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Article technique
28. mai 2021

énergies renouvelables

Les transports de biomasse ne font pas fausse route

Le bois et autres formes de biomasse comptent parmi les ressources locales qui contribuent à un approvisionnement énergétique durable de la Suisse. Cependant, l’utilisation énergétique de ces ressources nécessite des transports. Jusqu’à présent, ceux-ci sont généralement assurés par des tracteurs et des camions, lesquels consomment eux-mêmes des combustibles fossiles et émettent des gaz à effet de serre tels que le CO2. Une étude de l’Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage WSL montre désormais que la consommation de carburant liée au transport ne remet pas en cause l’utilisation de la biomasse locale pour produire de la chaleur et de l’électricité.
Benedikt Vogel 

Aujourd’hui, l’exploitation forestière contribue dans une large mesure à la production d'énergie, comme le montre un coup d’œil à la statistique forestière suisse: 4,6 millions de m3 de bois ont été récoltés en 2019, dont 1,9 million de m3 pour une utilisation énergétique. Les plaquettes de bois représentaient un peu moins de deux tiers du bois énergie et les bûches un bon tiers. L’exploitation forestière, mais également l'agriculture sont impliquées dans la production d’énergie: en Suisse, 1,5 million de bovins et 1,4 million de porcs produisent des quantités considérables de fumier et de lisier. Une petite partie de ces engrais issus de la ferme est transformée en chaleur et en électricité dans des installations de biogaz. «Le bois de forêt, et notamment le fumier issu de la ferme, présentent le plus grand potentiel inexploité pour l’utilisation de la biomasse à des fins énergétiques», explique Vanessa Burg, chercheuse à l’Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage (WSL) à Birmensdorf (ZH).

L’exploitation énergétique du bois de forêt, mais également celle du fumier, nécessite elle-même de l’énergie. Par exemple, pour le transport du bois de la forêt à la scierie ou le transfert du fumier de la ferme à l’installation de biogaz. Aujourd’hui, ces transports sont principalement effectués par la route, avec des véhicules consommant du diesel ou de l’essence. Une équipe de chercheurs du WSL, avec le soutien de l’Université de Genève, a voulu connaître l’importance de la consommation d’énergie et des émissions de gaz à effet de serre de ces transports et les mettre en relation avec les rendements électriques et thermiques obtenus par la valorisation énergétique de la biomasse. Concrètement, l’énergie requise, les émissions de CO2 et les coûts ont été calculés pour douze modes de transport courants (voir l’encadré et la figure 1). Pour la longueur des itinéraires de transport respectifs, les scientifiques se sont appuyés sur des estimations d’experts ou des données anonymes de l'Office fédéral de l’agriculture. Le projet de recherche a été financé par l’Office fédéral de l’énergie (OFEN) et le WSL.

Les transports professionnels requièrent moins d’énergie.

«L’étude réfute clairement le préjugé parfois exprimé selon lequel l’utilisation de la biomasse à des fins énergétiques ne vaut pas la peine parce que le transport consomme beaucoup d’énergie», déclare Vivienne Schnorf, chercheuse au WSL, en résumant l’un des principaux résultats de l’étude. Compte tenu des distances de transport habituelles en Suisse, l’énergie nécessaire au transport ne représente en fait qu’une faible proportion de l’énergie contenue dans la biomasse. Dans le cas du bois de forêt (bûches et plaquettes), la dépense énergétique pour le transport représente 0,3 à 1,5% de l’énergie primaire contenue dans le bois transporté. La part est plus élevée dans le cas du fumier mais reste inférieure à 5%. L’examen des quatre formes de biomasse étudiées permet de conclure: l’énergie requise pour le transport est plus faible pour les plaquettes de bois que pour les bûches, et le transport du fumier peut être effectué avec moins d’énergie que celui du lisier, à moins que le lisier ne soit transporté par des conduits souterrains (fig. 2).

Le cas du lisier n’est pas le seul à présenter des variations en termes de dépenses énergétiques pour les méthodes de transport étudiées. Le même constat peut être fait, dans une plus ou moins grande mesure, pour le fumier, les plaquettes de bois et les bûches (fig. 3-6). Les transports effectués par les agriculteurs nécessitent plus d’énergie par unité transportée pour les quatre ressources énergétiques que lorsque des entreprises de transport professionnelles se chargent de cette tâche. Pour le transport des bûches de bois, les entreprises forestières (prestataires de services spécialisés) obtiennent de meilleurs résultats que les exploitations forestières, qui sont généralement moins bien équipées techniquement pour le transport. Les particuliers collectant eux-mêmes leur bois de cheminée dans la forêt ont besoin de moins d’énergie (hypothèse: transport sur 10 km pour l’aller et le retour). L’utilisation de camions articulés pour le transport de plaquettes de bois présente une efficacité énergétique similaire à celle des camions classiques pour des distances de 5 à 10 km, malgré des distances de transport plus longues de 10 à 30 km. Cela est dû à la capacité de chargement beaucoup plus élevée des camions articulés.

