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Article technique
26. novembre 2021

NANOPLASTIQUES EN FILIèRE DE POTABILISATION

Mécanismes d’adsorption et efficacité d’élimination à l’aide de charbon actif en grains

Les plastiques sont omniprésents dans notre vie quotidienne et désormais aussi dans notre environnement naturel. Une large quantité de ces matériaux se trouve sous forme de micro- et nanoplastiques en raison des processus de dégradation et de fragmentation des plastiques. Ils contaminent la totalité des systèmes aquatiques et de nombreuses questions se posent sur l’impact et le devenir plus particulièrement des nanoplastiques sur les ressources aquatiques et les filières de potabilisation. Cet article apporte quelques éléments de réponse sur l’efficacité des filières de potabilisation au regard de l’élimination des nanoplastiques.
Lina  Ramirez Arenas , Serge  Stoll, Stéphan Ramseier Gentile, Stéphane Zimmermann, 

Avec une production et des domaines d’applications toujours plus nombreux, de grandes quantités de plastiques se sont accumulées dans l’environnement. Une fois dans l’environnement, les plastiques sont fragmentés en particules de plus petites tailles appelées microplastiques ou nanoplastiques [1]. Les microplastiques sont définis comme des objets plastiques dont les dimensions sont comprises entre 1 µm et 5 mm, tandis que les plastiques dont les dimensions sont comprises entre 1 et 1000 nm sont définis comme des nanoplastiques.

Les nanoplastiques dans l'environnement

Les micro- et nanoplastiques sont généralement classés en deux catégories, les micro- et nanoplastiques primaires et les micro- et nanoplastiques secondaires. Les micro- et nanoplastiques primaires sont directement manufacturés avec des dimensions micro- et nanométriques et sont généralement utilisés comme agents abrasifs ou exfoliants dans les cosmétiques. D’un autre côté, les micro- et nanoplastiques secondaires résultent de processus de fragmentation et/ou de dégradation de plastiques de plus grandes tailles [2]. Les micro- et nanoplastiques sont malheureusement déjà présents dans la plupart des systèmes environnementaux (atmosphère, sols) et plus particulièrement dans les systèmes aquatiques naturels. Dans ce dernier cas, ces systèmes sont généralement utilisés pour la production d’eau potable, et la présence de plastiques sous forme de micro- et nanoplastiques pose clairement un problème environnemental, technique et sanitaire lié à la consommation non désirée de plastiques.
Un point important à noter est que le risque lié aux nanoplastiques est de nature différente de celui lié aux microplastiques. En effet en raison de leur rapport surface-volume élevé, non seulement les nanoplastiques possèdent une forte affinité vis-à-vis des polluants environne­mentaux comme les métaux traces et certains composés organiques persistants [3], mais ils peuvent, en raison de leurs tailles, s’accumuler plus facilement dans les organismes, tissus et organes vivants et ainsi déclencher une réponse inflammatoire, une cytotoxicité et éventuellement de la génotoxicité. Il a été montré que l’ingestion chez l’être humain de nanoplastiques pouvait déclencher un stress lié à la fois à la présence de nanoplastiques et également à la libération des composés chimiques présents dans ces nanoplastiques sous la forme d’additifs. Par ailleurs, d’autres études ont montré que les nanoplastiques pouvaient causer des dommages gastrointestinaux et affecter le fonctionnement des reins [4].

NANOPLASTIQUES – UNE MENACE POUR LES FILIèRES DE Potabilisation

Une fois disséminés dans les milieux aquatiques par exemple via les effluents de station d’épuration et lessivage des sols en milieu urbain [5], les micro- et nanoplastiques sont susceptibles de contaminer les compartiments aquatiques utilisés pour la production d’eau potable, augmentant ainsi le risque sanitaire et une possible consommation de nanoplastiques par les consommateurs.
De façon similaire aux nanoparticules manufacturées comme les nanoparticules métalliques (TiO2, CeO2, Ag) les nanoplastiques peuvent subir dans l’environnement un certain nombre de transformations qui peuvent modifier leur comportement et leur toxicité. En effet, les eaux naturelles ont une composition ionique spécifique et contiennent de la matière organique ainsi que des particules colloїdales qui affectent les propriétés de surface et la stabilité des nanoplastiques à travers la formation d’hétéro-agrégats composés de nanoplastiques, colloïdes inorganiques, matières organiques naturelles, qui joueront un rôle important dans les mécanismes de transport, comportement et impact environnemental [6] des nanoplastiques.
Au-delà de leur comportement dans l’environnement, il est également important de pouvoir évaluer avec quelle efficacité les nanoplastiques peuvent être éliminés au travers des filières de potabilisation d’eau, dans la mesure où les stations de traitement doivent assurer la production et la fourniture d’une eau de qualité pour la consommation humaine.
Les procédés comme la filtration sur sable ou sur charbon actif sont largement utilisés pour éliminer toute une variété de polluants en raison de leur efficacité, simplicité de mise en œuvre et à l’utilisation de matériaux inertes voire pour certains issus de ressources renouvelables. Les charbons actifs constituent la classe de matériaux la plus populaire et sont large­ment utilisés dans les stations de potabilisation «conventionnelles» en raison de leur surface d’adsorption très élevée et efficacité en matière d’élimination des polluants, coût relatif acceptable, inertie chimique et absence de relargage de sous-produits ou métabolites [7].

