Plateforme pour l’eau, le gaz et la chaleur
Article technique
03. mai 2021

Génération de chaleur pour CAD

Le bois sec génère plus de chaleur

Plus la biomasse est sèche, plus le rendement calorifique des centrales thermiques à bois est élevé. Pour cette raison, le bois frais et humide est généralement stocké pendant une période plus longue avant la combustion et donc préséché. Une autre solution consiste à sécher le bois avec les gaz effluents de la centrale de chauffage au bois. Un projet de démonstration de l’OFEN à St-Aubin-Sauges (NE) démontre le potentiel et les conditions de succès de cette approche.
Benedikt Vogel 

Les origines de la scierie Burgat SA, située dans le village de Saint-Aubin sur la rive nord du lac de Neuchâtel, remontent au 19e siècle. En 1990, la scierie a été complétée par une centrale thermique utilisant les sous-produits issus de celle-ci (écorces déchiquetées, plaquettes et sciure) comme source d’énergie durable. Sur les bases du petit chauffage à distance (CAD) initial a alors germé l’idée, de laquelle est née BéroCAD SA en 2013, d’un partenariat public-privé entre la commune de Saint-Aubin-Sauges (devenue aujourd’hui la commune de La Grande Béroche), la Scierie Burgat et Viteos SA qui en est l’actionnaire majoritaire. Viteos, le fournisseur d’énergie local, est responsable pour le réseau et la production de chaleur de BéroCAD. Dans la centrale de chauffe les sous-produits de la scierie sont brûlés pour fournir du chauffage et de l’eau chaude aux 68 bâtiments (485 équivalents ménages) de la commune de La Grande Béroche (chiffres pour fin 2019) (fig. 1–3). BéroCAD est en constante expansion et devrait atteindre 128 bâtiments (860 équivalents ménages) d’ici 2025.

Effluents gazeux utilisés pour le préséchage

En vue de l’extension du réseau de chaleur à distance, l’ancienne chaufferie a été remplacée, en 2018, par la nouvelle chaufferie (fig. 1) équipée de deux chaudières à bois (2 × 2 MW), doublant ainsi la capacité de la production de chauleur renouvelable. Entre l’année 2018 et 2020, seule une partie de la capacité disponible était nécessitée par le réseau: par une froide journée d’hiver, elle était d’environ 2,4 MW, tandis que pendant les mois d’été, la demande était de l’ordre de 0,5 MW. Avec cette demande de chaleur, une seule chaudière à charge partielle suffit la majeure partie de l’année pour couvrir les besoins en énergie. En octobre 2020, des clients supplémentaires ont été raccordés, de sorte que la puissance maximale requise est d’environ 3 MW depuis l’hiver 2020/2021.
Jusque à présent, BéroCAD était comparable à de nombreux autres réseaux de chaleur à distance en Suisse. Toutefois, l’intégration d’un sécheur, qui est combiné avec un électrofiltre, dans la centrale thermique à bois de St-Aubin-Sauges est novatrice à ce jour. La centrale utilise les gaz effluents des chaudières pour présécher le bois de chauffage humide avant qu’il ne soit brûlé. Le bois préséché produit une plus grande quantité de chaleur lorsqu’il est brûlé. Ou formulé dans l’autre sens: il faut moins de bois pour produire la même quantité de chaleur. Un autre avantage par rapport aux centrales thermiques à bois conventionnelles est qu’il n’est pas nécessaire de disposer d’une zone de stockage, notamment en forêt, où le bois est préséché pendant des semaines ou des mois.

Une efficacité accrue de 10 pourcents est attendue

L’installation de séchage du bois a été mise en service en juillet 2018. Au cours de la phase de planification, on a supposé que le bois de chauffage livré par la scierie voisine avait un taux d’humidité d’environ 45%. Grâce au préséchage, on pensait pouvoir produire la même quantité de chaleur avec 10% de combustible en moins. Ce gain d’efficacité permettrait d’amortir en quelques années l’investissement de BéroCAD pour l’installation de séchage.
L’installation de séchage a été fournie par la société OekoSolve AG à Plons-Mels (SG; fig. 4). L’entreprise, fondée en 2007, développe et produit des précipitateurs électrostatiques qui éliminent les poussières fines des gaz effluents des systèmes de chauffage à la biomasse. OekoSolve a fourni un système combiné pour l’installation de St-Aubin-Sauges, composé d’un séchoir à combustible et d’un précipitateur électrostatique (voir encadré «Comment fonctionne le système séchoir-électrofiltre»). En utilisant les gaz effluents pour le séchage, ceux-ci se refroidissent. Ils perdent donc du volume, ce qui permet de réduire les dimensions de l’électrofiltre. Cela engendre un gain de place et une diminution des coûts.

