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Article technique
03. novembre 2017

Résidus de pesticides dans les eaux souterraines

Chiffre et faits de NAQUA

Les résidus de produits phytosanitaires comptent parmi les polluants organiques les plus fréquemment recensés dans les eaux souterraines. Si les substances actives de produits phytosanitaires dépassent rarement l’exigence chiffrée de l’ordonnance sur la protection des eaux (0,1 µg/l), certains de leurs métabolites s’observent à grande échelle et à des concentrations nettement supérieures. C’est ce que révèlent les analyses de l’Observation nationale des eaux souterraines NAQUA.
Miriam Reinhardt, Ronald Kozel, Christian Leu, Anke Hofacker, 
Contexte

Les eaux souterraines constituent la principale ressource en eau potable de Suisse. Plus de 80% de l’eau potable sont en effet captés dans les eaux souterraines. Pour préserver cette ressource à long terme, il importe d’observer avec attention la qualité de ces eaux et d’éviter l’apport de substances de synthèse persistantes.
Certains produits phytosanitaires sont des substances de synthèse persistantes. Ces substances biologiquement actives protègent les plantes d’organismes nuisibles ou détruisent les végétaux indésirables. Plus de 2000 tonnes de produits phytosanitaires sont vendues en Suisse chaque année. Ces produits étant utilisés à grande échelle, notamment sur les terres agricoles – soit directement dans l’environnement –, le risque que des résidus parviennent dans les eaux souterraines est accru.
C’est la raison pour laquelle les produits phytosanitaires ont dès le début été intégrés dans l’Observation nationale des eaux souterraines NAQUA, mise en place en 2002 par l’Office fédéral de l’environnement (OFEV), en collaboration étroite avec les services cantonaux compétents. NAQUA permet d’identifier précocement les problèmes, de déterminer les besoins d’action et d’évaluer les mesures mises en œuvre pour protéger les ressources en eaux souterraines. Le module SPEZ, qui détermine l’état actuel et l’évolution de la qualité des eaux souterraines au niveau national et de manière représentative, se concentre sur les contaminants et les substances étrangères. Le module TREND dresse lui une vue d’ensemble des processus et des systèmes et collecte en outre des paramètres supplémentaires avant tout géogéniques (conductivité électrique, calcium, sulfates, etc.). Les stations de mesure NAQUA couvrent les différentes régions et conditions hydrogéologiques de la Suisse, ainsi que les influences anthropogènes répertoriées à travers l’utilisation des sols dans le bassin d’alimentation.
L’évolution de la gamme de produits phytosanitaires utilisés constitue un défi de taille pour le monitoring des résidus de produits phytosanitaires dans les eaux souterraines. Selon l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG), 55 nouvelles substances chimiques ont reçu une autorisation de mise sur le marché entre 2006 et 2015. Sur la même période, 71 «anciennes» substances actives en ont été retirées ou se sont vu retirer leur homologation. L’Ordonnance sur les produits phytosanitaires (OPPh) référence actuellement près de 300 substances actives autorisées.
Évaluer la qualité des eaux souterraines implique de considérer non seulement les substances actives de produits phytosanitaires, mais aussi leurs nombreux produits de dégradation, de réaction et de transformation. Ces substances, regroupées sous le terme de «métabolites», sont issues de la dégradation de produits phytosanitaires sous l’effet de réactions biotiques ou abiotiques. Elles peuvent se former dans les organismes végétaux et animaux, ou directement dans l’environnement. Dans les eaux souterraines, les résidus de produits phytosanitaires s’observent par conséquent sous la forme de substances actives comme sous la forme de métabolites.
Le présent article vise à (i) décrire l’évolution du monitoring des résidus de produits phytosanitaires dans le cadre de l’Observation nationale des eaux souterraines NAQUA, (ii) informer de la contamination des eaux souterraines suisses par les résidus de produits phytosanitaires sur la base des données du monitoring de 2014 et (iii) comparer la situation avec celle observée dans les pays voisins.

ouverture de session
Bilans et perspectives
Qualité des eaux souterraines

D’après les résultats de l’Observation nationale des eaux souterraines NAQUA, l’exigence chiffrée de 0,1 µg/l fixée par l’Ordonnance sur la protection des eaux (OEaux) pour les substances actives de produits phytosanitaires est dépassée chaque année dans 2% des stations de mesure. Les métabolites de produits phytosanitaires s’observent dans les eaux souterraines de manière plus fréquente et dans des concentrations nettement supérieures et plus constantes. Nombre de métabolites sont plus mobiles et souvent plus persistants que les substances dont ils sont issus. Ainsi, 11 métabolites (issus de 7 substances actives) présentent des concentrations supérieures à 0,1 µg/l dans 20% des stations de mesure. La présence de métabolites de produits phytosanitaires dans les eaux souterraines a été mise en évidence dans plus de la moitié des stations de mesure.
À l’exception de la deséthyl-atrazine, qui dépasse dans environ 1% des stations le seuil de 0,1 µg/l fixé par l’OPPh, il s’agit de métabolites qui ont été jugés non pertinents dans le cadre de la procédure d’autorisation ou n’ont pas été évalués. Ni l’OEaux ni l’OPPh ne fixent d’exigence chiffrée pour ces substances. Les métabolites du chloridazone et du (S-)métolachlore en particulier altèrent durablement la qualité des eaux souterraines, en Suisse comme dans les pays voisins. Indépendamment de leur toxicité, les métabolites de produits phytosanitaires sont des substances de synthèse persistantes dont l’apport dans les eaux souterraines doit être évité, ou tout du moins réduit, à des fins de protection préventive. Une fois dans les eaux souterraines, ils se dégradent peu ou extrêmement lentement. Les eaux souterraines mettant plusieurs années ou décennies à se renouveler et possédant une «mémoire à long terme», il est particulièrement important d’agir au plus tôt et de prendre des mesures proactives.
Certains services cantonaux ont d’ores et déjà mis en œuvre des mesures ciblées afin d’empêcher la contamination des eaux souterraines par les résidus de chloridazone. Au vu des concentrations élevées de desphényl-chloridazone dans les eaux souterraines, des projets visant à réduire l’utilisation de chloridazone dans le bassin d’alimentation de certains captages ont par exemple été initiés dans les cantons de Berne, de Vaud et de Zurich. Ces projets sont menés par les services cantonaux de la protection de l’environnement et les services de l’agriculture, en partenariat avec les distributeurs d’eau concernés et les exploitants agricoles. L’Université de Neuchâtel assure pour plusieurs de ces projets un encadrement scientifique.