Les transports longues distances deviennent non rentables

Les chercheurs du WSL et de l’Université de Genève ont examiné les dépenses énergétiques mais également les émissions de CO2 des transports et les ont comparés aux économies de CO2 réalisables en produisant de l’énergie avec de la biomasse plutôt que des combustibles fossiles (fig. 7). Les résultats montrent que le transport ne peut réduire que légèrement le bilan CO2 de l’exploitation énergétique du bois forestier, à savoir de 6% au maximum, si les agriculteurs transportent des bûches d’arbres feuillus. La valeur maximale pour le bois de conifères, moins souvent utilisé à des fins énergétiques, est de 9%. Dans le cas du lisier et du fumier également, l’utilisation de l’énergie entraîne une réduction des émissions de CO2, mais dans une moindre mesure puisque de petites quantités de méthane sont émises non seulement pendant le transport, mais aussi pendant la production de biogaz. Selon le rapport final de l’OFEN, la valorisation énergétique du lisier et du fumier permet encore d’économiser trois fois plus de CO2 que la quantité générée par le transport.

La conclusion de l’étude est que ni la dépense énergétique ni les émissions de CO2 du transport ne plaident en défaveur d’une utilisation énergétique du bois de forêt et du fumier. Si un point limite l’utilisation, alors il s’agit des coûts du transport (y compris ceux pour le chargement et le déchargement). Après une certaine distance de transport jusqu’au consommateur final, ces coûts dépassent le produit de la vente de la bioénergie. Dans le secteur du bois forestier, c’est déjà le cas à partir d’une distance de 43 km pour le mode de transport «exploitation forestière». L’argument des coûts est encore plus restrictif dans le cas du lisier: ici, le transport n’est déjà plus rentable à partir d’une distance de 3 km. Dans leur rapport final, les auteurs de l’étude du WSL recommandent de travailler au raccourcissement des itinéraires de transport et à l’augmentation des volumes de transport: «Pour optimiser davantage le transport de la biomasse, nous devons améliorer la planification de l’emplacement des installations, l’infrastructure routière doit être orientée vers le transport par poids-lourd afin d’augmenter la capacité de transport, et enfin, il faut utiliser des carburants à faible ou zéro émission de carbone.»

Douze méthodes de transport courantes pour les bûches, les plaquettes de bois, le lisier et le fumier

Pour leur étude, les chercheurs du WSL et de l’Université de Genève ont interrogé des représentants de la sylviculture et de l’agriculture sur les modes de transport du bois forestier (grumes, plaquettes) et des engrais de ferme (lisier, fumier). La figure 1 illustre les douze méthodes de transport les plus importantes avec les processus de transport respectifs et les itinéraires calculés.

Bûches

La section 2 de la figure 1 présente la méthode de transport la plus courante pour les bûches telle qu’elle est souvent utilisée par les exploitations forestières: un tracteur avec remorque roule à vide dans la forêt et charge des bûches fendues d’un mètre de long avec la grue intégrée. Il les emmène à l’exploitation forestière, où elles sont déchargées et coupées en morceaux de bois de taille adaptée pour les fours. Le bois en bûches (quantité supposée: trois stères) est livré au client, et enfin le tracteur retourne à l’exploitation forestière avec une remorque vide.

Plaquettes de bois

La méthode de transport la plus utilisée pour les plaquettes de bois est la numéro 6 dans la figure 1: un camion roule à vide de l’exploitation forestière vers la forêt. Les plaquettes de bois déchiquetées par le broyeur sont placées dans le conteneur (volume de chargement supposée: 40 m3) puis transportées dans une centrale de chauffage au bois ou une centrale de cogénération chaleur-force. Après le déchargement, le camion retourne à vide dans la forêt pour une autre livraison.

Lisier

La section 8 de la figure 1 représente la méthode de transport la plus répandue pour le lisier: à la ferme, le lisier est pompé dans la cuve de la semi-remorque (hypothèse: volume de 27 m3) avec la pompe intégrée puis apporté à l’installation de biogaz. Le lisier est déchargé et, à sa place, le digestat - le produit résiduel de l’installation de biogaz - est chargé avant d’être épandu sur le champ. La semi-remorque retourne ensuite à l’usine de biogaz pour charger et épandre de nouvelles quantités de digestat.

Fumier

Enfin, le mode de transport le plus courant pour le fumier (numéro 12 dasn la figure 1): une remorque (hypothèse: poids de charge de 15 t) est chargée par chargeur frontal. Le fumier arrive à l’installation de biogaz, le tracteur et la remorque retournent vides à la ferme. Dans la deuxième phase de ce processus de transport, l’agriculteur collecte le digestat de l’installation de biogaz avec la tonne à lisier, l’épand sur le champ et retourne à la ferme avec une tonne vide. Comme pour le processus de lisier, celui-ci peut être répété à maintes reprises.

Option

La colonne entre les procédures 7 et 8 (fig. 1) n’indique pas une procédure de transport propre, mais représente une option: une partie du bois rond énergétique est acheminée vers un parc de stockage accessible pendant l’hiver. À partir de là, les trois méthodes « classiques» de transport des plaquettes de bois entrent en jeu. 

Informations

Le rapport final du projet de recherche «Biomass transport for energy in Switzerland: Costs, energy and CO2 performance of main forest wood and manure transport chains» est disponible sur: https://www.aramis.admin.ch/Texte/?ProjectID=44234

Dr Sandra Hermle (Sandra.Hermle@bfe.admin.ch), directrice du programme de recherche de l’OFEN sur la bioénergie communique des informations sur ce projet.

Vous trouverez plus d’articles spécialisés concernant les projets pilotes, de démonstration et les projets phares dans le domaine de la bioénergie sur www.bfe.admin.ch/ec-bioenergie.

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