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Article technique
30. octobre 2020

ÉTAT DES SÉDIMENTS DE CANAUX ARTIFICIELS

Des pollutions de source urbaine, industrielle et agricole affectent les organismes benthiques

Pour évaluer la qualité des sédiments de manière approfondie, il est nécessaire d’effectuer à la fois des analyses chimiques, biologiques et écotoxicologiques. Une approche de type triade a été adoptée dans cette optique par le Centre Ecotox – mandaté par le service de l’environnement du canton du Valais – pour étudier la qualité des sédiments dans trois canaux artificiels.
Rébecca Beauvais, Régis Vivien, Benoît  Ferrari, M. Carmen Casado-Martinez, 

Les sĂ©diments contribuent au fonctionnement Ă©cologique des milieux aquatiques et au maintien de la biodiversitĂ©, du fait notamment de leur rĂŽle majeur en termes d’habitat et de source de nourriture soutenant les rĂ©seaux trophiques. Les sĂ©diments, cependant, peuvent aussi reprĂ©senter un puits pour les contaminants inorganiques ou organiques, tels que les mĂ©taux (Cu, Hg, Zn, etc.), les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), les polychlorobiphĂ©nyles (PCB) ou les produits (phyto-) sanitaires [1, 2]. Ces contaminants peuvent se montrer toxiques pour les organismes benthiques, affectant la composition des communautĂ©s prĂ©sentes et Ă  terme les fonctions Ă©cologiques essentielles portĂ©es par les sĂ©diments [3]. Il est donc primordial de prendre en considĂ©ration ce compartiment lors des suivis de la qualitĂ© des Ă©cosystĂšmes aquatiques.

En 2019, un projet mandatĂ© par le service de l’environnement du canton du Valais a Ă©tĂ© menĂ© par le Centre Ecotox afin d’évaluer la qualitĂ© des sĂ©diments de canaux artificiels sur la rive gauche du RhĂŽne entre Massongex et Port-Valais [4]. Ces canaux ont Ă©tĂ© creusĂ©s dans le passĂ© pour le transport de marchandises et/ou l’évacuation des eaux usĂ©es. Dans cette rĂ©gion, les sĂ©diments peuvent ĂȘtre impactĂ©s par des sources de pollution locales ou diffuses, tels que les rejets des stations d’épuration traitant des eaux domestiques et/ou industrielles et le ruissellement des eaux de pluies sur des routes Ă  fort trafic et sur des terres d’agriculture intensive. Tout en suivant les recommandations harmonisĂ©es pour l’échantillonnage et l’évaluation du risque chimique des sĂ©diments en cours de dĂ©veloppement en Suisse [5], les objectifs de cette Ă©tude Ă©taient de dresser l’état actuel du niveau de pollution en mĂ©taux, HAP et PCB dans les sĂ©diments superficiels, d’évaluer leur toxicitĂ© sur des organismes en laboratoire et d’étudier leur effet sur la composition des communautĂ©s d’invertĂ©brĂ©s in situ. Le prĂ©sent travail reporte les rĂ©sultats de l’application de cette triade qui a permis une Ă©valuation trĂšs complĂšte de la qualitĂ© de ces canaux.

MATÉRIEL ET MÉTHODES

Sites d'Ă©tude

L’étude a Ă©tĂ© menĂ©e sur dix sites rĂ©partis sur trois canaux (fig. 1): le canal des Ăźles (site I1 dans la commune de Massongex), le canal du Bras-Neuf (sites BN2, BN3 et BN4 dans les communes de Monthey et Collombey-Muraz) et le canal Stockalper (sites STO5 Ă  STO10 dans les communes de Collombey-Muraz, Vionnaz, Vouvry et Port-Valais). Les trois canaux, situĂ©s dans un tronçon d’environ 15 km de long, sont soumis Ă  des conditions topographiques et pluviomĂ©triques similaires et sont impactĂ©s par des sources de pollution multiples (agricole, industrielle et urbaine) (fig. 1). En effet, des terres agricoles ainsi que des voies de transport routier et ferroviaire sont omniprĂ©sentes le long des trois tronçons Ă©tudiĂ©s. De plus, le canal du Bras-Neuf est potentiellement particuliĂšrement impactĂ© par les aires urbaines et industrielles Ă  proximitĂ©. Enfin, trois stations de traitement des eaux usĂ©es dĂ©versent les eaux traitĂ©es dans les canaux du Bras-Neuf et Stockalper. Le canal des Ăźles semble ainsi ĂȘtre le moins impactĂ©.

Échantillonnage

L’échantillonnage s’est dĂ©roulĂ© entre le 30 octobre et le 19 novembre 2019 lors de dĂ©bits faibles ou modĂ©rĂ©s. Sur chaque site, les sĂ©diments (5–10 premiers centimĂštres) ont Ă©tĂ© prĂ©levĂ©s Ă  3 emplacements distants de 10 Ă  15 m. Les sĂ©diments destinĂ©s aux analyses physico-chimiques, aux tests Ă©cotoxicologiques et Ă  l’indice NemaSPEAR (composition en communautĂ©s de nĂ©matodes) ont Ă©tĂ© prĂ©levĂ©s Ă  l’aide d’une pelle en plastique alors que ceux destinĂ©s Ă  l’indice IOBS (composition en communautĂ©s d’oligochĂštes) ont Ă©tĂ© rĂ©coltĂ©s au moyen d’un filet de type Surber. Pour les analyses physico-chimiques et les tests Ă©cotoxicologiques, les sĂ©diments ont Ă©tĂ© tamisĂ©s sur le terrain Ă  l’aide d’un tamis de vide de maille de 2 mm, alors qu’aucun tamisage n’a Ă©tĂ© effectuĂ© pour les sĂ©diments destinĂ©s Ă  l’analyse des communautĂ©s benthiques. Ces derniers ont Ă©tĂ© fixĂ©s sur le terrain avec du formol 37% (concentration finale de formaldĂ©hyde de 4%). Les Ă©chantillons destinĂ©s Ă  l’analyse granulomĂ©trique, aux biotests et aux indices biologiques ont Ă©tĂ© prĂ©servĂ©s en chambre froide Ă  +4 °C alors que les sĂ©diments destinĂ©s aux analyses chimiques ont Ă©tĂ© congelĂ©s (–20 °C). Les tests Ă©cotoxicologiques ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©s dans les 4 semaines suivant l’échantillonnage.