Enjeux pour le monitoring

Comme le montre la comparaison des données NAQUA avec celles de l’Autriche, de l’Allemagne et de la France, l’Observation nationale des eaux souterraines permet de recenser, à la lumière des connaissances actuelles, les principaux résidus de produits phytosanitaires présents dans les eaux souterraines. Les substances actives de produits phytosanitaires qui dépassent le plus souvent le seuil de 0,1 µg/l sont, en Suisse comme dans les trois autres pays mentionnés, le bentazone et l’atrazine. Les substances les plus fréquemment rencontrées sont les métabolites du chloridazone, du
(S-)métolachlore et du métazachlore, ainsi que le N,N-diméthylsulfamide et le 2,6-dichlorobenzamide, tous jugés non pertinents dans le cadre de la procédure d’autorisation dans les pays voisins.
À l’avenir, l’enjeu pour NAQUA sera d’une part de continuer à générer des données représentatives pouvant être comparées au niveau national et à long terme, et permettant d’évaluer l’impact des mesures prises pour protéger les eaux souterraines et, d’autre part, de développer continuellement le monitoring, notamment d’y intégrer si nécessaire de nouveaux résidus de produits phytosanitaires. La prise en compte dans le monitoring à long terme de certains métabolites détectés fréquemment en concentrations élevées dans les eaux souterraines allemandes et autrichiennes (métabolites du chlorthalonil ou du métazachlore, p. ex.) est actuellement à l’étude.
Il conviendra aussi à l’avenir de procéder régulièrement à des screenings pour analyser un vaste spectre de résidus de produits phytosanitaires et d’autres substances nocives ou étrangères. Les métabolites du chloridazone ont ainsi été intégrés au monitoring à long terme sur la base des résultats de l’étude pilote «Screening des micropolluants» menée en 2007 et 2008. En Suisse, ils sont aujourd’hui les résidus de produits phytosanitaires détectés les plus fréquemment et dans les concentrations les plus élevées. En collaboration avec l’Eawag, un target et suspect screening ciblant 200 substances actives et près de 1000 métabolites de produits phytosanitaires sont en cours dans plusieurs stations de mesure.
Les substances actives de produits phytosanitaires doivent elles aussi faire l’objet d’une attention continuelle. Diverses substances actives susceptibles de contaminer les eaux souterraines sont en effet utilisées en remplacement de l’atrazine, depuis que celle-ci s’est vu retirer son homologation. La présence accrue de résidus de (S-)métolachlore dans les eaux souterraines pourrait être liée au remplacement de l’atrazine par cette substance.
Au cours des années et des décennies à venir, NAQUA continuera d’analyser les résidus de produits phytosanitaires dans les eaux souterraines, afin de garantir la protection des ressources d’eau potable essentielles que sont les eaux souterraines et, par-là même, celle des consommateurs.

Résumé

Depuis son lancement en 2002, l’Observation nationale des eaux souterraines NAQUA analyse de manière systématique et à l’échelle nationale des résidus de produits phytosanitaires. Si, pendant les premières années, la technique ne permettait d’analyser principalement que des substances actives, il est dorénavant possible d’étudier des métabolites.
Actuellement, 2% des stations de mesure NAQUA enregistrent des dépassements de l’exigence chiffrée de l’Ordonnance sur la protection des eaux (OEaux) fixée à 0,1 µg/l pour les substances actives de produits phytosanitaires et leurs métabolites jugés pertinents lors de la procédure d’autorisation. Ces valeurs élevées sont notamment dues à la bentazone et à l’atrazine, substance active interdite aujourd’hui, ainsi qu’à son métabolite, le déséthyl-atrazine.
En outre, plusieurs métabolites jugés non pertinents lors de la procédure d’autorisation ont été détectés bien plus fréquemment et en concentration nettement supérieure. Issus de cinq produits phytosanitaires différents, ils présentent des concentrations supérieures à 0,1 µg/l dans près de 20% des stations de mesure. La substance la plus fréquemment détectée dans les eaux souterraines est le desphenyl-chloridazone, métabolite du chloridazone, substance active principalement utilisée dans la culture de la betterave. S’ensuit le métolachlore-ESA, métabolite de l’herbicide (S-)métolachlore, employé notamment dans la culture du maïs et de la betterave. Les eaux souterraines des pays limitrophes affichent également des concentrations élevées de ces substances. Conformément à l’OEaux, la qualité des eaux souterraines doit être telle que l’eau ne contienne pas de substances de synthèse persistantes, comme des métabolites de produits phytosanitaires.

Veuillez lire l’article dans son entier dans l’édition de la revue Aqua & Gas 11/2017 ou ici

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