Plateforme pour l’eau, le gaz et la chaleur
Article technique
29. novembre 2023

Charbon actif - une question de taille?

Étude comparative de procédés d’adsorption pour le traitement des métabolites du chlorothalonil

Le procédé SCAP-UF, qui couple l’adsorption de micropolluants sur du charbon actif superfin (SCAP) et l’ultrafiltration (UF), est une innovation qui permet de minimiser les besoins en charbon actif et d’optimiser l’efficacité d’élimination des polluants. Cette nouvelle technologie a été testée pour la Seeländische Wasserversorgung SWG à Worben. Parallèlement, des essais pilotes ont été réalisés avec du charbon actif en grain et du charbon actif en poudre.
Florence  Bonvin, Tony Merle, Joelle Seppey, Emmanuel Bonvin, Jean-Julien  Dessimoz, Roman Wiget, 

La présence de micropolluants et de leurs produits de transformation (métabolites) dans les ressources en eau est une problématique grandissante, accentuée par les progrès analytiques et l’adaptation continue de la législation. Les métabolites du chlorothalonil (m-CTL), connus pour être potentiellement cancérigènes [1] et persistants, font l’objet d’une attention particulière ces dernières années en raison de leur présence dans de nombreuses ressources en Suisse et en France [2, 3].

Élimination des micropolluants avec du charbon actif

Pour lutter contre ces molécules persistantes, l’adsorption sur charbon actif (CA) apparait régulièrement comme une solution efficace, contrairement à de nombreux autres procédés de traitement, tels que l’ozonation et l’oxydation avancée [4]. Toutefois, ces adsorbants, majoritairement d’origine non-renouvelable et à la production énergivore, représentent la plus grande part des coûts d’exploitation et du bilan environnemental de cette technologie. L’optimisation des doses de CA à utiliser devient alors cruciale. Dans ce contexte, plusieurs améliorations techniques ont été apportées aux procédés conventionnels d’adsorption sur CA parmi lesquels les procédés LUCA et CarboPlus®, utilisant respectivement des charbons actifs en grains (CAG; 0,5 à 2 mm) et micrograins (μCAG; 0,3 à 0,8 mm), dont les performances pour éliminer les m-CTL ont récemment été décrites [5]. Le procédé SCAP-UF développé par Membratec, couplant l’adsorption des micropolluants sur du charbon actif superfin (SCAP; 0,001 – 0,003 mm) à l’ultrafiltration, fait également partie de ces innovations. Le principe de cette technologie est de faciliter l’accès aux sites d’adsorption en diminuant la taille de l’adsorbant. La cinétique d’adsorption des micropolluants et la capacité d’adsorption sont ainsi augmentées, ce qui réduit la consommation de charbon. Cet article présente les résultats d’essais pilotes réalisés en 2022 sur l’eau de nappe alimentant la station de pompage de Worben, exploitée par la Seeländische Wasserversorgung (SWG). L’objectif principal était d’évaluer les performances de trois procédés d’adsorption utilisant des tailles différentes de charbon actif (SCAP, CAP et CAG) pour l’élimination des métabolites du chlorothalonil les plus présents, le R471811 et le R417888. Une comparaison économique et environnementale a également été réalisée sur la base des résultats obtenus. A noter que la technologie SCAP-UF avait jusqu’à présent uniquement fait ses preuves pour le traitement des micropolluants dans les eaux usées [6, 7]. Ces essais constituent donc une première dans le domaine du traitement de l’eau potable.