Granulométrie et teneur en matiÚre organique

La composition granulomĂ©trique a Ă©tĂ© analysĂ©e sur des Ă©chantillons frais, tamisĂ©s Ă  2 mm, par diffraction laser (LS Particle Size Analyzer, Beckman CoulterÂź, USA). La teneur en matiĂšre organique (MO), contenue dans la matiĂšre sĂšche a Ă©tĂ© dosĂ©e par perte au feu selon la norme DIN EN 12879 [6]. En l’absence de valeurs d’interprĂ©tation Ă©tablies, les teneurs en MO pour ce projet ont Ă©tĂ© comparĂ©es Ă  des seuils statistiques (10e, 50e et 90e centiles) dĂ©rivĂ©s Ă  partir de mesures sur 63 sites de cours d’eau suisses, prĂ©sentant des degrĂ©s de pollution divers, de prĂ©servĂ©s Ă  fortement polluĂ©s [7]. Ces seuils permettent de classer les Ă©chantillons en quatre classes, d’une teneur naturelle Ă  une teneur excessive avec impact anthropique probable (tab. 1).

Analyses chimiques et Ă©valuation du risque

Les mĂ©taux – As, Cd, Cr, Cu, Ni, Pb et Zn ont Ă©tĂ© dosĂ©s par spectromĂ©trie Ă  plasma Ă  couplage inductif selon les normes ISO 11885 [8] et ISO 17294-2 [9], aprĂšs minĂ©ralisation des sĂ©diments secs Ă  l’eau rĂ©gale selon la norme ISO 11466 [10]. Le mercure total (Hg) a Ă©tĂ© dosĂ©, dans les sĂ©diments lyophilisĂ©s, par spectrophotomĂ©trie d’absorption atomique Ă  vapeur froide (CV-AAS) avec un analyseur automatique de Hg, AMA-254 (Altec, RĂ©publique tchĂšque).

Les concentrations de 16 HAP (acénaphtÚne, acénaphtylÚne, anthracÚne, benz[a]-anthracÚne, benzo[b]fluoranthÚne, benzo[k]fluoranthÚne, benzo[g,h,i]-pérylÚne, benzo[a]pyrÚne, chrysÚne, dibenzo[a,h]anthracÚne, fluoranthÚne, fluorÚne, indéno[1,2,3-c,d]pyrÚne, naphtalÚne, phénanthrÚne et pyrÚne) ont été quantifiées par chromatographie en phase gazeuse avec détection par spectrométrie de masse selon la norme ISO 18287 [11]. La somme des concentrations des 16 HAP a ensuite été calculée en additionnant les concentrations individuelles, et considérant la concentration de chaque HAP non détecté comme égale à 0,5 fois la limite de détection.

Enfin, le dosage des congénÚres PCB 28, 52, 101, 118, 138, 153 et 180 a été réalisé par chromatographie en phase gazeuse, selon la norme ISO 10382 [12]. Toutes les concentrations sont exprimées en poids sec (ps).

En comparant les concentrations environnementales mesurĂ©es (CEM) en mĂ©taux, HAP et PCB dans les sĂ©diments Ă  des critĂšres de qualitĂ© (CQ), un quotient de risque (QR) peut ĂȘtre calculĂ© (voir encadrĂ© 1), permettant d’attribuer une classe de qualitĂ© (trĂšs bonne Ă  mauvaise) Ă  chaque Ă©chantillon (tab. 2).

Tests écotoxicologiques 

Deux tests normalisĂ©s de toxicitĂ© permettant d’évaluer des effets lĂ©taux et sub-lĂ©taux (croissance et reproduction) ont Ă©tĂ© choisis dans cette Ă©tude. Les sĂ©diments des 10 sites Ă©chantillonnĂ©s ont Ă©tĂ© testĂ©s Ă  l’aide du ver Caenorhabditis elegans (nĂ©matode) et du crustacĂ© Heterocypris incongruens (ostracode) (tab. 3). Ces deux espĂšces, ayant des modes d’alimentation et de vie diffĂ©rents, permettent de couvrir diffĂ©rentes voies d’exposition aux substances chimiques. De plus, leur sensibilitĂ© aux polluants peut varier [18–22]. Les protocoles expĂ©rimentaux effectuĂ©s selon les normes ISO 10872 [23] et 14371 [24] sont dĂ©taillĂ©s dans le rapport du projet [4].
Pour les deux tests, les rĂ©sultats obtenus pour les sĂ©diments des canaux ont Ă©tĂ© comparĂ©s Ă  ceux obtenus pour le sĂ©diment contrĂŽle respectif par des analyses de variance (one-way Anova) suivies de tests de comparaison 2 Ă  2 (test post-hoc Tukey) Ă  l’aide du logiciel Origin 2020 (Softonic, Barcelone, Espagne). Une diffĂ©rence significative avec le sĂ©diment contrĂŽle signifie que le sĂ©diment a un effet sur les organismes mais ne signifie pas forcĂ©ment que le sĂ©diment reprĂ©sente un risque toxique. Pour reprĂ©senter un risque toxique, l’effet observĂ© (inhibition de croissance/de reproduction ou taux de mortalitĂ©) doit dĂ©passer un seuil de toxicitĂ© (tab. 3) qui a Ă©tĂ© dĂ©fini pour chaque marqueur d’effet et pour chaque organisme test, en tenant compte de la variabilitĂ© naturelle des rĂ©ponses des organismes aux caractĂ©ristiques intrinsĂšques des sĂ©diments (granulomĂ©trie, contenu en carbone organique, etc.).
Avec ce seuil de toxicitĂ©, un quotient d’effet QE est calculĂ© selon l’équation: 𝑄𝐾= (𝑒𝑓𝑓𝑒𝑡 (%))/(𝑠𝑒𝑱𝑖𝑙 𝑑𝑒 đ‘Ąđ‘œđ‘„đ‘–đ‘đ‘–đ‘ĄĂ© (%))