études effectuées

Étant donné l’importance des processus d’adsorption sur charbons actifs en station de potabilisation conventionnelle et besoins en une meilleure compréhension des mécanismes d’adsorption et d’élimination des nanoplastiques, dans ce travail, nous évaluons l’efficacité d’adsorption de nanoplastiques de polystyrène (PS) sur du charbon actif en grains (produits à partir de noix de coco). Un des objectifs de ce travail est également d’isoler les paramètres physico-chimiques importants afin d’optimiser l’efficacité d’élimination des nanoplastiques en filière de potabilisation.

Efficacité d’adsorption des nanoplastiques sur charbon actif en grains 

Pour étudier l’efficacité d’adsorption des nanoplastiques sur charbon actif des expériences en batch ont été réalisées à la fois dans de l’eau ultrapure et dans de l’eau brute issue du lac Léman. Cette eau est utilisée pour la production d’eau potable des services industriels de Genève (SIG) pour environ 500'000
consommateurs.
Pour la détection et mesure des concentrations en nanoplastiques, nous nous sommes basés sur des mesures de turbidité. Ces dernières sont largement utilisées dans les stations de potabilisation en tant que paramètres de qualité notamment pour le monitoring des concentrations des particules et matières en suspension [8]. Ces mesures de turbidité nous permettent, à travers des courbes de calibration, de mesurer les concentrations en nanoplastiques présents dans l’eau et d’en déduire la fraction adsorbée sur le charbon actif et ainsi de calculer l’efficacité d’élimination de ce dernier.
La microscopie électronique à balayage (MEB), couplée à des mesures de zéta-métrie et de diffusion de lumière ont été conjointement utilisées pour une meilleure compréhension des mécanismes d’adsorption et de l’importance, par exemple, de l’agrégation des nanoplastiques ou du recouvrement de ces derniers avec la matière organique présente dans les eaux du Léman.

Nanoplastiques et charbon actif en grains utilisés

Dans notre étude, des nanobilles de synthèse de latex de polystyrène, bien calibrées et caractérisées sont utilisées comme modèle de nanoplastiques. Des nanobilles positivement chargées ont été sélectionnées, au détriment de nanobilles négativement chargées, dans la mesure où ces dernières se sont montrées plus toxiques vis-à-vis d’organismes vivants que les nanobilles négativement chargées [9].
Ces nanoplastiques ou nanobilles de latex de polystyrène ont été obtenues sous la forme de dispersions stables auprès de la société Thermo-Fisher Scientific-1862725 (Reinach-Suisse). Elles présentent un diamètre de 90 ± 7 nm, déterminé avec précision par microscopie électronique à transmission, une densité de 1,055 g/cm3
à 20 °C et une surface spécifique de 63 m2/g. Ces nanobilles présentent des groupes de surface du type amidine ce qui leur confère une charge de surface positive dans une large gamme de pH et notamment au pH des eaux du Léman.
Des solutions mères à 3 g/l ont été préparées à partir des dispersions originales, à une concentration de 40 g/l, dans de l’eau ultrapure (Milli Q water, Millipore, Switzerland; résistivité > 18 MΩ cm, concentration totale en matière organique < 2 ppb). Ces solutions ont ensuite été stockées à l’abri de la lumière à une température constante de 4 °C.
Le charbon actif en grains obtenu à partir de noix de coco (AquaSorb™ CX) et utilisé dans cette étude est un com­posé commercial et provient de la firme JACOBI Carbons et a été gracieusement fourni par les SIG. Il est à noter que ce charbon est largement utilisé dans le domaine du traitement de l’eau et fabriqué à partir de ressources renouvelables, ce qui constitue une solution durable dans le domaine de la purification de l’eau.