SWG et les métabolites du chlorothalonil

SWG est un distributeur d’eau du canton de Berne alimentant 20 communes (33 000 hab.) et divers partenaires contractuels (29 000 hab.) au sud-est du lac de Bienne (3 200 000 m3 distribués en 2022). Situé sur le plateau Suisse, ses deux principales ressources sont impactées par la pollution aux pesticides. Les puits de Gimmiz, d’une capacité de 12 000 l/ min, présentent des concentrations entre 0,05 et 0,5 μg/l en R471811 et 0,05 μg/l en R417888, tandis que le puits de Worben (actuellement hors service), d’une capacité de 8000 l/min, est bien plus impacté, avec des concentrations d’environ 1,8 et 0,2 μg/l en R471811 et R417888 respectivement. Les concentrations de ces métabolites dépassent la valeur maximale de l’OPBD, fixée à 0,1 μg/l pour tous les métabolites considérés comme pertinents Dès la découverte de cette contamination en 2019, SWG a cherché une solution afin de réduire les concentrations en m-CTL en-dessous des préconisations de 0,1 μg/l pour l’eau traitée. En 2020, Membratec a démontré au travers d’essais pilotes menés sur les puits de Worben que l’osmose inverse est un procédé efficace permettant d’éliminer plus de 98% des m-CTL [4]. Ce procédé présente toutefois plusieurs inconvénients: (1) il est gourmand en énergie, (2) il peut nécessiter une reminéralisation de l’eau traitée et (3) il produit 20 à 25% de rejet concentré en polluants, dont le traitement est également énergivore et l’option de déversement dans l’environnement est discutable. Ce dernier point suscitera l’abandon de cette alternative de traitement en mai 2023. En parallèle, plusieurs essais pilotes sur des procédés d’adsorption sur CA sont réalisés sur d’autres ressources suisses [5, 8]. SWG a mandaté entre autres le bureau RWB et l’entreprise Membratec pour évaluer l’efficacité de différents procédés d’adsorption sur charbon actif pour éliminer les m-CTL de leurs ressources.

Matériel et méthodes

Essais pilotes

Les essais pilotes ont été menés entre janvier et septembre 2022 à la station de pompage de Worben, installation où se rejoignent les eaux provenant des puits de Gimmiz et de Worben.

Qualité de l’eau brute

Afin de reproduire des conditions expérimentales proches de celles de la future station de traitement, l’eau d’alimentation des pilotes était constituée d’un mélange de 75% d’eau de Gimmiz et de 25% d’eau de Worben pour une concentration moyenne de 0,98 μg/l en R471811 et 0,11 μg/l en R417888.

Pilote SCAP-UF

Le pilote SCAP-UF installé sur site comprend deux cuves distinctes d’adsorption suivies du skid d’ultrafiltration (fig. 1). Le SCAP est d’abord dosé dans l’eau à traiter dans une cuve de contact de 250 l (deuxième cuve) dont le niveau ajustable permet de varier les temps de contact entre 5 et 60 minutes. Un by-pass permet également de tester des temps de contact plus courts (< 30 secondes). Les particules de SCAP sur lesquelles se sont adsorbés les micropolluants ainsi que les autres impuretés présentes dans l’eau (particules, microorganismes) sont ensuite retenues sur les membranes d’ultrafiltration (INGE multibore; seuil de coupure 0,02 μm). A intervalles réguliers, les particules de SCAP (ainsi que d’autres matières en suspension retenues) sont éliminées par rétrolavage. Ces eaux de rétrolavage peuvent être recirculées dans la première cuve (c’est-à-dire en amont du dosage de SCAP frais) ou être éliminées vers la station d’épuration. La préparation du SCAP a été réalisée par broyage humide à partir de CAP ou de CAG dans les locaux de Membratec. La solution SCAP concentrée a ensuite été transportée sur site. L’installation pilote est entièrement automatisée et équipée d’instrumentation permettant de suivre en ligne le débit, les pressions, la turbidité et l’absorbance UV à 254 nm de l’eau brute et de l’eau filtrée.

Pilote CAP-UF

Les essais avec le charbon actif en poudre (CAP) ont été réalisés avec le même pilote et les mêmes conditions que décrit ci-dessus, sans broyage préalable de CAP.

Pilote CAG

Les tests de filtration sur CAG ont été réalisés à l’aide de six colonnes PVC de 15,4 cm de diamètre et d’une hauteur totale de CAG de 200 cm (fig. 2). Plusieurs configurations ont ainsi pu être évaluées en parallèle (type de charbon actif, vitesse hydraulique, mode de filtration) mais seuls les résultats pour la colonne remplie de charbon actif F400 et pour une vitesse hydraulique de 7 m/h sont présentés dans cet article.

