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09. novembre 2020

VSA Young Professionals

Se forger une opinion sur l’initiative pour une eau potable propre

L’«initiative pour une eau potable propre» sera soumise à la votation l’an prochain. Les VSA Young Professionals ont invité partisans et opposants de cette initiative pour se forger leur propre opinion.
Paul Sicher 

Aarau, le 21.10.2020. L’initiative pour une eau potable propre ne veut rien de moins qu’un changement de système dans la politique agricole. Son initiatrice, Franziska Herren, explique l’idée maîtresse de l’initiative: « Le but est que les agriculteurs continuent de bénéficier de paiements directs, mais uniquement s’ils produisent sans pesticides, n’utilisent les antibiotiques qu’à titre prophylactique et présentent un bilan de fumure équilibré. » Elle critique le système actuel, qui « subventionne la pollution de nos propres eaux ».

Chaque année, l’agriculture utiliserait 32 000 tonnes d’antibiotiques, ce qui aurait entraîné l’apparition de bactéries résistantes dans les cours d’eau et même dans les nappes phréatiques, nos ressources en eau potable. Franziska Herren juge particulièrement troublant que les vétérinaires tirent la moitié de leurs revenus de la prescription d’antibiotiques.

« Dans l’agriculture, 85 à 90% des exploitations ont recours aux pesticides », affirme Franziska Herren. L’exemple du chlorothalonil montre combien l’emploi des pesticides est problématique. « Aujourd’hui, dans la région du Plateau, environ un million de gens boivent une eau potable qui ne respecte pas la valeur maximale définie pour les résidus de pesticides. «Les pesticides sont aussi décelables dans d’autres produits alimentaires. « Depuis 2005, 154 substances actives ont dû être retirées du marché, parce qu’elles se sont révélées a posteriori néfastes pour l’environnement».

Franziska Herren fait référence avec fierté au réseau d’experts de l’eau 4aqua.ch, qui soutient l’initiative pour une eau potable propre.

Markus Bucher, qui dirige une exploitation agricole bio (culture maraichère) employant 30 personnes, soutient l’initiative pour une eau potable propre. Il prône un changement de cap dans la politique agricole. «Cela passe par toutes sortes de mesures, grandes et petites», dit Markus Bucher. À ses yeux, l’eau est une ressource absolument vitale qui doit être mieux protégée. Mais l’initiative offre aussi un potentiel de développement aux agriculteurs : «Mon travail quotidien m’a appris qu’une agriculture sans pesticides chimiques de synthèse est possible, même si ce n’est pas facile». Il faut aussi renforcer la recherche dans l’agriculture sans pesticides. Pour sa part, il aimerait abandonner la monoculture pour adopter une culture mixte sous la forme d’un écosystème intégré (permaculture) se prêtant à une gestion efficiente.

 

 

SRF-Beitrag von Markus Bucher zu Mischkultur/Permakultur: Was fehlt in herkömmlichen Feldern?

Par contre, David Brugger de l’Union suisse des paysans ne voit pas l’initiative pour une eau potable propre d’un bon œil : «L’agriculture n’a pas besoin de l’initiative pour une eau potable propre pour évoluer. Et cette initiative est extrême». Le texte de l’initiative indique par exemple explicitement que seules les exploitations n’utilisant «pas de pesticides» peuvent bénéficier de paiements directs. Même les produits phytosanitaires autorisés dans la filière bio seraient de ce fait interdits. La règle proposée pour le fourrage («animaux nourris uniquement avec le fourrage produit dans l’exploitation») ne serait pas davantage tenable selon lui. Même BioSuisse – «ce sont quand même des gens intelligents» – l’aurait admis.

David Brugger invoque par ailleurs l’étude de la HAFL, qui a analysé les répercussions de l’initiative pour une eau potable propre. L’initiative pour une eau potable propre aurait des répercussions négatives pour toutes les exploitations; certaines sortiraient du système des PER (prestations écologiques requises). David Brugger se réfère à une autre étude, l’étude «Analyse d’impact relative à l’initiative pour une eau potable propre» d’Agroscope. L’analyse de 18 scénarios montre que la productivité et le taux d’auto-approvisionnement diminueraient. Une seconde étude d’Agroscope arrive à la conclusion que l’initiative pour une eau potable propre aurait globalement des répercussions négatives sur l’environnement.

Pour David Brugger, le plus choquant est que l’initiative imposerait unilatéralement des obligations à l’agriculture. Ainsi, l’emploi de pesticides par des particuliers non formés et l’utilisation de biocides seraient ignorés par le texte. David Brugger soutient dès lors l’initiative parlementaire (Iv. pa.) 19.475, qui pourrait résoudre les problèmes plus rapidement et plus équitablement. Cette Iv. pa. aurait le soutien de l’Union suisse des paysans.

