La stratégie du Fonds de la recherche de l’industrie gazière (FOGA) est régulièrement adaptée et développée. Actuellement, c’est la stratégie 2020-2025 qui est en vigueur. Quelle est la vision formulée dans cette stratégie?
Sachant que l’industrie gazière suisse soutient pleinement l’objectif zéro émission nette que s’est fixée la Confédération, la vision du FOGA est de contribuer, par différents moyens, à atteindre une distribution de gaz climatiquement neutre en CO2 au travers de nos infrastructures, à l’horizon 2050.
... et quels sont les différents axes qui en découlent?
La stratégie actuelle du FOGA est axée sur quatre volets, à savoir l’efficacité énergétique, l’adaptation des infrastructures gazières, le développement des gaz renouvelables et les enjeux relatifs à l’hydrogène. Ils portent plus précisément sur les points suivants:
Quels projets du FOGA ont été achevés l’année dernière? Quels enseignements en ont été tirés?
L’année dernière, deux projets ont été menés à bien dans le domaine de l’optimisation de l’énergie dans les bâtiments. Premièrement, le projet OPTIM-EASE. Il s'agit de l'optimisation du concept énergétique des bâtiments en tenant compte de l'impact environnemental et du couplage sectoriel, conduit par la Haute École d’Ingénierie et de Gestion du Canton de Vaud (HEIG-VD). L’objectif principal de ce projet est de déterminer comment des systèmes multi-énergies décentralisés pour des groupes de bâtiments peuvent minimiser les coûts et l’impact environnemental de la demande en énergie. Une modélisation de la demande et de la fourniture d’énergie des bâtiments a été réalisée. Le modèle a été validé à l’aide d’une sélection de cas concrets en Suisse, réalisés par des services municipaux, des fournisseurs de gaz et des entreprises énergétiques.
Deuxièmement, le projet du parc d'activités «K3 Handwerkcity» à Wallisellen. Celui-ci a été créé comme un site innovant et flexible, avec une exploitation écologique et énergétiquement autonome. Le projet du distributeur d’énergie die werke wallisellen a été accompagné scientifiquement par l’Empa. L’accent a été mis sur le développement et la validation de l’optimisation de l’exploitation d’une centrale énergétique bivalente qui utilise l’énergie électrique locale de manière optimale afin de répondre à l’empreinte carbone du réseau électrique suisse. Au cours de la première année d’exploitation, le système de chauffage du bâtiment K3 a été exploité avec une régulation conventionnelle – telle qu’elle correspond aujourd’hui à l’état de la technique – sur la base de conditions prédéfinies. Un concept de régulation prédictif conscient des émissions, développé par l’Empa, a été installé et validé pour la deuxième année d’exploitation. Il a permis d’atteindre un potentiel d’économie des émissions de CO2 de 20% par rapport à un régulateur conventionnel. L’optimisation des coûts a également permis de réduire les émissions de 17%.
«La vision du FOGA est de contribuer à atteindre à une distribution de gaz climatiquement neutre en CO2 au travers de nos infrastructures, à l’horizon 2050.»
Quels sont les projets FOGA en cours ou sur le point de démarrer concernant les différents axes?
Actuellement, le FOGA gère onze projets. Une partie considérable de ces projets est axée sur les gaz renouvelables. Dans le domaine du couplage sectoriel par les technologies Power-to-X et X-to-Power, le projet «Ensure» de la Haute école OST a été lancé en collaboration avec l’industrie du gaz et de l’électricité, l’OFEN et le Canton de Saint-Gall. Avec la transition énergétique, de plus en plus de sources d’électricité décentralisées et fluctuantes sont raccordées au réseau électrique. Le projet examine comment les technologies Power-to-X et X-to-Power peuvent contribuer à combler la pénurie d’électricité en hiver, mais aussi à délester le réseau avec de l’énergie de réglage dans le réseau électrique.
Le projet «Deep Blue Hydrogen», qui a été lancé en 2023, vise à étudier et à évaluer à l’échelle nationale comment la biomasse marine peut être utilisée pour produire de l’hydrogène ou du biométhane. Le projet est mené par le distributeur d’énergie Viteos, en collaboration avec l’entreprise Clean Carbon Conversion AG. La faisabilité de la culture de la biomasse lacustre sur des plateformes dans le lac sera étudiée. Un gaz renouvelable sera produit à partir de la biomasse lacustre dans le cadre d’un processus de gazéification.
