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Article technique
30. mars 2020

Chlorothalonil

Surveiller étroitement la situation et prendre des mesures efficaces!

Depuis mi-décembre 2019, la substance active du pesticide chlorothalonil est interdite en Suisse. Cependant, le problème de la contamination de l’eau potable par ce produit phytosanitaire et ses produits de décomposition (métabolites) est encore loin d’être résolu car tous les métabolites sont désormais classés comme pertinents.
  

Chlorothalonil: ce nom d’une substance active d’un pesticide est non seulement difficile à prononcer, mais ses répercussions sur l’eau potable en Suisse sont également difficiles à évaluer (actuellement). C’est un fait que l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG) a interdit l’utilisation du chlorothalonil «avec effet immédiat» à la mi-décembre 2019. De plus, l’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (OSAV) partage l’évaluation de la commission de l’UE selon laquelle le principe actif devait être classé comme «potentiellement cancérigène». «Par conséquent, tous les métabolites présents dans les eaux souterraines doivent désormais être classés comme pertinents», explique Florie Marion, responsable de la communication de l’OFAG.

Le chlorothalonil et ses produits de décomposition

En outre, l’OFAG précise que les exigences relatives à l’autorisation des produits phytosanitaires étaient de nos jours plus élevées qu’il y a quelques décennies. «Les produits autorisés dans les années 1970 et 1980 ne recevraient plus forcément d’autorisation de nos jours», précise Florie Marion. En 2010, la Confédération a donc introduit son programme de contrôle des anciens produits phytosanitaires afin de garantir que ceux-ci respectent toujours les exigences actuelles. Jusqu’à présent, presque 100 principes actifs ont été soumis à un tel contrôle ainsi qu’environ 150 autorisations de pesticides depuis 2005.

Le chlorothalonil est autorisée depuis les années 1970 en tant que fongicide. Cette substance est surtout utilisée dans la culture des céréales et des légumes, mais également dans les vignes et pour les plantes ornementales. Par le passé, le chlorothalonil a fait l’objet d’une pulvérisation fréquente et dans des quantités relativement élevées allant de 30 à 45 t/a en Suisse. Le principe actif se décompose lui-même partiellement dans le sol. Les nombreux produits de décomposition se sont accumulés dans les sols pour s’y infiltrer et atteindre ainsi les eaux souterraines. Voilà pourquoi il est de nos jours possible de détecter divers produits de décomposition à des concentrations élevées dans les eaux souterraines et dans l’eau potable. Les deux métabolites R417888 et R471811 qui doivent être mesurés et qui permettent d’évaluer globalement la situation de pollution sont déterminants pour les distributeurs d’eau. On estime aujourd’hui qu’au moins douze cantons sont concernés par une pollution trop élevée de l’eau potable par les métabolites.

Deux tiers des captages en Argovie

Dans le canton d’Argovie, l’Office de protection des consommateurs s’est basé sur des études réalisées début 2020 pour estimer qu’environ deux tiers des captages d’eau potable étaient pollués par des produits de décomposition du chlorothalonil. Des études supplémentaires doivent désormais fournir de nouvelles informations concernant le pesticide et ses produits de décomposition. Ainsi, le canton disposerait encore de trop peu d’informations sur le processus et la vitesse de décomposition.

Fin janvier 2020, l’Office de l’environnement du canton de Soleure a présenté les nouvelles valeurs de mesure: Les produits de décomposition dans l’eau potable dépassaient les valeurs maximales autorisées dans plus de la moitié des communes soleuroises. Environ 160 000 habitants sont concernés. Les autorités du canton prévoient des solutions régionales comprenant de nouvelles conduites d’eau et même des installations de traitement de l’eau. Étant donné que le problème concerne l’ensemble du territoire soleurois, le mélange de l’eau n’est possible que dans peu de cas.

«À l’heure actuelle, nos distributeurs d’eau font tout leur possible afin de continuer à approvisionner les consommateurs avec de l’eau potable irréprochable», explique André Olschewski, responsable du secteur Eau de la SSIGE. «Et nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour les conseiller et les assister.» Il est certes possible de continuer à boire l’eau, mais la situation est actuellement loin d’être facile pour les distributeurs d’eau suisses. «Voilà pourquoi il est nécessaire de renforcer significativement la prévention afin de mieux protéger nos ressources d’eau potable à l’avenir face à la présence de substances étrangères nocives provenant de l’agriculture et des ménages», insiste le vice-directeur de la SSIGE.

Paul Sicher, responsable Communication de la SSIGE, rajoute: «En Suisse, l’eau potable est toujours de bonne qualité. Les analyses modernes nous permettent cependant de détecter un nombre grandissant de substances étrangères à des concentrations microscopiques, ce qui engendre continuellement de nouveaux questionnements. L’époque à laquelle l’eau potable était considérée comme ’pure’ est révolue. La population éprouve une forte inquiétude et souhaite bénéficier d’une eau sans résidus. La communication est donc devenue très difficile pour tous les distributeurs d’eau.»

Collaborer avec les laboratoires

Outre une communication active, il est désormais urgent de garantir une surveillance des captages d’eau potable adaptée à chaque situation à l’échelle locale et régionale. «Nous pourrons alors éventuellement prouver que l’interdiction du chlorothalonil engendre un recul de la contamination des eaux souterraines et de l’eau potable à moyen terme», précise André Olschewski.

Sur la base des expériences réalisées avec d’autres substances (p. ex. les pesticides atrazine ou chloridazone), nous savons que ce recul ne se fera que très lentement. C’est pourquoi chaque distributeur d’eau doit désormais intégrer avant tout les produits de décomposition du chlorothalonil dans son autocontrôle et surveiller continuellement la situation. «La pollution actuelle des eaux souterraines et le caractère très sensible de cette thématique exigent malheureusement que ces mesures soient prises par la majorité des distributeurs d’eau du Plateau», résume le vice-directeur de la SSIGE.

Les distributeurs d’eau devraient désormais prendre des mesures adaptées en accord avec les autorités. Il faut améliorer la situation au plus vite. Si aucune solution rapide n’est possible, des réflexions sur l’amélioration de la sécurité de l’approvisionnement devront être menées, avec un deuxième pilier approprié. Dans ce contexte, des solutions régionales et suprarégionales ainsi qu’une délimitation des aires d’alimentation devront être envisagées. Des choix d’investissement importants ne doivent toutefois être faits qu’en présence d’une base décisionnelle et de connaissances solide. Ce ne sera probablement pas le cas avant l’été 2020. L’OSAV dressera alors un premier bilan et contrôlera sa directive relative à la manière de procéder avec les résidus de chlorothalonil.

 

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