Si la valeur QE dĂ©passe 1 alors le sĂ©diment est toxique et l’est d’autant plus que la valeur est grande. Les Ă©chantillons sont alors classĂ©s en qualitĂ© «bonne», «moyenne» ou «mauvaise» selon le bilan Ă©cotoxicologique (tab. 2).

Évaluation des communautĂ©s benthiques: Indices biologiques

La qualitĂ© biologique des sĂ©diments a Ă©tĂ© dĂ©terminĂ©e en appliquant deux outils de bioindication, l’indice oligochĂštes de bioindication des sĂ©diments (IOBS) et l’indice Nematode species at risk (Nema­SPEAR). Les dĂ©tails mĂ©thodologiques de ces deux indices sont disponibles dans le rapport du projet [4].
En bref, l’étude des communautĂ©s d’oligochĂštes a Ă©tĂ© effectuĂ©e selon la norme AFNOR de l’IOBS [25]. Les spĂ©cimens rĂ©coltĂ©s ont Ă©tĂ© identifiĂ©s Ă  l’espĂšce (si possible), au genre, Ă  la famille ou au groupe. L’IOBS a Ă©tĂ© calculĂ© selon la formule suivante:Â đŒđ‘‚đ”đ‘†=〖10𝑆𝑇〗^(−1)
oĂč S est le nombre total de taxons identifiĂ©s parmi 100 oligochĂštes d’un relevĂ© de sĂ©diment et T le pourcentage de tubificidĂ©s avec ou sans soies capillaires (comprenant les sous-familles Tubificinae, Rhyacodrilinae et Phallodrilinae), matures et immatures confondus, qui prĂ©domine dans le mĂȘme relevĂ© de sĂ©diment. Cet indice dĂ©crit la qualitĂ© biologique des sĂ©diments en cinq classes (tab. 2). L’étude de la densitĂ© d’oligochĂštes permet de complĂ©ter le diagnostic [25]. Une densitĂ© Ă©levĂ©e des oligochĂštes (> 3000 individus par 0,1 m2) associĂ©e Ă  un IOBS faible (IOBS < 3) indique une pollution par la matiĂšre organique.
L’analyse des communautĂ©s de nĂ©matodes a Ă©tĂ© effectuĂ©e selon les mĂ©thodologies dĂ©crites dans Heininger et al. [26], Höss et al. [27, 28] et Traunspurger et al. [29]. En bref, les organismes rĂ©coltĂ©s ont Ă©tĂ© montĂ©s entre lame et lamelle dans une solution d’enrobage et identifiĂ©s Ă  l’espĂšce (si possible) ou au genre, au moyen d’un microscope. L’indice NemaSPEAR[%]genus a Ă©tĂ© calculĂ© Ă  partir des donnĂ©es des abondances relatives des taxons de nĂ©matodes selon la formule disponible dans Höss et al. [28]. Cet indice dĂ©crit la qualitĂ© biologique des sĂ©diments en cinq classes (tab. 2).

Analyses statistiques des résultats de la triade

Les donnĂ©es n’étant pas distribuĂ©es de façon normale, des analyses de corrĂ©lation non paramĂ©triques de Spearman ont Ă©tĂ© effectuĂ©es entre les rĂ©sultats des analyses chimiques (quotients de risque et teneurs en matiĂšre organique) et ceux des tests Ă©cotoxicologiques. Seules les corrĂ©lations positives significatives sont prĂ©sentĂ©es. Afin d’intĂ©grer les rĂ©sultats des multiples Ă©lĂ©ments de preuve (chimie, tests Ă©cotoxicologiques et indices biologiques), une classification ascendante hiĂ©rarchique (analyse de cluster) des 10 Ă©chantillons de sĂ©diment a Ă©tĂ© exĂ©cutĂ©e. L’analyse de cluster a permis de classer les Ă©chantillons en minimisant les diffĂ©rences Ă  l’intĂ©rieur des clusters et maximisant les diffĂ©rences entre les clusters. Les rĂ©sultats sont prĂ©sentĂ©s en fonction de leur pourcentage de similaritĂ©, selon la mesure de la distance euclidienne des rĂ©sultats des 10 Ă©chantillons de sĂ©diment. Toutes les analyses ont Ă©tĂ© effectuĂ©es Ă  l’aide du logiciel Origin 2020 (Softonic, Barcelone, Espagne).

