Plateforme pour l’eau, le gaz et la chaleur
Article technique
29. octobre 2019

Quantification de l'utilisation de l'eau potable

Approches quantitatives et qualitatives pour le monitoring des usages de l’eau potable

Des approches quantitatives (compteurs, débitmètres) et qualitatives (observation, entretiens) sont combinées pour évaluer la variabilité temporelle et la diversité des usages de l’eau potable sur un territoire donné. Un compromis entre coûts d’installation, temps de relève et résolution temporelle doit être trouvé pour offrir la vision la plus intégrale possible des différentes pratiques d’usage et de leur saisonnalité.
Martin Calianno, Emmanuel Reynard, 

QUANTIFIER LES USAGES DE L’EAU POTABLE

Dans le contexte de la gestion intĂ©grĂ©e des eaux, cet article a pour but de fournir des recommandations pour la mise en place d’actions de monitoring des usages de l’eau potable dans les rĂ©gions de montagne, oĂč les infrastructures de mesure des usages sont souvent peu dĂ©veloppĂ©es. Ces recommandations sont basĂ©es sur l’expĂ©rience acquise lors d’une thĂšse de doctorat rĂ©alisĂ©e Ă  l’UniversitĂ© de Lausanne [1].
Deux enjeux principaux concernent la mesure des demandes en eau. D’une part, le suivi quantitatif des usages de l’eau a gĂ©nĂ©ralement une faible rĂ©solution temporelle (le plus souvent, une seule donnĂ©e par an Ă  l’échelle de l’usager pour l’établissement de la facture d’eau). En outre, nombre de travaux de recherche soulignent le manque de donnĂ©es chiffrĂ©es disponibles sur les usages et la demande en eau [2–4]. D’autre part, dans les territoires de montagne oĂč le tourisme est trĂšs prĂ©sent, les dynamiques temporelles des usages de l’eau potable sont trĂšs saisonniĂšres: des pics de demande peuvent subvenir sur des temps trĂšs courts – au cours d’un weekend ou d’une semaine [5]. Cette forte variabilitĂ© plaide pour un suivi des usages Ă  une rĂ©solution temporelle permettant d’identifier prĂ©cisĂ©ment les moments de l’annĂ©e oĂč les ressources en eau ne seraient pas suffisantes pour satisfaire la demande. En rĂ©gion alpine, ce type de pĂ©nurie peut survenir lors des hautes saisons touristiques correspondant aux pĂ©riodes de basses eaux, en hiver et Ă  la fin de l’étĂ©. Sans pour autant provoquer des situations de pĂ©nurie, ces pĂ©riodes de stress hydrique peuvent causer des conflits d’usages plus ou moins marquĂ©s.
Dans le contexte actuel de changements climatiques, un autre point important est aussi de promouvoir des modes de gestion de l’eau plus orientĂ©s vers la maĂźtrise de la demande. Les modes de gestion par l’offre, actuellement majoritaires, sont en effet trĂšs coĂ»teuses: lorsque l’eau manque, la solution gĂ©nĂ©ralement proposĂ©e est l’investissement dans l’acheminement de nouvelles ressources. Une autre solution serait d’inciter Ă  plus de sobriĂ©tĂ© dans la demande en eau. Pour cela, il est nĂ©cessaire de mieux connaĂźtre les usages de l’eau effectuĂ©s sur un territoire donnĂ©: leur gĂ©ographie, leur typologie, leur saisonnalitĂ©. Pour rĂ©pondre Ă  ces enjeux, une campagne de monitoring des usages de l’eau potable Ă  haute rĂ©solution a Ă©tĂ© dĂ©ployĂ©e dans les communes de Montana (Valais) et MegĂšve (Haute-Savoie). Les rĂ©sultats de ces mesures ont Ă©tĂ© publiĂ©s pour les deux cas: Montana [6] et MegĂšve [7]. En conclusion de ces campagnes de monitoring, cet article propose une stratĂ©gie de monitoring basĂ©e autant sur l’installation d’instruments (donnĂ©es quantitatives) que sur des entretiens avec les usagers (donnĂ©es qualitatives), permettant une estimation la plus complĂšte possible des usages. Il s’agit de trouver un Ă©quilibre entre l’investissement en temps et en matĂ©riel et la rĂ©solution des rĂ©sultats obtenus et d’aboutir Ă  une stratĂ©gie qui soit aisĂ©ment transfĂ©rable à d’autres territoires et collectivitĂ©s.
L’article est organisĂ© en trois parties. La premiĂšre dĂ©crit les paramĂštres Ă  maximiser lors d’un monitoring des usages de l’eau Ă  l’échelle communale. La seconde prĂ©sente les avantages et inconvĂ©nients des diffĂ©rentes mĂ©thodes de mesure des usages de l’eau potable. La troisiĂšme formule des recommandations pour le monitoring des usages de l’eau potable dans le cas particulier des territoires touristiques de montagne.