Charbons actifs sélectionnés

Les caractéristiques des charbons actifs utilisés sont présentées dans le tableau 1. Le charbon Calgon Filtrasorb 400 (F400)a été utilisé dans ses versions CAG et SCAP, tandis que le charbon Dolder AC Pure D PB 170 B (PB170) a été utilisé en CAP et SCAP.

 

Tab. 1 Caractéristiques des charbons actifs utilisés.

 

Échantillonnage et analyses

Des échantillons ont été prélevés ponctuellement sur l’eau brute et en sortie de chaque procédé afin de déterminer l’abattement de m-CTL et de l’absorbance UV à 254 nm (UV254), paramètre indicatif de la quantité de matière organique dissoute dans l’eau. L’UV254 a également été suivien continu sur l’eau brute de chaque pilote et sur le perméat d’ultrafiltration afin de valider les mesures ponctuelles réalisées en laboratoire et d’évaluer les variations de la qualité de l’eau brute sur la période de test. La concentration de SCAP dosée a été validée lors de chaque campagne d’analyses par la mesure du débit de la pompe doseuse de SCAP et par des mesures de matières sèches de la solution de SCAP concentrée.

 

RĂ©sultats

Qualité de l'eau brute

La qualité du mélange d’eau brute est restée relativement stable durant les essais, même si la concentration en R471811 a légèrement diminué entre avril et septembre 2022, passant de 1,2 μg/l à 0,7 μg/l. Cette variation semble être inversement corrélée à la température (fig. 3). Connaissant la grande stabilité et la mobilité de ce polluant dans l’environnement [9], cette variation est liée à la recharge des eaux souterraines à Gimmiz, qui est elle-même influencée par le débit de l’Aar dans le canal de Hagneck. La concentration en R417888 a oscillé autour de 0,1 μg/l avec un maximum mesuré en mars à 0,15 μg/l. La teneur en matières organiques évaluée par la mesure de l’UV254 est restée stable avec une moyenne de 0,56 m-1. Cette valeur correspond pour cette eau à une concentration en carbone organique dissous (COD) de 0,3 mg C/l ce qui est faible pour une ressource naturelle.

Efficacité du procédé SCAP-UF

Les essais avec le pilote SCAP-UF se sont déroulés sur 2,5 mois durant l’été 2022. Plusieurs paramètres clés du traitement ont été optimisés durant ce pilotage.

Recirculation du SCAP

Après un cycle d’adsorption/filtration, le SCAP retenu sur la membrane peut être soit évacué à l’égout, soit réutilisé partiellement en complément d’un ajout de charbon frais. La recirculation a pour but d’utiliser au mieux la capacité d’adsorption du charbon avant de l’évacuer. Un abattement de 30% supérieur du R471811 a été mesuré en recirculant le charbon pour une dose de charbon frais de 8 mg/l et un temps de contact de 6 minutes avec le charbon frais, en comparaison à la configuration sans recirculation. Pour la suite des essais, un taux de recirculation supérieur à 10 (c.-à-d. que le charbon est recirculé au moins 10 fois) a été maintenu afin de bénéficier au mieux de la capacité d’adsorption du SCAP.

Temps de contact

Le temps de contact entre l’eau et le charbon est un paramètre déterminant de tout procédé d’adsorption, car il influence la taille d’une installation et la consommation de charbon. Un temps de contact suboptimal nécessite des doses de charbon plus conséquentes pour atteindre un taux de traitement donné, tandis qu’un temps de contact long implique des bassins de contact de très grande taille. En effet, le temps nécessaire pour atteindre la capacité d’adsorption maximale (et donc une utilisation efficiente de charbon) dépend notamment de la diffusion des substances présentes dans l’eau vers la surface du charbon actif et à l’intérieur de ses pores. La réduction de la taille de grain réduit la distance de diffusion des micropolluants vers la surface du charbon et accélère donc la cinétique d’adsorption. Ce paramètre est d’autant plus pertinent pour des substances peu adsorbables, telles que le métabolite R471811, dont l’adsorption et la diffusion à l’intérieur des pores du charbon est plus défavorable. En raison de la petite taille du SCAP et de la cinétique d’adsorption accélérée, des temps de contact hydrauliques courts ont été testés, allant de 30 secondes à 6 minutes pour le charbon frais et de 6 à 12 minutes pour le charbon recirculé (temps de contact total). Pour une dose similaire, ces essais n’ont montré aucune différence significative de performance, indiquant que le temps de contact suboptimal avec le SCAP n’a pas été atteint et que des temps de contact encore plus courts méritent d’être testés. Dans une station à grande échelle, il serait donc possible de ne construire qu’une seule cuve de contact de 6 minutes ou moins.

