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18. janvier 2023

Biodiversité

Une nouvelle théorie aide à protéger les écosystèmes

Les écosystèmes réagissent très différemment à l’influence humaine. Toutefois, les causes de ces différences sont encore peu comprises. Une équipe de chercheuses et chercheurs de l’Eawag et du WSL propose à présent une approche intégrative. Celle-ci s’appuie sur quatre processus fondamentaux qui façonnent la biodiversité terrestre et aquatique, et livre des informations sur les moyens de protéger de façon plus ciblée la diversité des espèces dans les écosystèmes bleus (aquatiques) et verts (terrestres).

Depuis des annĂ©es dĂ©jĂ , les chercheuses et chercheurs ont observĂ© que les Ă©cosystĂšmes aquatiques et terrestres et leurs communautĂ©s d’espĂšces rĂ©agissent diffĂ©remment aux changements provoquĂ©s par les ĂȘtres humains. Alors que certains Ă©cosystĂšmes sont trĂšs sensibles au rĂ©chauffement climatique, par exemple les communautĂ©s de plantes au sommet des montagnes, d’autres sont moins touchĂ©es. Comment expliquer ces diffĂ©rences? Dans le cadre de l’initiative de recherche Blue-Green Biodiversity (BGB), un vaste groupe de scientifiques des instituts de recherche WSL et Eawag a mis Ă  disposition un ensemble d’outils qui permet d’expliquer les diffĂ©rences de rĂ©actions des Ă©cosystĂšmes Ă  l’influence humaine. L’étude, qui se concentre sur les systĂšmes terrestres et d’eau douce comme les lacs, les riviĂšres et les ruisseaux, a Ă©tĂ© publiĂ©e rĂ©cemment dans la revue scientifique Ecology Letters.

«Selon la thĂ©orie des communautĂ©s Ă©cologiques, quatre processus fondamentaux sont Ă  l’Ɠuvre pour façonner la biodiversitĂ© d’un site: la propagation, la spĂ©ciation, la sĂ©lection au niveau de l’espĂšce et la dĂ©rive Ă©cologique», explique Ian MacFadden, post-doctorant au sein de l’initiative de recherche BGB et l’un des deux auteurs principaux de cette Ă©tude. L’un des principaux objectifs de l’étude BGB consistait Ă  rĂ©aliser une recherche approfondie de la littĂ©rature pour dĂ©terminer si l’importance relative de ces quatre processus diffĂšre dans les Ă©cosystĂšmes terrestres et d’eau douce. «Si nous comprenons quel rĂŽle ces processus jouent dans les Ă©cosystĂšmes bleus et verts et comment l’influence humaine telle que le changement climatique ou l’exploitation des terres agissent sur eux, nous serons capables d’expliquer pourquoi ces systĂšmes rĂ©agissent si diffĂ©remment» ajoute I. McFadden. Sur la base des connaissances rassemblĂ©es, les chercheuses et chercheurs proposent une nouvelle approche intĂ©grative qui associe l’influence humaine aux quatre processus Ă©cologiques.

Les organismes aquatiques sont plus sensibles aux changements du milieu

La propagation est un processus important qui façonne la biodiversitĂ© Ă  un endroit prĂ©cis: de nouvelles espĂšces immigrent, d’autres Ă©migrent de leur territoire d’origine. C’est un va-et-vient permanent. Les chercheuses et chercheurs concluent dans leur Ă©tude que les organismes terrestres se propagent plus facilement que les organismes d’eau douce. Les Ă©cosystĂšmes terrestres sont gĂ©nĂ©ralement bien organisĂ©s en rĂ©seau, de sorte que les organismes terrestres peuvent migrer assez librement vers de nouveaux sites. En revanche, il est plus difficile pour les organismes d’eau douce de pĂ©nĂ©trer dans de nouveaux biotopes, car ceux-ci sont moins bien reliĂ©s entre eux.

Si les ĂȘtres humains Ă©rigent en plus des barriĂšres, comme les centrales hydrauliques, les communautĂ©s d’eau douce sont davantage restreintes dans leur capacitĂ© Ă  s’adapter aux changements environnementaux. Certains nouveaux biotopes propices sont alors difficilement accessibles, voire inaccessibles. À terre, les nouveaux obstacles sont un peu plus faciles Ă  surmonter ou Ă  contourner en raison d’une meilleure mise en rĂ©seau gĂ©nĂ©rale. Les chercheuses et chercheurs partent du principe que les Ă©cosystĂšmes d’eau douce rĂ©agissent avec une sensibilitĂ© accrue aux changements physiques de leur biotope que les systĂšmes terrestres. Toutefois, les organismes terrestres sont Ă©galement impactĂ©s. Les interventions humaines dans le paysage, comme les routes ou les clĂŽtures, peuvent reprĂ©senter des obstacles infranchissables, en particulier pour les mammifĂšres, et menacer Ă©galement la biodiversitĂ© terrestre.