PARAMĂšTRES Ă  MAXIMISER

Nous retenons quatre paramĂštres Ă  maximiser pour arriver au meilleur compromis de monitoring des usages de l’eau Ă  l’échelle communale: la rĂ©solution temporelle des mesures (le pas de temps des donnĂ©es), la rĂ©solution spatiale des mesures (le niveau de diffĂ©renciation des usagers), l’échantillonnage (exhaustif ou partiel) et les contraintes du systĂšme de mesure. Ces paramĂštres concernent le cycle d’usage de l’eau, qui est dĂ©crit briĂšvement.

Cycle, régime et bassin d'usage 

Les usages de l’eau peuvent ĂȘtre abordĂ©s sous la forme d’un cycle, Ă  l’image du cycle de l’eau, que nous avons appelĂ© le cycle des usages de l’eau [8]. Ce cycle peut ĂȘtre dĂ©clinĂ© pour chaque usage (distribution de l’eau potable, irrigation, production de neige artificielle, etc.) et passe par diffĂ©rentes Ă©tapes (prĂ©lĂšvement, adduction, distribution, apport, restitution; fig. 1). Les diffĂ©rents usages de l’eau d’un territoire provoquent une distribution temporelle des demandes en eau que, par analogie au rĂ©gime hydrologique, nous appelons le rĂ©gime de l’usage; ce dernier dĂ©pend de l’usage et n’est pas forcĂ©ment le mĂȘme que le rĂ©gime de la ressource (rĂ©gime hydrologique). Finalement, chaque usage Ă  une empreinte territoriale variable que nous appelons le bassin d’usage; ce dernier n’est pas forcĂ©ment le mĂȘme que le bassin versant [6].

La résolution temporelle des mesures

Le pas de temps souhaitĂ© pour les donnĂ©es mesurĂ©es doit pouvoir mettre en Ă©vidence la saisonnalitĂ© des usages de l’eau. Le pas de temps horaire est gĂ©nĂ©ralement trop fin car il engendre une grande quantitĂ© de donnĂ©es, ce qui demande beaucoup de temps de traitement si l’on veut reprĂ©senter tous les usagers. Des mesures à l’échelle horaire aboutissent à la situation où il est difficile de valoriser les donnĂ©es rĂ©coltĂ©es dans un contexte opĂ©rationnel. Un bon compromis est le pas de temps journalier, qui permet de diffĂ©rencier les saisonnalitĂ©s des usages de l’eau d’un territoire sur une annĂ©e entiĂšre.