ouverture de session

RÉSULTATS ET DISCUSSION

Seuils et critÚres de qualité chimique souvent dépassés 
Granulométrie et contenu en MO

Le pourcentage de sĂ©diments fins ≀ 63 ”m (fractions limoneuses et argileuses) variait de 49,5% (site I1) Ă  83,0% (site BN2). Dans le canal Stockalper, ce pourcentage variait entre 58,4% (STO6) et 80,9% (STO10). Les sĂ©diments de tous les sites sont donc trĂšs fins, de texture loam limoneux, sauf ceux du site I1, de type loam sablonneux. Cette texture de sĂ©diment, trĂšs arable peut ĂȘtre expliquĂ©e par la dominance des terres agricoles de cette rĂ©gion.
Le contenu en MO sur tous les sites est Ă©levĂ©, dĂ©passant au moins le double de la valeur mĂ©diane suisse (tab. 1). Alors que le site BN3 prĂ©sente le taux le plus faible de MO (4,8%) du jeu de donnĂ©es, le site BN2 prĂ©sente le taux de MO le plus Ă©levĂ© (11%). La prĂ©sence d’une arrivĂ©e d’eau du RhĂŽne en amont du site BN3 pourrait expliquer le plus faible pourcentage de MO au site BN3 qu’au site BN2. Au niveau des sites BN2, BN4, STO5 et STO8-9-10, une origine anthropique explique probablement la teneur trĂšs Ă©levĂ©e de MO, supĂ©rieure au 90e centile des donnĂ©es disponibles pour la Suisse (tab. 1). Un apport anthropique de MO semble certain au site BN4 (aval d’une STEP) au niveau duquel la teneur en MO est plus Ă©levĂ©e qu’au site BN3 (amont de la STEP), alors que le pourcentage de sĂ©diments fins est plus faible au site BN4 qu’au site BN3.

MĂ©taux

L’évaluation de la qualitĂ© des sĂ©diments selon les concentrations mesurĂ©es pour 8 mĂ©taux montre que les sites BN2-3-4 et STO5 sont les plus impactĂ©s, avec des concentrations pouvant excĂ©der le double de la valeur seuil d’effet TEC pour le Cu, le Ni et le Zn (tab. 4; couleur orange, qualitĂ© mĂ©diocre). Pour les autres mĂ©taux, alors que les concentrations en Hg et Cd sont infĂ©rieures Ă  la TEC pour 8 et 10 sites, respectivement, celles du Cr et du Pb correspondent Ă  une qualitĂ© moyenne dans le canal du Bras-Neuf et au niveau du site STO5, et celles de l’As Ă  une qualitĂ© moyenne sur 4 sites du canal Stockalper (STO6-8 et STO10). Enfin, les sites I1, STO7 et STO9 apparaissent les moins Ă  risque avec trois ou quatre Ă©lĂ©ments classant le sĂ©diment en qualitĂ© moyenne pour les mĂ©taux (tab. 4).
Les valeurs TEC n’ayant pas Ă©tĂ© entiĂšrement validĂ©es pour une utilisation en Suisse, les rĂ©sultats obtenus ont Ă©tĂ© comparĂ©s aux concentrations de fond dĂ©rivĂ©es rĂ©cemment par Vivien et al. [7] pour la Suisse. Une contamination importante en Cu et Zn dans tous les sĂ©diments des 3 canaux est observĂ©e. En effet, les concentrations sont jusqu’à 18 et 13 fois plus Ă©levĂ©es que les concentrations de fond pour le Cu (5,12 mg/kg ps) et le Zn (20,2 mg/kg ps), respectivement. Comme discutĂ© prĂ©cĂ©demment dans un rapport sur la contamination en mĂ©taux des sĂ©diments en Suisse [30], pour le Ni, la valeur TEC semble un peu plus conservatrice que celle du Cu ou du Zn, par rapport aux concentrations de fond mesurĂ©es en Suisse. Ceci est illustrĂ© par exemple pour les sĂ©diments du site STO5, pour lesquels la concentration en Ni, la plus Ă©levĂ©e de l’étude, excĂšde 4 fois la concentration de fond dĂ©rivĂ© par Vivien et al. [7], contre 16 fois pour le Cu, pour une mĂȘme classe de qualitĂ© mĂ©diocre. À l’inverse, alors que les concentrations en As ne dĂ©passent la valeur TEC (qualitĂ© moyenne) que dans 4 sites sur 10, elles sont, pour tous les sites, supĂ©rieures Ă  la concentration de fond (1,6 mg/kg ps [7]) (jusqu’à 7,5 fois supĂ©rieure au site STO8).
Concernant le Hg, les concentrations mesurĂ©es dans les sĂ©diments des sites BN2 et STO6 Ă  STO10 (entre 0,11 et 0,17 mg/kg ps) Ă©taient proches du seuil TEC (0,18 mg/kg ps). MacDonald et al. [13] ont cependant montrĂ© que l’incidence de toxicitĂ© sur divers organismes benthiques Ă  des concentrations de Hg infĂ©rieures Ă  ce seuil TEC Ă©tait de 65% (le taux le plus Ă©levĂ© parmi tous les mĂ©taux). Un risque Ă©cotoxique ne peut donc pas ĂȘtre Ă©cartĂ© pour ces sites. La concentration de fond en Hg dans les sĂ©diments des cours d’eau en Suisse a Ă©tĂ© rĂ©cemment estimĂ©e Ă  0,009 mg/kg ps [7]. Les concentrations sur les 10 sites de la prĂ©sente Ă©tude sont donc de 4 Ă  40 fois plus Ă©levĂ©es que la concentration de fond, ce qui montre un niveau de contamination Ă©levĂ© du Hg de ces canaux. Si l’on ajoute cette concentration de fond Ă  la concentration maximale admissible dĂ©rivĂ©e Ă  partir de donnĂ©es de tests Ă©cotoxicologiques, un critĂšre de qualitĂ© EQSsed de 0,025 mg/kg ps (1% COT) a pu ĂȘtre dĂ©rivĂ© par le Centre Ecotox [31, 32]. Avec ce critĂšre de qualitĂ© normalisĂ© par la teneur en COT de chaque site, les sites BN3, BN4 et STO6 ont des sĂ©diments de qualitĂ© mĂ©diocre.

