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18. septembre 2025

Reflets

Interdire les substances polluantes: l’effet rebond

Surveiller, restreindre, interdire, substituer … oui, mais ...
Silwan Daouk 

Le 20e siècle a vu se développer l’industrie chimique de manière exponentielle. Des dizaines de nouvelles substances de synthèses ont fait leur apparition: médicaments, produits phytosanitaires (PPh), cosmétiques, etc. Ces développements ont largement contribué à améliorer notre confort de vie et notre santé. Ce «progrès chimique» a d’abord été perçu comme bénéfique, mais des voix ont rapidement tiré la sonnette d’alarme, à l’instar de Rachel Carson avec son livre «Printemps silencieux». En effet, toutes ces substances finissent inévitablement dans l’environnement à plus ou moins long terme, et peuvent causer un impact sur la santé humaine et sur la biodiversité. Des catastrophes, comme Schweizerhalle (1986), illustrent de manière tragique les risques des substances chimiques pour l’homme et l’environnement. Face à ces problèmes, il est nécessaire d’agir. Les actions passent par une surveillance accrue, une restriction d’usage, voire une interdiction des substances problématiques.

Surveillance accrue

A la suite de l’incendie de la zone industrielle Schweizerhalle, les eaux du Rhin ont été polluées, entraînant la mort de toutes les anguilles jusqu’à Rotterdam, et la pêche a été interdite pendant des mois. Cet accident a donnée naissance à l’ordonnance sur les accident majeures (OPAM), mais également à la station internationale de surveillance en continu des eaux du Rhin, située près de Bâle. Un système d’alarme a été mis en place permettant d’alerter les autorités en aval en cas de forte pollution détectée.

Restriction d’usage

Parmi les exemples de restriction d’usage, on peut mentionner le cas des PPh: des restrictions strictes sont appliquées pour protéger les eaux souterraines (zones S1, S2 et S3), mais également pour protéger les eaux de surface (zone tampon de 3 m). Pour certaines substances à risque, la zone tampon non traitée varie de 6 à 100 m. Toutefois, si une substance est considérée comme présentant un risque non acceptable, elle doit être interdite.

Interdiction

De nombreuses substances polluantes ont été interdites ces dernières années, suite à la réévaluation du risque qu’elles présentent. Un exemple emblématique est l’atrazine. Cet herbicide a vu son usage restreint à la seule utilisation agricole dès les années 1990. Après réévaluation du risque, l’Union Euroopéenne l’a interdit dès 2003. Mais il faut attendre 2012 pour que la Suisse l’interdise à son tour, et 2021 pour que la Suisse interdise toute exportation. Ces interdictions ont eu pour effet de réduire les concentrations mesurées dans le Léman (voir figure), mais bien que l’atrazine ne soit plus utilisé ni fabriqué en Suisse, cette substance est toujours retrouvée dans le Léman (CIPEL, 2024). Notons aussi que l’atrazine a vu son autorisation renouvelée aux Etats-Unis en 2020.

Substitution

Les substances interdites sont souvent estimées nécessaires par l’industrie ou pour lutter contre une maladie. Ceci implique de trouver un produit de substitution. Par exemple, l’atrazine a été substituée par d’autres herbicides comme le S-métolachlore, qui a depuis été également retiré du marché en raison du risque qu’il représentait pour l’environnement. De nouveaux herbicides de substitution sont utilisés depuis, mais ils montrent une toxicité environnementale plus importante, notamment le nicosulfuron et le foramsulfuron. De plus, le produit de transformation de ces herbicides (2-Amino-4,6-dimethoxypyrimidine) a été détecté à des concentrations élevées dans le Léman (CIPEL, 2024). Cet exemple montre qu’il peut se passer plusieurs années entre l’interdiction d’une substance et sa dissipation ou celle de ses produits de transformation dans l’environnement, et que les substitutions mènent souvent à de nouvelles restrictions ou interdictions une fois les données environnementales disponibles. Les politiciens mettent en balance la production et l’économie avec les risques environnementaux et sanitaires des substances. Mais est-ce vraiment souhaitable? Entre le lobbying de la branche chimie-pharma et toutes les vraies «fausses vérités» diffusées sur les réseaux sociaux, il est parfois difficile de s’appuyer sur des connaissances fiables. Le rôle d’information des associations professionnelles SVGW et VSA reste donc primordial pour avoir un débat politique basé sur
des connaissances robustes et indépendantes.
Surveiller, restreindre, interdire, substituer … oui, mais un processus d’autorisation des substances plus strict, qui tienne compte des effets de mélanges, par exemple, permettrait d’éviter des substitutions regrettables et de nouveaux scandales sanitaires et environnementaux.

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