La résolution spatiale des mesures  

La rĂ©solution spatiale pose la question de l’endroit oĂč les mesures sont effectuĂ©es ainsi que le niveau de diffĂ©renciation des usagers. Les mesures effectuĂ©es dans les premiĂšres Ă©tapes du cycle d’usage (prĂ©lĂšvement, distribution) ont l’avantage d’avoir un point de mesure unique ou de se concentrer sur quelques points, mais elles ne font pas la diffĂ©rence entre les usagers. A contrario, les mesures effectuĂ©es au niveau de l’usager (apports) permettent de mettre en Ă©vidence les diffĂ©rents comportements et pratiques d’usage mais elles sont plus lourdes Ă  mettre en place car elles nĂ©cessitent un suivi pour chaque compteur d’eau. La rĂ©solution spatiale idĂ©ale serait de travailler à l'Ă©chelle de la personne (litres par habitant). Cette donnĂ©e est toutefois difficile Ă  obtenir dans les communes touristiques où la population temporaire varie constamment: il faudrait arriver Ă  diviser les apports aux compteurs de chaque bĂątiment par le nombre exact de personnes prĂ©sentes, ce qui est difficile Ă  obtenir en raison des fortes variations de frĂ©quentation touristique. Le compromis proposĂ© consiste Ă  ramener les volumes mesurĂ©s Ă  la plus petite Ă©chelle d’unitĂ© qui ne varie pas dans le temps: volume par logement, par lit d’hĂŽtel, par surface irriguĂ©e, par place de travail dans les bureaux. De plus, ces unitĂ©s sont des donnĂ©es plus aisĂ©es à obtenir que les donnĂ©es par personne.

L’échantillonnage

L’échantillonnage peut ĂȘtre exhaustif ou partiel, suivant les moyens Ă  disposition. Dans cette Ă©tude [1], lorsqu’un Ă©chantillonnage exhaustif a Ă©tĂ© choisi (tous les compteurs d’eau potable de la commune), il a fallu se limiter Ă  un pas de temps de mesure mensuel. Lorsqu’un pas de temps plus court Ă©tait souhaitĂ©, il a fallu limiter la taille de l’échantillon (par ex. 10 compteurs Ă  un pas de temps horaire). Dans ce cas, un Ă©chantillon ciblĂ© est choisi en sĂ©lectionnant des usagers qui ont a priori des pratiques d’usage spĂ©cifiques (par ex. hĂŽtel, maison d’habitation, rĂ©sidence secondaire, etc.).

Les contraintes du systĂšme de mesure

Les contraintes de l’infrastructure de monitoring dĂ©pendent des modalitĂ©s de relĂšve des compteurs (manuelle, automatique, relĂšve Ă  distance), du coĂ»t du matĂ©riel à installer par rapport Ă  l’existant (compteurs d’eau, dĂ©bitmĂštres, modules de communication) et de la praticitĂ© et du temps de travail nĂ©cessaire par relĂšve, par compteur et par an.

SYSTĂšMES DE MESURE: AVANTAGES ET INCONVENIENTS

Les diffĂ©rentes mĂ©thodes de mesure appliquĂ©es dans cette Ă©tude [1] sont les dataloggers, la tĂ©lĂ©-relĂšve radio, la tĂ©lĂ©-relĂšve «online», la relĂšve manuelle dĂ©lĂ©guĂ©e et les entretiens. Chacune a des avantages et des inconvĂ©nients. La figure 2 classe ces mĂ©thodes en fonction de leur coĂ»t d’installation et du temps de relĂšve nĂ©cessaire. Pour chaque mĂ©thode, nous faisons varier la proportion de compteurs mesurĂ©s (10% ou 100%), la rĂ©solution des donnĂ©es (1×/jour; 1×/mois ou 1×/an) et le niveau de mesure (distribution; compteur d’eau). Il est Ă  noter que des compteurs d’eau domestiques Ă©taient dĂ©jĂ  en place dans les communes Ă©tudiĂ©es (un compteur par bĂątiment).

Distribution: mesures quantitatives 

Les chroniques des volumes distribuĂ©s sur l’entiĂšretĂ© du rĂ©seau d’eau potable sont gĂ©nĂ©ralement mesurĂ©es par les communes. Le coĂ»t d’installation des appareils de mesure est Ă©levĂ© (voir fig. 2) car en amont des rĂ©seaux, le diamĂštre des conduites est important. Par contre, un seul compteur suffit.