RĂ©SULTATS

Caractérisation des nanoplastiques et du charbon actif 

La charge de surface ainsi que la stabi­lité des nanoplastiques ont d’abord été déterminées dans l’eau ultrapure à travers la mesure du potentiel ζ et du diamètre hydrodynamique moyen en fonction du pH. Comme le montre la figure 1, les nanoplastiques sont chargés positivement avec des valeurs de potentiels ζ égales à +58,9 ± 2,0 mV à pH 3,1 ± 0,1. En augmentant le pH, nous observons une diminution de la charge de surface pour s’établir à pH 10,0 ± 0,1 à la valeur de + 33 ± 3,5 mV.
Les nanoplastiques sont donc fortement chargés, positifs et stables sur toute la gamme de pH investiguée avec un diamètre moyen égal à 97 ± 2 nm (mesure obtenue par diffusion de la lumière, DLS). Le cliché MEB (fig. 1b) nous indique que les nanoplastiques sont sphériques, homogènes en taille et dispersés, avec un diamètre moyen de 91 ± 9 nm, en accord avec les mesures effectuées par DLS et la taille fournie par le fabriquant (de 90 ± 7 nm).
La variation de la charge de surface des charbons actifs en fonction du pH dans l’eau ultrapure est présentée dans la figure 1c. Les valeurs de potentiel ζ nous indiquent que la charge de surface des charbons actifs est négative dans une large gamme de pH. À pH 2,0 ± 0,1, le charbon actif est chargé positivement avec des valeurs de potentiel ζ égales à +4,5 ± 0,7 mV, puis une inversion rapide de la charge de surface est observée à pH 3,0 ± 0,1 avec des valeurs égales à -3,5 ± 0,7 mV. Ainsi, le point de charge nulle (PCN) est obtenu à pH 2,7 ± 0,1, en bon accord avec la littérature [7]. En augmentant la valeur du pH, les valeurs de potentiels ζ diminuent à -34 ± 2 mV à pH 11,0 ± 0,1.

Adsorption des nanoplastiques dans de l'eau ultrapure 

L’effet de la concentration initiale en nanoplastiques sur la capacité d’adsorption du charbon actif en grain et l’efficacité d’élimination sont représentés dans la figure 2. Ces expériences ont été menées à une concentration fixe en adsorbant (5 g/l) et à différentes concentrations initiales en nanoplastiques comprises entre 5 et 40 mg/l dans de l’eau ultrapure à pH 7,4 ± 0,1. Une concentration de 5 g/l en GAC (charbon actif granulé) a été choisie afin d’obtenir un équilibre entre efficacité d’élimination, capacité d’adsorption et mesures de turbidité.
Nos résultats indiquent une augmentation de la capacité d’adsorption (mg/g) en augmentant la concentration en nanoplastiques et le temps de contact (fig. 2a). Cela peut s’expliquer par l’augmentation de la  concentration en nanoplastiques dans la solution entraînant un plus fort gradient de concentration, ainsi favorisant la diffusion des nanoplastiques de la solution vers la surface de l’adsorbant. Nous montrons également que les nanoplastiques sont initialement rapidement adsorbés, ensuite l’adsorption devient moins efficace en bon accord avec le fait que les sites d’adsorption sont graduellement occupés jusqu’à saturation obtenue ici au bout de 240 minutes.
Comme indiqué dans la figure 2b, l’augmentation graduelle de la concentration en nanoplastiques de 5 à 40 mg/l se traduit par une diminution de l’efficacité de l’élimination de 98 à 26%, après 240 minutes de temps de contact. En augmentant la concentration, la saturation des sites actifs devient plus rapide que l’augmentation de la concentration en elle-même. Ainsi, la concentration en nanoplastiques est plus importante en solution en augmentant la concentration de ces derniers, provoquant une diminution générale de l’efficacité d’élimination.