HAP

Concernant les HAP, si l’on considĂšre les substances individuellement, les concentrations les plus Ă©levĂ©es sont toujours observĂ©es dans les sĂ©diments des sites BN2 (9 sur 10 HAP dĂ©tectĂ©s dans au moins 1 site) et STO9 (3 sur 10 HAP dĂ©tectĂ©s dans au moins 1 site) (non prĂ©sentĂ©es). Aucun HAP ne dĂ©passe cependant le critĂšre de qualitĂ© individuel normalisĂ© par la teneur en COT. En Ă©valuant le mĂ©lange d’HAP selon le QRHAP, les sites I1, STO7 et STO8 prĂ©sentent une qualitĂ© bonne, les sites BN4, STO6 et STO10 une qualitĂ© moyenne et les sites BN2, BN3 et STO5 et STO9 une qualitĂ© mĂ©diocre (tab. 4). Les concentrations totales en HAP calculĂ©es dans ce projet sont supĂ©rieures Ă  la concentration de fond estimĂ©e selon le 10e centile des mesures de 24 sites entre 2015 et 2018 (0,075 mg/kg ps; Centre Ecotox, non publiĂ©e), mais n’excĂšdent pas la valeur maximale mesurĂ©e dans des petits cours d’eau en Suisse (9,6 mg/kg ps; Centre Ecotox, non publiĂ©e).

PCB

Concernant les PCB, les sites BN2 et BN4 prĂ©sentent les plus fortes concentrations avec 4 et 5 congĂ©nĂšres dĂ©tectĂ©s, suivis de STO5, I1, BN3 et STO6 avec 2 ou 3 congĂ©nĂšres dĂ©tectĂ©s, respectivement (tab. 4). Le risque toxique est particuliĂšrement Ă©levĂ© au site BN2, au niveau duquel 4 congĂ©nĂšres classent les sĂ©diments comme de qualitĂ© mĂ©diocre et le PCB 118, utilisĂ© comme indicateur pour tous les congĂ©nĂšres de type dioxine, est prĂ©sent Ă  une concentration supĂ©rieure Ă  10 fois le EQSsed, ce qui classe les sĂ©diments en mauvaise qualitĂ©. L’évaluation du risque indique que les autres sites, Ă  l’exception des sites STO7 Ă  STO10, dont le risque ne peut pas ĂȘtre Ă©valuĂ© (PCB non dĂ©tectĂ©s), sont Ă©galement de qualitĂ© mĂ©diocre, avec 4 (BN4), 3 (STO5) ou 2 (I1, BN3 et STO6) congĂ©nĂšres avec des QR ≄ 2 (couleur orange). Pour la somme des 6 PCB indicateurs (28, 52, 101, 138, 153 et 180), alors que les sites I1, BN3-4 et STO5-6 prĂ©sentent des concentrations que l’on peut retrouver dans la Birse ou la Sarine [33], le site BN2 (21,4 ”g/kg ps) prĂ©sente une concentration dĂ©passant la valeur maximale de notre base de donnĂ©es pour des petits cours d’eau (Centre Ecotox, non publiĂ©e). Concernant le PCB 118, la concentration mesurĂ©e au site BN2 est 1,6 fois plus forte que la concentration maximale mesurĂ©e dans les petits cours d’eau en Suisse en 2018 et 270 fois supĂ©rieure Ă  la concentration de fond de 0,010 ”g/kg ps estimĂ©e selon le 10e centile des mesures de 24 sites entre 2015 et 2018 (Centre Ecotox, non publiĂ©es), indiquant une pollution importante.