Usages: mesures quantitatives
RelÚve manuelle déléguée

Le principe de la relĂšve dĂ©lĂ©guĂ©e est que des personnes volontaires relĂšvent les index de leur compteur domestique Ă  intervalles rĂ©guliers. Dans cette Ă©tude, le concierge d’un immeuble a par exemple fait des relĂšves manuelles une fois par mois.
Les avantages de cette mĂ©thode sont qu’il n’y a pas de coĂ»t, ni de travaux d’installation. De plus, le contact avec la personne faisant les relĂšves permet de rĂ©colter des informations sur les pratiques et caractĂ©ristiques des usagers du bĂątiment: typologie des logements et des rĂ©sidents, saisonnalitĂ© d’occupation, arrosage des jardins. La rĂ©solution temporelle manuelle (mensuelle) est satisfaisante.
Les inconvĂ©nients sont que la qualitĂ© des sĂ©ries de donnĂ©es est dĂ©pendante de la motivation et de la rigueur de la personne volontaire. Il est difficile d’obtenir une sĂ©rie de donnĂ©es sur le long terme car il est rare que les personnes volontaires continuent à relever leur compteur aprĂšs un certain temps (6 mois Ă  1 an) s’il n’y a pas d’incitation concrĂšte. De plus, cette mĂ©thode nĂ©cessite beaucoup de travail de prĂ©paration (recherche de volontaires, prise de contact, entretiens) pour chaque compteur si l’on souhaite construire un Ă©chantillon important.

RelĂšve radio

La relĂšve radio est une relĂšve Ă  distance des index des compteurs d’eau Ă  l’aide d’antennes Ă©mettrices (installĂ©es sur les compteurs) et d’un boĂźtier rĂ©cepteur. Cette mĂ©thode est gĂ©nĂ©ralement effectuĂ©e depuis la voie publique (il n’est ainsi pas nĂ©cessaire de rentrer dans les bĂątiments) et si le boĂźtier rĂ©cepteur permet une acquisition automatique des donnĂ©es, il est possible de collecter les index depuis un vĂ©hicule en mouvement.
Un des avantages de la relĂšve radio est l’exhaustivitĂ© de l’échantillon, si tous les compteurs sont Ă©quipĂ©s d’antennes. Le coĂ»t est Ă©galement rĂ©duit lorsqu’il n’y a que les antennes Ă  installer sur les compteurs existants (voir fig. 2). Les relĂšves sont relativement rapides: avec un boĂźtier radio en acquisition automatique, tous les compteurs de la commune de Montana (plus de 700) sont relevĂ©s en moins d’une semaine par les techniciens communaux lors de la facturation annuelle. La relĂšve pourrait ĂȘtre encore plus rapide grĂące Ă  l’acquisition automatique depuis un vĂ©hicule, mais dans la pratique, les techniciens prennent le temps de vĂ©rifier manuellement que chaque compteur est correctement relevĂ©.
Pour le monitoring Ă  Montana dans le cadre de cette Ă©tude, il fallait gagner du temps de relĂšve car l’objectif Ă©tait d’effectuer chaque mois une mesure de l’ensemble des compteurs de la commune. La stratĂ©gie choisie a Ă©tĂ© de faire une acquisition radio automatique depuis le vĂ©hicule en mouvement, sans vĂ©rification manuelle. Ce compromis permet de faire la relĂšve en une journĂ©e, mais sans garantie de collecter la totalitĂ© des compteurs: au total, environ 30% n’ont pu ĂȘtre relevĂ©s [6].
Cette stratĂ©gie de monitoring est un compromis avec une bonne reprĂ©sentativitĂ© de l’échantillon, une rĂ©solution temporelle satisfaisante (mensuelle), des coĂ»ts rĂ©duits et une praticitĂ© opĂ©rationnelle.