Dans le domaine de la digestion anaérobie de la biomasse, plusieurs projets sont en cours. Ils se concentrent sur l'efficacité de la production de biométhane, et deux nouveaux projets traitent de la production de biogaz dans les stations d'épuration. Le projet «CONRAD II», mené par l'HEIG-VD, étudie l'enrichissement des digesteurs anaérobies en CO2 comme méthode de prétraitement pour améliorer la production de biométhane. Un projet de la SUPSI et de la ZHAW s’intéresse à la méthanisation in situ, qui consiste à introduire de l’hydrogène directement dans le fermenteur.
La stratégie FOGA 2026–2030 est en cours d’élaboration. A quoi ressemblera-t-elle? Quelles seront les adaptations et sur quoi se concentrera-t-on désormais?
En effet, il a été décidé de revoir la stratégie FOGA à l’aune de la nouvelle roadmap définie par l’ASIG l’année dernière. Pour mémoire, celle-ci comprend sept thèmes ou mesures prioritaires, avec comme vision la décarbonation du gaz sous toutes ses formes, à l’horizon 2050. Les travaux de révision de cette stratégie viennent de débuter. Il est donc encore un peu tôt pour donner les nouvelles orientations, néanmoins il est probable que les aspects liés à la capture du CO2, à son transport, à son utilisation, voire à son stockage (CCUS), soient un nouvel axe soutenu par le FOGA.
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Le secteur gazier doit augmenter la part des gaz renouvelables à 100% d’ici 2050. Comment le FOGA entend-il soutenir l’augmentation de la part des gaz renouvelables à base de méthane dans le réseau gazier suisse?
De mon point de vue, il est impératif de travailler sur plusieurs axes. Tout d’abord, il reste encore un potentiel non exploité dans le traitement des déchets solides, et l’innovation peut jouer un grand rôle en développant la pyrolyse. En outre, il faut aussi encourager l’innovation dans la capture du CO2 et de son utilisation, car cela serait intéressant pour les sites industriels émetteurs de CO2. Et finalement, l’importation de gaz renouvelables doit impérativement être exemptée de la taxe CO2. Ce sujet est d’ailleurs traité de façon prioritaire et urgente par l’ASIG.
Selon vous, où se situent les plus grandes lacunes en matière de connaissances sur l’hydrogène? Quelles sont donc les questions à aborder en priorité?
L’hydrogène est un gaz bien connu des milieux industriels, mais relativement moins maîtrisé par les entreprises gazières. Néanmoins, de nombreuses similitudes existent avec le méthane, si ce n’est que la molécule d’hydrogène est plus petite. Dès lors, il est important de déterminer la compatibilité de l’infrastructure existante pour un transport et une distribution de l’hydrogène, ainsi que les éventuelles adaptations à entreprendre sur le réseau. Aussi, il sera nécessaire de prendre des mesures sécuritaires complémentaires ou différentes, car cette molécule dispose de certaines particularités tout de même différentes du méthane.
Après l’hydrogène, le CO2 sera-t-il un autre gaz sur lequel le secteur gazier devra se pencher? Quelles seront les questions prioritaires?
Le CO2 est également un gaz bien connu des milieux industriels, mais ce n’est par contre pas le cas des entreprises gazières. Ce gaz est plus complexe à gérer, étant donné qu'il change de phase en fonction de la pression et de la température. De mon point de vue, la capture du CO2 et son traitement sont un axe important pouvant contribuer à la réduction des émissions de CO2, ainsi il est nécessaire d'acquérir les connaissances de base propres à ce gaz. De plus, il semble opportun de mener des réflexions quant au développement futur d’un réseau de CO2 permettant de le transporter depuis les sites à fortes émissions vers un lieu de stockage, mais aussi pour le réutiliser et le valoriser.
«Il est probable que les aspects liés à la capture du CO2, à son transport, à son utilisation, voire à son stockage, soient un nouvel axe soutenu par le FOGA.»
Y a-t-il eu jusqu’à présent une interaction entre l’encouragement de la recherche par le FOGA et celui de l’OFEN?
De nombreux projets soumis au FOGA disposent également d’une contribution de la part de l’OFEN. Cela démontre la pertinence et le potentiel d’innovation des projets qui sont soumis au FOGA.
Quels changements sont à prévoir en ce qui concerne les encouragements à la recherche par l’OFEN, et y a-t-il un impact sur les axes stratégiques du FOGA?