Inhibition importante de la croissance de l'ostracode H. incongruens 

Aucun effet sur la reproduction de C. elegans n’a Ă©tĂ© observĂ© pour les 10 Ă©chantillons de sĂ©diments (fig. 2). Les sĂ©diments des sites BN2, BN3, STO5, STO7 et STO10 ont en revanche induit une diminution statistiquement significative de la croissance des nĂ©matodes au bout de 4 jours (ANOVA, p-value = 2,93 × 10–37, fig. 2). L’inhibition de la croissance n’a cependant pas dĂ©passĂ© le seuil toxique de 25% (inhibition maximale de 13% pour les sites BN2 et STO7) [21].
Chez H. incongruens, aucun Ă©chantillon n’a induit de mortalitĂ© significative (fig. 2). En revanche, sur tous les sites, une croissance significativement plus faible que celle du contrĂŽle a Ă©tĂ© observĂ©e (fig. 2) mais seuls les sites BN4 (canal du Bras Neuf) et STO5 Ă  STO10 (canal Stockalper) ont induit une inhibition de croissance supĂ©rieure Ă  35% (voir tab. 3). L’inhibition de croissance la plus forte a Ă©tĂ© observĂ©e aux sites STO7 Ă  STO10 (de 63 Ă  66%), mais elle n’a cependant pas dĂ©passĂ© le second seuil critique de 70% (Ă©quivalent Ă  QE = 2).
Les rĂ©sultats de ces deux tests indiquent que les trois sites en amont sont de bonne qualitĂ© Ă©cotoxicologique (couleur verte) et les sĂ©diments du site BN4 ainsi que tous les sĂ©diments du canal Stockalper d’une qualitĂ© Ă©cotoxicologique moyenne (couleur jaune), selon le systĂšme de classification (tab. 2). Un risque d’effets indĂ©sirables sur les organismes Ă©pibenthiques sensibles dans cette section du canal a donc Ă©tĂ© observĂ©.
Les quotients d’effet pour la croissance des ostracodes Ă©taient significativement corrĂ©lĂ©s avec le risque associĂ© aux concentrations d’As dans les sĂ©diments (R2 = 0,83, p-value = 0,003). MalgrĂ© cette corrĂ©lation significative, les QRAs varient de 0,3 Ă  1,2 et l’As n’est donc trĂšs probablement pas (seul) responsable de la toxicitĂ© chez H. incongruens. Pour C. elegans, mĂȘme si le seuil d’effet sur la croissance (25%) n’a pas Ă©tĂ© atteint, des diffĂ©rences statistiquement significatives par rapport au contrĂŽle ont Ă©tĂ© relevĂ©es sur les sites BN2, STO7 et STO10 (ANOVA, p-value < 0,01). Les quotients d’effet sur la croissance des nĂ©matodes ont montrĂ© une corrĂ©lation positive avec le QRZn (R2 = 0,64, p-value = 0,044), mais aussi avec la moyenne des QRmĂ©taux (R2 = 0,68, p-value = 0,029). Une rĂ©cente Ă©tude effectuĂ©e en laboratoire a montrĂ© que la sensibilitĂ© de C. elegans aux mĂ©taux et HAP mesurĂ©s dans l’eau Ă©tait comparable Ă  celle d’autres espĂšces de nĂ©matodes [20], justifiant ainsi l’utilisation de C. elegans comme organisme test indicateur d’effets toxiques potentiels pour un certain nombre d’espĂšces de nĂ©matodes. Cependant, dans notre Ă©tude, il n’y pas de concordance entre les rĂ©sultats du test C. elegans et ceux de l’indice NemaSPEAR[%]genus.

Étude des communautĂ©s benthiques: QualitĂ© biologique insatisfaisante 

Au total, 15 taxons d’oligochĂštes appartenant aux sous-familles Tubificinae (14 taxons) et Lumbriculidae (1 taxon) ont Ă©tĂ© trouvĂ©s. Les nombres de taxons obtenus par site sont globalement faibles, en particulier sur 8 sites (4–6 taxons) (tab. 5). Les peuplements d’oligochĂštes indiquent une mauvaise qualitĂ© sur les sites I1, BN2, BN3, STO5 et STO8 et mĂ©diocre sur les 5 autres sites (BN4, STO6, STO7, STO9 et STO10) (tab. 5). Sur tous les sites, seuls des taxons trĂšs rĂ©sistants aux pollutions (tubificidĂ©s) ont Ă©tĂ© rencontrĂ©s (99–100%). La densitĂ© d’oligochĂštes est Ă©levĂ©e sur tous les sites sauf I1. Elle est trĂšs Ă©levĂ©e sur les sites BN2 Ă  BN4 et STO7 Ă  STO10 et donc une pollution par la matiĂšre organique est particuliĂšrement suspectĂ©e sur ces sites.
Les communautĂ©s de nĂ©matodes sont Ă©galement caractĂ©risĂ©es par une diversitĂ© d’espĂšces/taxons assez faible. Seulement 14 Ă  23 espĂšces/taxons ont Ă©tĂ© rencontrĂ©s par site (tab. 5). En comparaison, 25 Ă  47 espĂšces/taxons par site sont gĂ©nĂ©ralement trouvĂ©s dans les riviĂšres en Allemagne [23]. Les rĂ©sultats de l’indice NemaSPEAR[%]genus montrent une qualitĂ© moyenne aux sites I1, BN3, STO5, STO6, STO9 et STO10, une qualitĂ© mĂ©diocre aux sites BN2, STO7 et STO8 et une qualitĂ© mauvaise au BN4 (tab. 8). De plus, l’indice a montrĂ© une qualitĂ© biologique nettement moins bonne en aval de la STEP de Collombey (BN4) par rapport Ă  son amont (BN3).
Les rĂ©sultats de l’indice IOBS peuvent ĂȘtre expliquĂ©s par l’effet des mĂ©taux. En effet, Vivien et al. [7] ont proposĂ© pour chaque mĂ©tal (Cr, Ni, Zn, Cu, Hg, Cd, Pb et As) des seuils spĂ©cifiques au-delĂ  desquels des effets sur les peuplements d’oligochĂštes Ă©taient possibles (TELoligo; Threshold Effect Level) et probables (PELoligo; Probable Effect Level) [7]. Les concentrations des mĂ©taux mesurĂ©s dans la prĂ©sente Ă©tude sont presque toutes > PELoligo. Par exemple, le PELoligo du Hg (0,054 mg/kg ps) est largement dĂ©passĂ© sur tous les sites sauf I1. De plus, les auteurs ont proposĂ© un seuil pour les mĂ©taux combinĂ©s mPELoligo-Quotient de 0,92, basĂ© sur les valeurs PELoligo, au-delĂ  duquel un effet sur les communautĂ©s d’oligochĂštes est probable. Les valeurs de ce quotient calculĂ© Ă  partir des concentrations de mĂ©tal obtenues dans le prĂ©sent travail sont supĂ©rieures Ă  ce seuil sur tous les sites, puisqu’elles se situent entre 1,22 (site I1) et 2,76 (site BN4) (non prĂ©sentĂ©es).
Concernant les communautĂ©s de nĂ©matodes, les concentrations de mĂ©taux, HAP et PCB obtenues sur tous les sites sont suffisantes pour induire un effet sur les communautĂ©s. En effet, Höss et al. [27] ont observĂ© qu’au-delĂ  d’un seuil mPEC-Q de 0,17 (PEC-Q = Probable Effect Concentration-Quotient) combinant les mĂ©taux, HAP et PCB, calculĂ© en utilisant les valeurs SEL (Severe Effect Level, Ă©quivalent de PEC) de de Deckere et al. [34], un effet sur les communautĂ©s de nĂ©matodes Ă©tait probable. Les valeurs mPEC-Q calculĂ©es pour les sites du prĂ©sent travail se situent entre 0,18 et 0,31 (non prĂ©sentĂ©es), et donc au-delĂ  du seuil d’effet sur ces communautĂ©s.