Dataloggers

Un Ă©chantillon ciblé de huit compteurs d’eau de bĂątiments prĂ©sentant a priori des pratiques d’usage diffĂ©rentes a Ă©tĂ© choisi en concertation avec les techniciens de la RĂ©gie des eaux de MegĂšve pour installer des dataloggers. Les enregistreurs choisis Ă©taient reliĂ©s à une tĂȘte de lecture filaire qui s’emboĂźte sur les compteurs existants. L’avantage des dataloggers est la possibilitĂ© de haute rĂ©solution temporelle des donnĂ©es (dans notre cas, une mesure par heure). De plus, ils ont Ă©tĂ© installĂ©s sur des compteurs situĂ©s sur la voie publique, ce qui facilite la relĂšve. Egalement, ils nĂ©cessitent peu d’intervention: l’autonomie des dataloggers est de plusieurs mois.
Cette mĂ©thode prĂ©sente aussi des inconvĂ©nients. Le temps nĂ©cessaire pour le dĂ©chargement des donnĂ©es est relativement important: il faut accĂ©der au compteur et connecter le datalogger à un ordinateur. Cette mĂ©thode a aussi un coĂ»t important en matĂ©riel: 480 francs par enregistreur (voir fig. 2). De plus, les dataloggers sont sensibles à l’humiditĂ© et aux chocs. Par ailleurs, l’enjeu de confidentialitĂ© et de protection de la vie privĂ©e est fort. Il a Ă©tĂ© difficile d’obtenir l’accord de tous les usagers initialement sĂ©lectionnĂ©s: beaucoup ont refusé de participer à la campagne, en particulier certains hĂŽtels. Enfin, un important point faible de cette stratĂ©gie est la petite taille de l’échantillon. Mais malgrĂ© cet Ă©chantillon limitĂ©, le ciblage des usagers effectué avec l’aide de la RĂ©gie des eaux a permis de mettre en Ă©vidence des saisonnalitĂ©s d’usage caractĂ©ristiques, à partir desquels une typologie a pu ĂȘtre proposĂ©e [7].

BoĂźtiers de communication online

Les boĂźtiers online se connectent au compteur d’eau et envoient en temps rĂ©el les index sur une plateforme web via une communication GSM (Global System for Mobile Communications) ou une connexion internet.
L’avantage de ce systĂšme est qu’il n’est pas nĂ©cessaire de se dĂ©placer pour la relĂšve et qu’il permet n’importe quelle rĂ©solution temporelle. Le gros inconvĂ©nient est son coĂ»t Ă©levĂ© (voir fig. 2) qui, dans le cadre cette recherche, a limitĂ© fortement la taille de l’échantillon (trois bĂątiments).

Mesure qualitative, au Niveau de l'usager: entretiens 

Les entretiens avec les usagers demandent beaucoup de temps et ne permettent pas d’obtenir de valeurs volumiques prĂ©cises. En revanche, ils sont un excellent complĂ©ment aux mĂ©thodes quantitatives, car ils permettent d’expliquer les saisonnalitĂ©s d’usage en dĂ©crivant les pratiques d’utilisation de l’eau. Ils permettent Ă©galement d’obtenir des informations sur le nombre d’usagers par bĂątiment, les infrastructures particuliĂšres (arrosage du jardin, piscine) et la frĂ©quence des usages.

RECOMMANDATIONS

Mettre à profit l'infrastructure de mesure existante 

Il est Ă©vident que la stratĂ©gie Ă  mettre en place pour un monitoring de l’eau potable est Ă  adapter au cas par cas afin de tirer profit des infrastructures de mesure dĂ©jĂ  en place. Lorsque des compteurs d’eau domestiques sont dĂ©jĂ  prĂ©sents, il est intĂ©ressant de pouvoir les Ă©quiper d’antennes de tĂ©lĂ©-relĂšve radio pour pouvoir passer Ă  une frĂ©quence de mesure mensuelle, voire plus fine. Lorsque des dĂ©bitmĂštres sont dĂ©jĂ  installĂ©s au niveau des prĂ©lĂšvements ou de la distribution, il est intĂ©ressant de les Ă©quiper de boĂźtiers de communication online pour un suivi en temps rĂ©el.