Les organismes terrestres probablement plus sensibles au réchauffement climatique

Bien qu’ils soient trĂšs sensibles aux changements dans leur milieu, les organismes aquatiques sont probablement moins touchĂ©s par le rĂ©chauffement climatique que les organismes terrestres (cf. illustration). Les Ă©cosystĂšmes d’eau douce peuvent par exemple tirer profit du fait que l’eau se rĂ©chauffe plus lentement que la terre en raison de sa capacitĂ© thermique Ă©levĂ©e. À court terme, l’eau attĂ©nue les vagues de chaleur, en particulier dans les lacs profonds, alors que la chaleur peut se dĂ©ployer pleinement Ă  terre. L’eau pourrait donc agir comme un tampon contre la hausse des tempĂ©ratures et offrir aux organismes d’eau douce une protection relative, surtout dans les eaux profondes.

À l’inverse, les espĂšces terrestres seraient plus exposĂ©es au rĂ©chauffement climatique. En outre, elles manquent de plus en plus de zones de refuge fraĂźches et ombragĂ©es comme les forĂȘts Ă  cause du changement d’utilisation des sols. L’approche intĂ©grative des chercheuses et chercheurs indique que les espĂšces terrestres subiraient une pression accrue pour s’adapter aux tempĂ©ratures plus Ă©levĂ©es. Au pire, cette pression sĂ©lective aboutirait Ă  l’extinction d’espĂšces.

Une voie pour l’avenir

L’équipe de recherche espĂšre que l’approche intĂ©grative proposĂ©e fournira aux spĂ©cialistes des domaines pratiques de la protection environnementale ainsi qu’aux dĂ©cideuses et dĂ©cideurs politiques de nouveaux instruments pour protĂ©ger la biodiversitĂ©. «Pour prĂ©server la diversitĂ© biologique, il est important de savoir quels sont les processus les plus influents Ă  un moment donnĂ©. C’est en effet le seul moyen de mettre en place des mesures ciblĂ©es», prĂ©cise Agnieszka Sendek, seconde autrice principale de l’étude. Lorsque les Ă©cosystĂšmes sont fortement influencĂ©s par la dĂ©rive Ă©cologique par exemple, c’est-Ă -dire lorsque les populations rĂ©gressent rapidement, l’objectif prioritaire pourrait ĂȘtre de protĂ©ger la taille des populations et de prĂ©server des biotopes de grande superficie. Mais lorsque les activitĂ©s humaines restreignent en premier lieu la propagation, il faut prendre des mesures permettant de mieux mettre en rĂ©seau les biotopes restants. Lorsque le rĂ©chauffement est le problĂšme principal, l’objectif pourrait ĂȘtre de crĂ©er des biotopes ombragĂ©s et frais dans lesquels animaux et plantes peuvent se rĂ©fugier.

 

Les processus qui créent la biodiversité sur un site

  • Propagation: lorsque de nouvelles espĂšces migrent depuis d’autres rĂ©gions ou quittent leur rĂ©gion d’origine.
  • SpĂ©ciation: lorsqu’une espĂšce se divise en plusieurs nouvelles espĂšces, soit au sein d’un lieu unique, soit sur plusieurs sites, parce que les populations sont sĂ©parĂ©es Ă  cause d’une barriĂšre gĂ©ographique.
  • SĂ©lection au niveau de l’espĂšce: au sein d’une communautĂ©, certaines espĂšces sont mieux adaptĂ©es aux conditions locales que d’autres. Les populations des espĂšces les mieux adaptĂ©es sont plus nombreuses, c’est-Ă -dire qu’elles sont sĂ©lectionnĂ©es, tandis que les populations des espĂšces moins bien adaptĂ©es diminuent.
  • DĂ©rive Ă©cologique: dans les petites populations, les naissances et les morts alĂ©atoires peuvent entraĂźner des changements stochastiques dans l’abondance des espĂšces, aussi connus sous le nom de dĂ©rives, voire mener Ă  l’extinction d’espĂšces.

 

Remarque: Ă  l’origine, ces quatre processus ont Ă©tĂ© proposĂ©s par Mark Vellend (2010, 2016) comme thĂ©orie des communautĂ©s Ă©cologiques. La sĂ©lection et la dĂ©rive concernent ici les processus Ă©cologiques dans des communautĂ©s et non les changements des frĂ©quences allĂ©liques comme dans les Ă©tudes gĂ©nĂ©tiques sur la sĂ©lection naturelle et la dĂ©rive gĂ©nĂ©tique.

Références:

Vellend, Mark. «Conceptual synthesis in community ecology.» 2010. The Quarterly Review of Biology. 85.2: 183–206
Vellend, Mark. «The theory of ecological communities.» 2016. Monographs in Population Biology 57. Princeton University Press.

Publication originale

McFadden, I. R.; Sendek, A.; Brosse, M.; Bach, P. M.; Baity‐Jesi, M.; Bolliger, J.; Bollmann, K.; Brockerhoff, E. G.; Donati, G.; Gebert, F.; Ghosh, S.; Ho, H.‐C.; Khaliq, I.; Lever, J. J.; Logar, I.; Moor, H.; Odermatt, D.; Pellissier, L.; de Queiroz, L. J.; Rixen, C.; Schuwirth, N.; Shipley, J. R.; Twining, C. W.; Vitasse, Y.; Vorburger, C.; Wong, M. K. L.; Zimmermann, N. E.; Seehausen, O.; Gossner, M. M.; Matthews, B.; Graham, C. H.; Altermatt, F.; Narwani, A. (2022) Linking human impacts to community processes in terrestrial and freshwater ecosystems, Ecology Letters, doi:10.1111/ele.14153,

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