BILAN ET PERSPECTIVES

Le bilan de la triade a Ă©tĂ© Ă©laborĂ© Ă  l’aide de la construction d’un dendrogramme (fig. 3). Le premier site qui se distingue des autres est le site BN2. Ceci reflĂšte son intense signature chimique, qui prĂ©sente un risque Ă©cotoxique non discutable selon l’approche des quotients de risque, pour les mĂ©taux, HAP et PCB, et des indices biologiques mĂ©diocre et mauvais. De nombreux sites industriels (ancienne raffinerie Tamoil, industries chimiques Sygenta, Huntsman Advanced Materials, BASF) et de gestion des dĂ©chets et des eaux usĂ©es (Cimo, SATOM) sont Ă  proximitĂ© de ce site (aires industrielles sur fig. 1). Ensuite, les sites BN4 et STO5, pour lesquels les tests Ă©cotoxicologiques et/ou les indices biologiques montrent des effets indĂ©niables sur les organismes benthiques, se sĂ©parent dans 2 clusters uniques supplĂ©mentaires. Le site STO5 se situe en amont mais trĂšs proche de l’embouchure du canal du Bras-Neuf et en aval de la zone urbaine de Collombey-Muraz et est probablement impactĂ© par des apports d’eaux pluviales chargĂ©es Ă  certaines pĂ©riodes par des mĂ©taux (Cu et Ni) et HAP. Une part importante de mĂ©taux, HAP et PCB sur ce site pourrait Ă©galement ĂȘtre apportĂ©e par le canal du Bras-Neuf, et ainsi, comme le site BN4, le site STO5 serait impactĂ© par la STEP de Collombey, en amont du site BN4. L’étude d’un site en amont du site STO5 sur le canal Stockalper permettrait de vĂ©rifier les hypothĂšses sur l’origine de la pollution des sĂ©diments de ce canal. Les teneurs en matiĂšre organique dans les sites BN2, BN4 et STO5 sont en outre trĂšs Ă©levĂ©es.
Seuls les Ă©chantillons I1, BN3 et STO6 (les plus faibles en MO et valeurs QR pour les mĂ©taux), ainsi que STO7, STO8, STO9 et STO10 (effets montrĂ©s – biotests et indices biologiques) forment 2 groupes d’échantillons. Pour le premier sous-cluster, le site I1 Ă©tant en amont des sites industriels susmentionnĂ©s et le site STO6 en aval de l’embouchure avec le canal Bras-Neuf, bĂ©nĂ©ficiant par rapport au site STO5 d’une dilution de la pollution par les eaux de ce canal, le regroupement de ces Ă©chantillons, sĂ©parĂ©ment des autres, n’est pas surprenant. Le site BN3 se distingue surtout par une teneur modĂ©rĂ©e en MO (le plus faible du jeu de donnĂ©es).
En plus de la prĂ©sence de stations d’épuration (Vionnaz en amont du site STO8 et Port-Valais au niveau du site STO10), les eaux de ruissellement des terres agricoles, pourraient ĂȘtre responsables de l’effet significatif sur la croissance observĂ©e chez les ostracodes au niveau des sites STO7-10, rangeant ces sites dans le deuxiĂšme sous-cluster. Le canal Stockalper est caractĂ©risĂ© par la prĂ©sence de surfaces agricoles intensives (cultures cĂ©rĂ©aliĂšres et fourragĂšres) et de pĂąturages (fig. 1). Dans une rĂ©cente Ă©tude sur la qualitĂ© des sĂ©diments de petits cours d’eau, l’ostracode H. incongruens s’est montrĂ© particuliĂšrement sensible aux sĂ©diments de ruisseaux dont les bassins versants Ă©taient dominĂ©s par l’agriculture [2]. La diffĂ©rence entre STO6 et STO7 peut Ă©galement s’expliquer par des apports d’eaux plus riches en nutriments en provenance de la pisciculture du Vionnaz. Le site STO9 se distingue cependant lĂ©gĂšrement des 3 autres sites dans son sous-cluster, du fait du risque qu’il prĂ©sente aussi pour le mĂ©lange des HAP. La contamination importante en HAP des sĂ©diments de ce site pourrait ĂȘtre expliquĂ©e par la proximitĂ© du site avec une zone urbaine (Commune de Vouvry en amont) et le trafic routier (axe routier important Ă  la Porte du Scex). Le rĂŽle des HAP au site 9 ainsi que des substances non mesurĂ©es dans les autres sites est Ă  explorer. Des analyses chimiques complĂ©mentaires, des tests de toxicitĂ© sur d’autres organismes (p. ex. amphipodes ou insectes), ou des Ă©tudes sur la biodisponibilitĂ© des polluants (p. ex. bioaccumulation) peuvent aider Ă  mieux dĂ©finir les causes des effets toxiques dans le canal Stockalper.
Pour rĂ©sumer, cette Ă©tude a permis de dĂ©crire l’état chimique des sĂ©diments des trois canaux et d’évaluer les effets des polluants mesurĂ©s sur la composition des communautĂ©s d’organismes infĂ©odĂ©s aux sĂ©diments et sur la croissance, reproduction et mortalitĂ© de deux organismes tests en contact direct avec les sĂ©diments. Une qualitĂ© biologique insatisfaisante et/ou des effets sur la croissance de l’ostracode H. incongruens a Ă©tĂ© observĂ©e sur tous les sites. Ces rĂ©sultats ont pu ĂȘtre expliquĂ©s par l’effet des substances chimiques mesurĂ©es et de la teneur importante en matiĂšre organique. Cette Ă©tude souligne par ailleurs l’intĂ©rĂȘt de coupler diffĂ©rents outils de chimie, d’écotoxicologie et de biologie pour une meilleure Ă©valuation de la qualitĂ© des Ă©cosystĂšmes.

