSIGE? Et quels sont à votre avis les défis majeurs que la SSIGE et la Suisse devront relever?

La SSIGE fonctionne selon le système de milice – c’est un défi, mais surtout une chance énorme: nous dépendons dans une large mesure de nos membres, ce qui favorise les contacts. L’important est d’assurer avec compétence le transfert du savoir-faire au sein de notre branche. Les directives techniques, les règlements et les recommandations sont autant de vecteurs permettant une transmission professionnelle de ce large savoir.

Un congrès national a récemment eu lieu à St-Gall sur le thème «CAD contre gaz naturel». Ce congrès avait pour objectif d’éclairer les différentes solutions de chauffage à distance pour les villes suisses. Quelle est votre appréciation face à cette problématique? Faut-il privilégier le gaz naturel, le biogaz ou le chauffage à distance?

L’essentiel, c’est de combiner ces technologies et d’exploiter leurs synergies. L’approvisionnement énergétique centralisé tel que nous l’avons connu sera remplacé par un environnement multiénergies décentralisé. Il s’agit de faire appel aux différentes technologies de manière intelligente, en les combinant et en les couplant au lieu de les mettre en concurrence. C’est ici que la SSIGE peut apporter une contribution essentielle grâce à ses compétences multidimensionnelles.

Le gaz deviendra à l’avenir un agent énergétique polyvalent et hautement efficace. Il ne sera guère possible de penser l’avenir de notre approvisionnement énergétique sans tenir compte du gaz. Je ne peux pas m’imaginer le virage énergétique sans centrales à cycle combiné ni thermoréseaux.

Dans ce contexte, on entend souvent parler de «Game Changer», c’est-à-dire des technologies disruptives: que pensez-vous de cette question?

C’est un élément important: nous aurons besoin de plus en plus de technologies disruptives pour assurer nos prestations. Je pense ici par exemple à la numérisation. Mais il n’en demeure pas moins que nous devrons impérativement associer les technologies existantes et les technologies révolutionnaires, à petite échelle et à grande échelle. En clair, il faut à la fois conserver, développer et révolutionner!

Et comment identifier les tendances d’avenir?

Nous avons aujourd’hui accès à une telle masse d’informations et de technologies qu’il n’est pas toujours facile d’identifier et de suivre les tendances, voire de les répercuter au niveau décisionnel. Il faut rester sur le qui-vive, bien s’informer et surtout espérer prendre les bonnes options au bon moment!

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