Choisir l'échelle de mesure adaptée à l'objectif prévu 

Si dans le contexte de la gestion intĂ©grĂ©e des eaux, l’objectif est d’obtenir une image la plus complĂšte possible des usages de l’eau potable Ă  l’échelle du territoire, nous proposons un monitoring faisant le compromis entre rĂ©solution temporelle, rĂ©solution spatiale et taille de l’échantillon. Tout d’abord, nous proposons de mesurer les volumes Ă  chaque Ă©tape du cycle d’usage [8]: les prĂ©lĂšvements, la distribution et les apports au niveau des compteurs d’eau (fig. 1). Ceci permet notamment d’évaluer le taux de pertes dans les rĂ©seaux entre chaque Ă©tape. En outre, le rĂ©gime des prĂ©lĂšvements est une donnĂ©e importante car c’est lui qui devra ĂȘtre comparĂ© au rĂ©gime des ressources disponibles pour Ă©valuer si le territoire concernĂ© se retrouve en stress hydrique.
La rĂ©solution temporelle des donnĂ©es doit ĂȘtre assez fine pour pouvoir identifier les pics de demande, notamment ceux liĂ©s au tourisme journalier. Elle ne doit pas ĂȘtre trop fine non plus car une quantitĂ© trop importante de donnĂ©es Ă  traiter rend difficile la mise en pratique opĂ©rationnelle. Il faut Ă©galement que les pics d’usage soient lisibles s’ils sont mis en graphique pour avoir une vision globale sur une annĂ©e. Nous proposons le pas de temps de mesure journalier.
La rĂ©solution spatiale doit ĂȘtre assez fine pour distinguer les diffĂ©rents rĂ©gimes d’usage propres Ă  chaque type d’usager (leur «signature temporelle»). Nous proposons de mesurer Ă  l’échelle du bĂąti, via les compteurs d’eau domestiques. Une rĂ©solution spatiale plus fine (Ă  l’échelle de l’usager) est problĂ©matique, en raison de la difficultĂ© d’évaluer les rĂ©sidents temporaires. De plus, l’échelle du bĂąti est bien adaptĂ©e pour des reprĂ©sentations cartographiques de l’ensemble d’une commune.
Lorsque l’on ne peut mesurer Ă  la fois Ă  l’échelle du compteur et au pas de temps journalier, il est possible de jouer sur la taille d’échantillonnage (voir fig. 1). Nous proposons dans ce cas de combiner un Ă©chantillon exhaustif (100% des compteurs) Ă  «basse» rĂ©solution temporelle (1×/mois) par radio-relĂšve, avec un Ă©chantillon ciblĂ© (10% des compteurs, issus d’une sĂ©lection) Ă  haute rĂ©solution temporelle (1×/jour) par transmission online. L’échantillon exhaustif permet d’avoir une vision globale de la saisonnalitĂ© de l’ensemble des compteurs et l’échantillon ciblĂ© est lĂ  pour permettre de dĂ©crire et expliquer de maniĂšre plus fine certains rĂ©gimes particuliers.

Combiner les méthodes quantitatives et qualitatives 

Lorsqu’il n’est pas possible d’installer un systĂšme de mesure, les mĂ©thodes qualitatives (observations de terrain, entretiens) se rĂ©vĂšlent trĂšs intĂ©ressantes pour complĂ©ter les donnĂ©es volumiques. Nous proposons mĂȘme de les utiliser de maniĂšre systĂ©matique car elles permettent d’expliquer les comportements d’utilisation de l’eau lorsqu’il y a une importante diversitĂ© d’usagers et de pratiques d’usage. Dans notre schĂ©ma de monitoring (fig. 1), nous proposons de faire un entretien avec chaque usager de l’échantillon ciblĂ©, mesurĂ© Ă  haute rĂ©solution temporelle.