CRITÈRES DE QUALITÉ ET ÉVALUATION DU RISQUE

MĂ©taux

Les critĂšres de qualitĂ© appliquĂ©s dans ce projet pour les mĂ©taux As, Cd, Cr, Cu, Hg, Ni, Pb et Zn sont les seuils d’effets TEC (Threshold Effect Concentration) publiĂ©s par MacDonald et al., 2000 [13]. Il s’agit de guides consensuels dĂ©rivĂ©s de rĂ©sultats de tests Ă©cotoxicologiques principalement, d’études sur la composition des communautĂ©s de macroinvertĂ©brĂ©s et d’analyses chimiques effectuĂ©s sur les mĂȘmes sĂ©diments. Une concentration infĂ©rieure Ă  la TEC indique une faible probabilitĂ© d’effets pour les organismes benthiques.

HAP et PCB

Pour les HAP et les PCB, le risque est Ă©valuĂ© en utilisant les critĂšres de qualitĂ© environnementale EQSsed (Sediment Environmental Quality Standard) proposĂ©s par le Centre Ecotox, reposant sur la revue des diffĂ©rents critĂšres existants [14, 15]. L’objectif des EQSsed est la protection des organismes benthiques. Les critĂšres de qualitĂ© pour les PCB tiennent additionnellement compte du risque de l’empoisonnement secondaire dans les Ă©cosystĂšmes aquatiques. Le critĂšre de qualitĂ© EQSsed proposĂ© par le Centre Ecotox pour le PCB118 protĂšge contre les effets de tous les PCB de type dioxine. Les critĂšres de qualitĂ© HAP et PCB ont Ă©tĂ© normalisĂ©s par la teneur en carbone organique total (COT) estimĂ©e pour chaque site Ă  partir du pourcentage de MO. Le carbone organique est considĂ©rĂ© comme un facteur clĂ© qui dĂ©termine la biodisponibilitĂ© des contaminants.

Évaluation de la qualitĂ© chimique: calcul du quotient de risque

Un quotient de risque QRi est calculĂ© pour chaque substance individuelle i (i. e. mĂ©taux et composĂ©s PCB et HAP dans cette Ă©tude) [16]. Il correspond au rapport entre la concentration du contaminant mesurĂ©e (concentration environnementale mesurĂ©e CEM) et le critĂšre de qualitĂ© (CQ) attribuĂ© au contaminant i, selon l’équation: 𝑄𝑅𝑖=đ¶đžđ‘€đ‘–/đ¶đ‘„đ‘–

Lorsque la concentration des HAP et PCB est infĂ©rieure Ă  la limite de dĂ©tection (LD), l’évaluation du risque se base sur les deux cas de figures suivants:

  • Si LD < CQ, on considĂšre que le critĂšre de qualitĂ© est respectĂ©. La qualitĂ© est alors classĂ©e comme bonne (couleur verte). Elle est classĂ©e comme trĂšs bonne (couleur bleue) pour une substance uniquement si la LD est plus de 10 fois infĂ©rieure au CQ.
  • Si LD > CQ, la qualitĂ© du sĂ©diment ne peut pas ĂȘtre Ă©valuĂ©e (couleur grise).

Pour les HAP, considĂ©rant que les substances ont un mode d’action commun, le quotient de risque pour le mĂ©lange, QRHAP est calculĂ© en faisant la somme des QR calculĂ©s pour chaque HAP individuel analysĂ© [17].

Remerciements

Les auteurs remercient le Service de l’environnement du canton du Valais pour avoir financĂ© ce projet, Sebastian Höss et Walter Traunspurger pour la rĂ©alisation des biotests sur C. elegans ainsi que pour l’étude des communautĂ©s de nĂ©matodes, Sergio Santiago pour la rĂ©alisation des biotests sur H. incongruens, le laboratoire Wessling et le DĂ©partement F.-A. Forel de l’environnement et de l’eau de l’UniversitĂ© de GenĂšve pour les analyses physico-chimiques, Christina Thiemann (Centre Ecotox) et Myriam Eggerschwiler (Service de l’environnement, État du Valais) pour leur aide pendant les Ă©chantillonnages.

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