Malheureusement, les coupes budgétaires actuellement envisagées par la Confédération prévoient de supprimer les subventions auparavant accordées aux projets «Pilotes et Démonstrateurs». Ceci est regrettable, car l’innovation est un pilier important de développement pour les énergies renouvelables. Cette probable décision n’aura en principe pas d’impact sur la stratégie du FOGA, mis à part que cela va rendre plus difficile la concrétisation de projets car il sera nécessaire de trouver d’autres financements pour soutenir le développement d’innovations.
Gaznat s’engage fortement dans le domaine de la recherche et de l’innovation. Quels sont les projets en cours et quelles sont les questions prioritaires à l’heure actuelle?
Actuellement, Gaznat met l’accent sur la mise au point d’un réacteur de méthanation catalytique à haut rendement de conversion de CO2 (> 99%), ainsi que des membranes en graphène pour la capture du CO2. Ces deux équipements novateurs sont en cours de test dans l’Innovation Lab à Aigle. Après différentes mises au point des équipements auxiliaires du réacteur de méthanation, les performances de conversion ont été atteintes. Nous collaborons avec GRZ Technologies pour prendre contact avec des potentiels clients, afin de produire une présérie de cinq réacteurs. Dans l’intervalle, il a aussi été décidé de doubler sa capacité pour atteindre 500 kWth.
Quant aux membranes en graphène, les résultats sont très encourageants. Des tests de performance réalisés sur plusieurs semaines d’exploitation ont démontré la haute fiabilité des membranes, ainsi que leur capacité à «capturer» le CO2. Le taux de pureté s’élève à 60% avec un premier étage de membranes. Et le deuxième étage va permettre d’atteindre une pureté supérieure à 90%.
«Après différentes mises au point des équipements auxiliaires du réacteur de méthanation, les performances de conversion ont été atteintes.»
Dans ce contexte, la collaboration avec des instituts de recherche suisses, notamment l’EPFL, est importante. En quoi consiste la collaboration avec l’EPFL?
Cette collaboration a été axée sous deux angles; le financement de trois chaires et dix-sept projets R&D. Les chaires (géo-ingénierie, géo-énergie et séparations avancées) avaient plus une vocation de recherche, alors que les projets étaient plus orientés sur des expérimentations de nouveaux produits en laboratoire, voire sur la réalisation de démonstrateurs. Les domaines sur lesquels les projets devaient porter étaient en lien avec l’énergie, à savoir la capture du CO2 et sa séquestration, l’efficience énergétique, la production d'énergie renouvelable, ou encore les infrastructures énergétiques au sens large.
A la fin de l’année dernière, les deux organisations ont signé un nouvel accord-cadre afin de poursuivre leur collaboration. Que prévoit-il?
Le nouvel accord-cadre signé en fin d’année 2024 avec l’EPFL se concentre uniquement sur des projets. Il a été décidé de procéder à trois appels à projets, échelonnés sur sept ans. Les domaines seront variés, à savoir: les technologies de séparation avancées, la production de gaz et de liquide de synthèse, l’efficience énergétique, le stockage de l’énergie, la capture et le stockage du CO2 (CCUS), l’impact de certaines molécules sur les matériaux, et finalement l’intelligence artificielle.
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Gilles Verdan a suivi des études d’ingénieur en génie électrique à la HES-SO ainsi que des études postgrades en gestion et en gestion des risques à la HES-SO et à l’Université de Genève respectivement. Il a acquis une expérience professionnelle dans les domaines de la radio-télécommunication, de la sécurité et des transports publics avant de rejoindre Gaznat en 2008. Après avoir dirigé le département Réseau pendant 17 ans, Gilles Verdan est depuis le début de cette année directeur général de Gaznat SA. Il s’engage également au sein de l’ASIG. Depuis l'année dernière, il est président de la Commission technique de coordination (FTK) et vice-président de l'ASIG. |
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L’industrie gazière soutient des projets et promeut de nouvelles technologies dans le domaine gazier par le biais du Fonds de recherche, de développement et de promotion de l’industrie gazière suisse (FOGA), créé en 1992. L’orientation stratégique du FOGA et la sélection des projets soutenus sont du ressort de la commission technique de l’ASIG, actuellement présidée par Gilles Verdan. Le secrétariat du FOGA est assuré par Bettina Bordenet (SVGW). Elle est également la personne de contact pour les questions relatives au FOGA et à ses projets ainsi qu’à la soumission des demandes de projets. |
Info FOGA: https://gazenergie.ch/fr/innovation Contact FOGA: Bettina Bordenet, b.bordenet@svgw.ch, Tel. +41 44 288 33 19 |
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