Adrian Eberhard dirige une exploitation familiale et a investi massivement dans l’engraissement intensif de poulets au cours des dernières années. Son poulailler moderne avec possibilité de «quarantaine» pour chaque animal abrite quelque 15 000 poulets et répond aux plus hautes exigences en matière d’hygiène. Il peut ainsi préserver la santé des animaux et ne requiert que peu de médicaments. Parallèlement à cela, Adrian Eberhard cultive aussi des champs pour la production de fourrage et possède une porcherie. Il serait touché «de plein fouet» par l’initiative pour une eau potable propre. Certes, il ne reçoit actuellement aucun versement direct pour le poulailler, mais à l’avenir, il n’en obtiendrait plus pour la culture des champs, puisqu’il les cultive aussi de façon intensive et y utilise des produits phytosanitaires. De son point de vue, l’initiative pour une eau potable propre accroîtrait les importations de viande produite dans de bien plus mauvaises conditions. Il sortirait en tout cas du système des PER.

En guise d’introduction, Stefan Hasler relate l’histoire de la protection des eaux et constate que la branche a toujours agi rapidement et avec cohérence chaque fois qu’un problème a été constaté: à la suite de l’apparition de tapis de mousse et du dépérissement des lacs, des STEP ont été construites un peu partout en Suisse dans les années 1960 et 1970. Dans les années 1980, bon nombre de ces STEP ont été massivement étendues pour assurer une nitrification toute l’année en raison de concentrations d’ammonium toujours trop élevées. Comme les cours d’eau sont certes propres aujourd’hui, mais souffrent des micropolluants, plus d’une centaine de STEP sont en train d’être dotées d’une étape de traitement supplémentaire. Cela permettra de réduire de plus de moitié les micropollutions indésirables en 20 ans, tout en protégeant mieux les cours d’eau particulièrement en danger ou sensibles.

Cela étant, 40% des micropolluants dans les cours d’eau proviennent de l’agriculture; des mesures efficaces s’imposent donc dans ce domaine. Stefan Hasler fait référence à l’étude NAWA SPEZ sur la pollution des petits cours d’eau par des résidus de pesticides et sur la pollution des nappes phréatiques dans toute la région du Plateau par des résidus de chlorothalonil.

Compte tenu de la pollution avérée des eaux, le VSA a soutenu les objectifs de l’initiative pour une eau potable propre. Le texte de l’initiative présenterait néanmoins deux faiblesses rédactionnelles. «Mais le législateur dispose d’une importante marge de manœuvre dans la mise en œuvre de l’initiative, comme d’autres exemples et notre rapport juridique le démontrent», affirme avec conviction Stefan Hasler.

En raison des discussions controversées au sein de son Comité, le VSA renonce néanmoins à prendre position. «Sachant toutefois que le Parlement n’a pas pour but d’anéantir notre agriculture et entend mettre en œuvre l’initiative avec mesure, le citoyen responsable peut aussi parfaitement répondre «oui».»

Stefan Hasler mentionne aussi l’initiative parlementaire 19.475 comme possible instrument; celle-ci pourrait en effet permettre de prendre des mesures plus rapides et plus largement efficaces. Les Commissions de l’économie et des redevances du Conseil national (CER-N) ont cependant déjà affaibli le texte. Le VSA s’emploiera à ce que le Conseil national reprenne des éléments importants pour la protection des eaux: une taxe incitative pour les produits phytosanitaires, la trajectoire de réduction des nutriments avec des objectifs chiffrés contraignants et l’obligation faite aux résidus de pesticides non pertinents de respecter les exigences dans les aires d’alimentation des captages d’eaux souterraines.

Stefan Hasler s’adresse à David Brugger : «Il vous reste encore à démontrer que l’agriculture n’a pas besoin de l’initiative pour une eau potable propre pour évoluer. S’agissant du nitrate, cela fait plus de 30 ans que l’on dit que nous avons un problème de nitrate dans les nappes phréatiques et que les apports d’azote issus de l'agriculture doivent être massivement réduits. Bien que l’objectif à long terme nécessite une réduction à environ 65 000 tonnes par an, les apports d’azote issus de l’agriculture stagnent depuis 20 ans à un niveau nettement supérieur à 100 000 tonnes par an. J’aimerais que l’agriculture s’occupe du problème du nitrate et des pesticides avec autant de détermination que de l’assainissement urbain, afin que dans 20 ans, la jeune génération n’ait pas à faire l’amer constat que les lacunes en matière de protection des eaux sont restées en l’état».

Lors de la discussion finale, les participants ont pu poser des questions. L’intervenante et les intervenants sont parvenus à exposer les différents points de vue et à fournir les clés nécessaires pour se forger une opinion. Nos sincères remerciements.

Comme on pouvait s’y attendre, il n’a pas été possible de rapprocher les positions des uns et des autres. La lutte sera âpre jusqu’à la votation. Les parties en présence ne se feront aucun cadeau.

Réseau 4AQUA: des experts de l’eau en soutien à l’initiative pour une eau potable propre
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4aqua se décrit comme un réseau d’experts et de scientifiques qui réalisent et ressentent quotidiennement la pollution des ressources en eau potable et des cours d’eau. Les experts de 4aqua peuvent confirmer de première main la nécessité d’une action urgente visant les pesticides et d’autres polluants. C’est pourquoi ils ont uni leurs forces, pour donner une voix politique à une protection efficace des eaux fondée sur des faits. La coordination du réseau est assurée par Jürg Meyer (membre du conseil d’administration de Holinger SA), Martin Würsten (ancien chef du service de l’environnement du canton de Soleure), Peter Hunziker (directeur général de Hunziker Betatech AG) et Roman Wiget (AWBR).

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