Adsorption des nanoplastiques dans une eau de surface  

Afin de comprendre l’influence des conditions environnementales (pH, force ionique, présence de matières organiques) sur les processus d’adsorption des nanoplastiques, de l’eau brute du lac Léman, est utilisée ici. La capacité d’adsorption et l’efficacité d’élimination des nanoplastiques sont présentées en fonction de la concentration initiale en nanoplastiques à la figure 3 pour des expériences menées à pH 8,4 ± 0,1 et une concentration fixe en GAC égale à 5 g/l, ainsi que pour des concentrations en nanoplastiques comprises entre 5 et 40 mg/l. Il est important de souligner ici que le pH de l’eau du Léman était, lors de ces essais, assez élevé (pH 8,4) dû à la production printanière de phytoplancton et donc supérieur d’un ordre de grandeur au pH des essais menés dans l’eau ultrapure (pH 7,4).
Les résultats obtenus indiquent une augmentation de la capacité d’adsorption (mg/g) en augmentant la concentration en nanoplastiques et le temps de contact avec une stabilisation qui intervient au bout de 120 minutes. L’efficacité d’élimination, donnée dans la figure 3b, augmente de 78 à 90% en augmentant la concentration de 5 à 20 mg/l, puis elle est suivie d’une légère diminution en augmentant la concentration.
Il est intéressant de noter que la capacité d’adsorption et d’élimination des nanoplastiques dans une eau de surface est plus importante que les valeurs observées dans l’eau ultrapure (excepté à 5 mg/l) avec une capacité d’adsorption maximale égale à 6,33 ± 0,20 mg/g, en comparaison avec 2,20 ± 0,06 mg/g pour l’eau ultrapure. Cette augmentation est liée à la diminution du potentiel ζ des nanoplastiques dans l’eau du lac Léman ce qui permet une meilleure déstabilisation et la formation d’agrégats de nanoplastiques en solution (fig. 4).
Ces derniers s’adsorbent ensuite à la surface du charbon actif permettant ainsi une augmentation de l’efficacité d’élimination. Cette promotion de l’agrégation est principalement liée à la présence de matières organiques et d’ions divalent en solution qui modifient significativement la stabilité des nanoplastiques. Il convient de noter qu’à faibles concentrations en nanoplastiques (5 et 10 mg/l), le recouvrement de surface des nanoplastiques par la matière organique est plus important, ce qui conduit à une inversion de la charge de surface des nanoplastiques. À de plus fortes concentrations en nanoplastiques (20, 30 et 40 mg/l), l’influence de la matière organique est moins marquée et les nanoplastiques sont à nouveau chargés positivement ce qui résulte en des conditions plus favorables en matière d’interactions entre le charbon actif en grains, chargé négativement, et les nanoplastiques chargés positivement augmentant ainsi la capacité d’adsorption.

Mécanismes d'adsorption des nanoplastiques sur charbon actif 

Nos résultats indiquent que pour comprendre les mécanismes d’adsorption, il est important de comprendre les transformations des nanoplastiques en solution et leurs interactions avec les constituants de l’eau ce qui va conditionner leur affinité avec le charbon actif. Une représentation schématique de ces mécanismes est donnée pour l’adsorption des nanoplastiques dans l’eau ultrapure et dans une eau naturelle (fig. 5c et 6c) avec des images de microscopie électronique à balayage. Dans l’eau ultrapure, les nanoplastiques sont stables et chargés positivement durant tout le temps expérimental et aucune variation du diamètre hydrodynamique n’est observée (fig. 5a). En conséquence, comme illustré par la microscopie électronique à balayage dans la figure 5b, les nanoplastiques sont essentiellement adsorbés à la surface du charbon actif sous forme individuelle ainsi que dans des pores comparativement grands par rapport à leurs tailles de base.
Dans la figure 5c, une représentation schématique des mécanismes d’adsorption-diffusion est donnée où les nanoplastiques sont transportés de la solution vers la surface du charbon actif pour ensuite dans un deuxième temps migrer dans les pores. Étant donné que les nanoplastiques sont chargés positivement dans l’eau ultrapure, leur adsorption par la surface négative du charbon actif est essentiellement dominée par les interactions électrostatiques ce qui explique la formation d’une monocouche plus ou moins homogène.
Dans l’eau brute issue du lac Léman la présence de matière organique naturelle et de cations divalents influence fortement la charge de surface des nanoplastiques et leur stabilité en solution vers la formation d’agrégats (fig. 4). Cette hypothèse est appuyée par les images de microscopie électronique à balayage (fig. 6a) où l’on observe des agrégats de nanoplastiques recouverts d’une matrice d’origine organique.
Ici, la formation d’agrégats est essentiellement liée à la neutralisation de la charge de surface des nanoplastiques ce qui modifie leur stabilité vers la formation d’agrégats. Les ions divalents jouent également un rôle important en favorisant l’adsorption des agrégats de nanoplastiques à la surface des charbons actifs par pontage électrostatique entre agrégats chargés négativement et la surface du charbon actif également chargée négativement. Les images de microscopie électronique (fig. 6b) indiquent que les nanoplastiques sont principalement adsorbés sous forme d’agrégats. Une représentation schématique de l’adsorption des nanoplastiques dans une eau de surface est donnée dans la figure 6c.
En comparaison avec l’eau ultrapure, les conditions dans l’eau du lac Léman sont moins favorables à l’adsorption en raison de la nature des interactions électro­statiques entre les nanoplastiques recouverts de matière organique et chargés négativement et la charge négative du charbon actif. Néanmoins, la présence d’ions divalents comme Ca2+ et Mg2+ rend possible le processus d’adsorption sur charbon actif à travers la formation de points de pontage et en particulier quand la matière organique forme des complexes négatifs avec les nanoplastiques [10]. Il en résulte que le rapport de concentration entre les nanoplastiques et la matière organique joue un rôle dans les mécanismes d’adsorption au même titre que les temps de contacts.