CONCLUSION

Le schĂ©ma de monitoring prĂ©sentĂ© dans cet article est destinĂ© Ă  l’étude des usages de l’eau potable dans le contexte de la gestion intĂ©grĂ©e de l’eau et a Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ© Ă  partir de deux cas en territoires de montagne: Montana et MegĂšve. Nous proposons dans ce schĂ©ma de tendre vers un compromis entre la rĂ©solution spatiale et temporelle des mesures, en instrumentant Ă  tous les niveaux du cycle d’usage, en optant pour la radio-relĂšve des compteurs d’eau domestiques, en jouant sur l’échantillonnage et en combinant les mĂ©thodes quantitatives et qualitatives.
Le compromis prĂ©sentĂ© n’est pas destinĂ© Ă  ĂȘtre appliquĂ© tel quel Ă  d’autres communes, mais il propose un canevas de dĂ©cision et permet d’établir des prioritĂ©s pour les mesures Ă  effectuer lorsqu’il est nĂ©cessaire de mettre en place un monitoring des usages de l’eau dans un territoire dans lequel il y a peu d’infrastructures de mesure.
De maniĂšre gĂ©nĂ©rale, nous plaidons pour un recours plus systĂ©matique qu’actuellement au monitoring des usages de l’eau. Une telle pratique permet de rĂ©pondre Ă  l’un des objectifs de la gestion intĂ©grĂ©e des eaux, qui est de pouvoir Ă©valuer de maniĂšre prĂ©cise la disponibilitĂ© de la ressource et la demande et d’élaborer des sĂ©ries de donnĂ©es constituant la base pour une information transparente des usagers [9]. Elle constitue Ă©galement une base essentielle pour la modĂ©lisation intĂ©grĂ©e de la ressource et des usages de l’eau dans le futur [10].

Bibliographie

[1] Calianno, M. (2018): Quantifier les usages de l’eau en territoire touristique de montagne. ThĂšse de doctorat, UniversitĂ© de Lausanne
[2] Grouillet, B. et al. (2015): Historical reconstruction and 2050 projections of water demand under anthropogenic and climate changes in two contrasted Mediterranean catchments. Journal of Hydrology 522: 684–696
[3] Leroy, E. (2015): Proposition d’interface science-société pour la gestion intégrée de la ressource en eau dans un contexte de changements climatiques. ThĂšse de doctorat, Université de Grenoble
[4] Gargano, R. et al. (2017): Probabilistic Models for the Peak Residential Water Demand. Water 9 (6): 417
[5] Reynard, E. et al. (2014): Interdisciplinary assessment of complex regional water systems and their future evolution: how socioeconomic drivers can matter more than climate, Wiley Interdisciplinary Reviews Water 1(4): 413–426
[6] Calianno, M.; Milano, M.; Reynard, E. (2018): Monitoring water use regimes and density in a tourist mountain territory. Water Resources Management 32: 2783–2799
[7] Calianno, M. (soumis): The analogous method: reproducing the seasonality of drinking water distribution in mountain tourist resorts. Revue de GĂ©ographie Alpine
[8] Calianno, M. et al. (2017): Quantifier les usages de l’eau: une clarification terminologique et conceptuelle pour lever les confusions. VertigO – la revue électronique en sciences de l’environnement 17(1) [en ligne] URL: https://journals.openedition.org/vertigo/18442
[9] Musy, A.; Higy, C.; Reynard, E. (2014): Hydrologie 1: Une science de la nature. Une gestion sociétale. Lausanne, Presses Polytechniques et Universitaires Romandes
[10] Milano, M. et al. (2015): Climatic and anthropogenic changes in Western Switzerland: Impacts on water stress. Science of the Total Environment 536: 12–24

Kommentar erfassen

Kommentare (0)

e-Paper

Avec l'abonnement en ligne, lisez le E-paper «AQUA & GAS» sur l'ordinateur, au téléphone et sur la tablette.

Avec l'abonnement en ligne, lisez le E-paper «Wasserspiegel» sur l'ordinateur, au téléphone et sur la tablette.

Avec l'abonnement en ligne, lisez le E-paper «Gasette» sur l'ordinateur, au téléphone et sur la tablette.