Caractéristiques du charbon

Différents essais variant la taille, le type et la dose de charbon ont été effectués avec une injection de charbon frais (cuve 2) et de charbon recirculé (cuve 1) et un temps de contact de 6 minutes dans chaque cuve. La comparaison des performances d’abattement du R471811 sur le charbon PB170 met en évidence que les fines particules de SCAP sont 30 à 40% plus efficaces que celles de CAP (fig. 4) dans les conditions étudiées. La dose de SCAP nécessaire pour réduire la concentration en-dessous de 0,1 μg/l serait de 9 mg/l, contre environ 16 mg/l pour le CAP. Le type de charbon influence également les performances d’adsorption. Les essais avec du charbon à base de houille (F400) sous forme SCAP montrent une meilleure efficacité que le charbon à base de bois (PB170) pour une même granulométrie. En effet, une dose de 3,5 mg/l de SCAP F400 est suffisante pour réduire la concentration en R471811 en dessous de 0,1 μg/l. Le plus faible abattement du R471811 par le PB170 se fait au profit d’un meilleur abattement de la matière organique (voir ci-dessous), ce qui pourrait indiquer une porosité de plus grande taille, moins adaptée à l’adsorption des petites molécules comme les m-CTL. Ces résultats soulignent l’importance de tester plusieurs charbons dans le cadre d’essais pilotes afin de définir l’adsorbant le plus adapté à la qualité d’eau et au(x) micropolluant(s) à éliminer.

Exploitation

Le pilote a fonctionné à flux élevé (entre 85 et 95 l/[hm2]) et la perméabilité des membranes est restée supérieure à 1000 l/(hm2bar) sur toute la durée du pilotage. Aucun nettoyage chimique n’a été nécessaire et les pertes en eau, liées aux rétrolavages et à l’extraction du charbon, sont très faibles (< 0,5%). Dans le cadre du pilotage, la solution de SCAP usagé a été déversée aux égouts. Dans une installation à grande échelle, il est envisageable de réutiliser le SCAP usagé pour adsorber les micropolluants présents dans les eaux usées, comme démontré récemment pour le procédé CarboPlus [5]. Le SCAP ainsi réutilisé peut ensuite être incorporé dans les boues de STEP avant d’être extrait et incinéré. Selon les contraintes locales, les boues de SCAP peuvent alternativement être concentrées sur site, puis incorporées directement dans la filière de gestion des boues d’une STEP.

Efficacité du filtre CAG

La figure 5 compare la courbe de percée du métabolite R471811 dans le filtre CAG pour deux hauteurs différentes (50 et 100 cm). Les percées pour les hauteurs de 150 et 200 cm n’ont pas pu être observées (concentrations inférieures à la limite de quantification) dû à la durée limitée des
essais. Contrairement aux précédents résultats obtenus sur l’eau du puits de la Vernaz [5], le temps de contact semble jouer un rôle sur la rétention du R471811. Pour un temps de contact de 4,3 min (50 cm de CAG), la percée sur le mélange d’eau de Worben intervient après avoir filtré 36 m3 d’eau/kg CA contre 51 m3/kg CA pour un temps de contact de 8,6 min (100 cm de CAG). Au puits de la Vernaz, dans une eau souterraine deux fois plus chargée en matière organique (COD d’env. 0,6 mg C/l), la percée était apparue après 25 à 30 m3/kg pour le charbon F400 et les mêmes conditions hydrauliques ce qui met en évidence la compétition pour les sites d’adsorption. Enfin, toutes les analyses réalisées montrent que les métabolites R417888 et desphenyl chloridazon, présents dans l’eau brute à une concentration moyenne de 0,10 et 0,38 μg/l, ne présentent pas de concentrations supérieures à la limite de quantification (0,01 μg/l) dans l’eau filtrée, quelles que soient les conditions de traitement étudiées, prouvant ainsi qu’en ciblant le traitement sur le métabolite R471811, les autres métabolites seront également éliminés dans cette gamme de concentrations.