BILAN ET PERSPECTIVES

Dans cette étude, la capacité d’adsorption et l’efficacité d’élimination de nanoplastiques par du charbon actif en grain ainsi que l’influence des conditions environnementales ont été étudiées. Nous montrons que dans de l’eau ultrapure, l’adsorption et l’élimination des nanoplastiques sont contrôlées par des interactions électro-attractives entre les nanoplastiques positivement chargés et le charbon actif négativement chargé. Dans ces conditions, la capacité d’adsorption augmente avec la concentration en nanoplastiques pour atteindre une valeur maximale à 2,20 ± 0,06 mg/g, tandis que l’efficacité d’élimination diminue de 98 à 26%.
Nous avons également trouvé que dans une eau naturelle issue du lac Léman, le processus d’adsorption est fortement influencé par l’agrégation, ce qui favorise la capacité d’adsorption du charbon actif à travers l’adsorption d’agrégats de nanoplastiques. Dans ces conditions, la capacité d’adsorption maximale atteint 6,33 ± 0,20 mg/g avec une efficacité d’élimination plus importante que dans l’eau ultrapure plus particulièrement à forte concentration en nanoplastiques (10 à 40 mg/l) atteignant 90% à 20 mg/l.
Au regard de l’élimination des nanoplastiques en filière de potabilisation, cette étude montre que l’étape de filtration sur charbon actif peut constituer une barrière efficace vis-à-vis de l’élimination des nanoplastiques notamment ceux initialement chargés positivement.
Les résultats acquis sont importants mais du chemin reste encore à parcourir dans l’évaluation de l’impact des autres procédés de traitement de l’eau. En effet, l’étape de filtration sur charbon actif est une étape importante mais d’autres procédés comme la coagulation, la filtration au travers de lits de sable, gravier restent encore à évaluer. En particulier, tout traitement d’eau qui modifie la nature ou la charge superficielle des nanoplastiques, comme par exemple une modification du pH, ou réduit les matières organiques présentes (ozonation, chloration, filtration) aura nécessairement un impact sur l’efficacité d’élimination des nanoplastiques. La problématique reste d’autant plus complexe que pour chaque étape il est important non seulement de tenir compte des propriétés spécifiques des nanoplastiques et de leur nature chimique mais aussi de connaître avec précision les caractéristiques physico-chimiques de l’eau à traiter.
Au-delà de cette étude se pose la question de l’importance de la pollution aux nanoplastiques, de son évolution dans le futur, et des mesures à prendre pour limiter cette pollution. Cela passe par une identification claire des sources de pollution en micro- et nanoplastiques et des objets ou préparations contenant des nanoplastiques, par la détermination de modèles de transport dans l’environnement afin d’évaluer les compartiments les plus impactés ainsi que les risques sanitaires associés à ces micro- et nanoplastiques. Il est donc urgent de poursuivre la recherche dans le domaine.

Bibliographie

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Remerciements

Les auteurs remercient vivement pour leur soutien financier la Société Suisse de l’Industrie de Gaz et des Eaux (SSIGE) à travers le fonds FOWA (017-16) ainsi que les Services Industriels de Genève pour leur support et soutien. Les auteurs sont également reconnaissants aux collaborateurs du groupe de physicochimie de l’environnement de l’Université de Genève ayant contribué par leur travail aux différentes études sur les nanoparticules et nanoplastiques.

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