La taille du charbon actif: le paramètre déterminant

L’enseignement principal du pilotage en parallèle des procédés filtres CAG, CAPUF et SCAP-UF sur la même eau brute est l’importance de la taille du charbon actif pour l’adsorption du métabolite R471811. La figure 6 illustre, pour le cas de Worben et pour les différents procédés étudiés, quel est le volume d’eau qu’un kilo de CA est capable de traiter avant que le charbon ne doive être renouvelé. Pour le mélange d’eau testé présentant une faible concentration en matières organique, Le charbon F400 possède une capacité de traitement au moins 5 fois supérieure lorsqu’il est sous forme de poudre superfine (SCAP F400) comparé aux grains (CAG F400). Cette meilleure capacité du SCAP est également observée pour le charbon PB170 pour lequel la capacité est 1,8 fois supérieure à celle du CAP. L’utilisation de fines particules de SCAP réduit drastiquement les distances de diffusion à l’intérieur des particules, accélérant ainsi la cinétique d’adsorption, ce qui permet d’approcher la capacité maximale du charbon. Ces aspects sont importants pour des micropolluants faiblement adsorbables comme le R471811. Enfin, la compétition et le potentiel de blocage de  pores par la matière organique sont minimisés par l’accélération de la cinétique et l’augmentation de la surface externe du charbon actif [10]. Les différences importantes ainsi observées entre le SCAP, le CAP et le CAG avec l’eau de Worben pourraient être similaires pour des eaux plus chargées en matières organiques. Des essais sont actuellement en cours sur des eaux de lac pour valider cette hypothèse.

Comment tirer profit de la matière organique?

Naturellement présente dans les eaux souterraines et les eaux de surface, la matière organique se compose de substances non toxiques pour l’homme aux concentrations rencontrées dans l’environnement. Elle est toutefois non désirable dans les procédés d’adsorption sur charbon actif, car elle limite l’adsorption des micropolluants en occupant elle-même les sites d’adsorption ou en restreignant l’accès aux pores par un blocage physique. Il est néanmoins possible de tirer profit de la présence de matières organiques pour prédire l’efficacité des procédés d’adsorption. En effet, des études précédentes ont mis en évidence une bonne corrélation entre l’abattement de la matière organique (quantifiable par la mesure en continu de l’absorbance UV à 254 nm) et l’abattement de micropolluants dans des applications pour le traitement des eaux usées [11] ou la production d’eau potable [12]. Cette corrélation a été validée durant ces essais pilotes (fig. 7). La relation est indépendante de la taille du charbon mais dépend du type de charbon actif utilisé. Les distributeurs d’eau peuvent donc considérer la matière organique comme une «alliée» dans l’exploitation des stations de traitement, qui permet de valider le bon fonctionnement d’une installation, de prédire la percée d’une colonne ou d’asservir le dosage de charbon du procédé SCAP-UF.

Comparaison Ă©conomique et bilan environnemental

L’étude économique et le bilan environnemental ci-dessous ont été réalisés pour le projet de la SWG, pour une qualité d’eau brute spécifique (eau de nappe, faible teneur en matières organiques, très faible turbidité, température constante, 0,98 mg/l en R471811), à un débit de traitement précis et dans le cadre d’un bâtiment existant. Ces essais pilotes sur le traitement des métabolites du chlorothalonil, réalisés avec des eaux peu chargées en matières organiques, ont mis en évidence les économies importantes de charbon qui sont possibles par simple réduction de la taille du charbon. Les besoins énergétiques, l’investissement initial et le bilan environnemental entrent également en compte dans le choix d’une technologie de traitement. Une évaluation complète des coûts d’exploitation (OPEX) et de l’empreinte CO2 a donc été faite pour le cas de la SWG afin de comparer les trois procédés dans leur ensemble (tab. 2). Compte tenu de la configuration de ce projet avec l’intégration du traitement dans un bâtiment existant, les coûts d’investissement des différentes variantes ne sont pas détaillés, car non pertinents pour d’autres projets. Les procédés hybrides (S)CAP-UF sont plus énergivores que la filtration CAG, toutefois le procédé SCAP-UF reste plus de deux fois plus économique que le CAG et 1,3 fois que le procédé hybride sans broyage, avec des coûts d’exploitation totaux inférieurs à 6 ct/m3 d’eau traitée pour le procédé SCAP-UF contre 12,3 et 7,8 ct/m3 pour le CAG et le CAP-UF. La transformation de CAP en SCAP par broyage représente moins de 5% des coûts d’exploitation. Enfin, le bilan environnemental est largement dépendant de la consommation de charbon et de son origine. L’empreinte CO2 pour le traitement des m-CTL diminue avec la réduction de la taille du grain, avec environ 3 fois moins d'émissions de CO2 pour un traitement par SCAP-UF que par CAG. Il est à noter que le charbon non-fossile testé ici (PB170 B à base de bois) requiert des doses plus importantes pour atteindre les objectifs de traitement. Malgré son empreinte CO2 plus faible, le bilan final est équivalent à l’utilisation d’une plus faible dose de SCAP à base de houille.

 

Tab. 2 Comparaison de l’emprise au sol, des OPEX et de l’empreinte CO2 pour les trois procédés lit CAG, CAP-UF et SCAP-UF utilisant le charbon F400.

Conclusions et perspectives

Le pilotage en parallèle des procédés filtre CAG, CAP-UF et SCAP-UF sur l’eau souterraine de la SWG a permis de mettre en évidence l’importance de la taille de particules du charbon actif dans l’adsorption du métabolite R471811. La réduction de la taille de l’adsorbant permet une  meilleure cinétique d'adsorption et une utilisation plus efficiente de la surface d’adsorption du charbon. Ces avantages sont particulièrement pertinents pour l’élimination de composés ayant peu d’affinité pour le charbon et récalcitrants aux procédés d’oxydation. Pour le cas spécifique de la SWG, présentant une matrice d’eau avec de faibles concentrations en matière organique naturelle et une concentration du métabolite R471811 de 1 μg/l, l’abattement à 0,1 μg/l est possible avec le procédé SCAP-UF avec une dose de 3,5 mg/l de F400, soit une consommation de charbon 5 fois moins importante qu’avec un filtre CAG classique. Bien que le procédé SCAP-UF soit plus énergivore, les coûts d’exploitation et l’empreinte CO2 du traitement des m-CTL sont réduits de 50%, resp. 65% encomparaison au lit CAG classique. L’avantage observé pour l’adsorption du R471811 sur des fines particules de SCAP reste à être validé sur des matrices d’eau plus impactées par la matière organique. En raison de l’adsorption accélérée et de la grande surface externe du SCAP, on peut s’attendre à ce que l’adsorption sur les fines particules soit moins impactée par la compétition avec la matière organique en comparaison au CAP ou au CAG. Suite à ce pilotage, la première installation suisse de traitement d’eau potable avec le procédé SCAP-UF verra le jour en 2024 pour le traitement des m-CTL à Worben. Le procédé sera également testé pour l’abattement d’autres micropolluants récalcitrants, dont la grande famille des PFAS.

Bibliographie

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[13] VSA (2018): Définition et standardisation d’indicateurs pour les procédés d’élimination des composés traces organiques dans les STEP. Recommandations

Remerciements

Nous remercions chaleureusement José Mota pour la construction et l’optimisation du pilot, Ambre Drubay et Matthieu Amos pour leur soutien laboratoire et à l’exploitation, ainsi qu’Alexandre Bagnoud, Christophe Bonvin et Daniel Urfer pour leur contribution au manuscrit.

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