Le bois est moins humide que prévu

En attendant, les résultats d’un programme de surveillance de 15 mois (début 2019 à mars 2020) soutenu par l’Office fédéral de l’énergie (OFEN) dans le cadre du programme pilote et de démonstration (voir encadré «Projets pilotes et de démonstration de l’OFEN») sont disponibles. Au cours de cette période, le système innovant composé d’un séchoir et d’un filtre à poussières fines a confirmé son efficacité fonctionnelle. Comme d’habitude pour des installations de démonstration, les problèmes de démarrage ont dû être résolus dans la phase initiale. Le filtre à poussières fines, par exemple, tombait initialement plus souvent en panne. L’origine du problème était une oscillation de l’électrode sous l’effet du champ électrostatique. Pour identifier l’origine du problème, un laser a été placé sur l’électrode pour étudier le mouvement de celle-ci. Depuis que l’électrode a été stabilisée par un poids, le filtre électrostatique fonctionne avec une disponibilité d’approximativement 100%, comme le rapporte Michel Revaz, coordinateur du projet d’OekoSolve.
La centrale thermique fonctionne de manière entièrement automatique et est surveillée par télémaintenance. La présence du personnel d’exploitation de Viteos est limitée à deux inspections hebdomadaires, auxquelles s’ajoutent les interventions du service de piquet. En attendant, si la centrale de démonstration fonctionne techniquement sans faille, sa viabilité économique n’est pas encore assurée. Selon les expériences précédentes, ce n’est pas 10% de combustible qui sont économisés, mais seulement 8%. Cela signifie que le rendement thermique supplémentaire du processus de séchage n’est pas encore suffisant pour amortir l’investissement de BéroCAD dans l’installation de séchage. Cela est dû à la nature du combustible: il est moins humide que prévu lors de la phase de planification, comme le montrent les mesures de la période de surveillance. Ainsi, le taux d’humidité n’est que de 35% en moyenne au lieu des 45% prévus initialement, et même nettement inférieur certains mois (tab. 1). En raison de la faible utilisation de la capacité de la centrale, la biomasse reste stockée pendant une période relativement longue et perd de l’humidité avant d’entrer dans le sécheur.

Rentable avec une bonne utilisation des capacités

M. Revaz, le coordinateur du projet d’OekoSolve, fonde désormais ses espoirs sur l’expansion prévue du réseau de chaleur. Avec deux fois plus de clients, d’une part le produit de la vente de chaleur augmentera, et d’autre part le bois restera moins longtemps en place avant la combustion, ce qui améliorera le bilan de performance de l’installation de séchage. Au cours de l’année d’exploitation 2019, la centrale thermique a fourni 5039 MWh de chaleur. En 2021, suite au raccordement du petit réseau de chaleur de Gorgier et de quelques autres bâtiments supplémentaires, il devrait alors être de 7810 MWh. «Avec une production de 9000 MWh/an, le séchoir sera rentable selon nos calculs», déclare M. Revaz. Avec l’extension du réseau de chauffage urbain prévue d’ici 2025, avec une demande annuelle de 10'370 MWh/an, cette valeur serait nettement dépassée. Le système séchoir-électrofiltre aurait alors un rendement de CHF 15'000 par an supérieur à celui d’un système de filtre à poussière fine classique, comme le montrent les calculs d’OekoSolve.
La chaufferie de démonstration de St-Aubin-Sauges est destinée à ouvrir la voie à l’application commerciale de centrales thermiques à bois équipées de séchoirs-électrofiltres. OekoSolve devrait lancer la commercialisation en 2021. En Suisse, 70 à 80 scieries utilisent leurs sous-produits de bois dans une centrale thermique. Comme le combustible est relativement humide, l’utilisation d’un système séchoir-électrofiltre pourrait être avantageuse.

Comment fonctionne le système séchoir-électrofiltre

Dans l’installation de St-Aubin-Sauges, le combustible est séché avant d’être brûlé dans la chaudière. Le séchage s’effectue sur la moité de la bande de 22 m de long au travers de laquelle circulent les gaz effluents (fig. 4 et 5). La température de ceux-ci ne doit pas dépasser 110 °C, sinon un début de pyrolyse interviendrait pendant le processus de séchage, ce qui réduirait la valeur énergétique du bois. Les gaz effluents des chaudières, qui peuvent atteindre 200 °C, sont utilisés directement pour le séchage. Dans la chambre de mélange, un ventilateur de recirculation ajoute en permanence juste assez de gaz effluents refroidis par le passage à travers la couche de combustible aux gaz effluents venant directement des chaudières pour que l’air de séchage soit à une température de 110 °C (fig.5).
Les effluents gazeux sont ensuite dirigés vers l’électrofiltre pour être débarrassés des poussières fines et acheminés vers la cheminée au moyen d’un ventilateur d’extraction. Dans l’installation actuelle, le précipitateur électrostatique est mis en œuvre sous la forme d’un électrofiltre à plaques. Une électrode en forme de grille (cathode) est suspendue entre deux parois (anodes). Le champ électrostatique entre la cathode et l’anode précipite les fines particules de poussière vers les parois où, avec l’humidité contenue dans les gaz effluents saturés en eau, elles forment une boue qui s’accumule au fond du précipitateur électrostatique. Les boues sont à nouveau brûlées dans la chaudière. Ainsi le résidu restant ne doit pas être transporté dans une décharge de déchets spéciaux, car la poussière fine est liée à la boue et est rebrûlée dans les chaudières.
Dans le système séchoir-électrofiltre, le précipitateur électrostatique ne doit faire que «la moitié du travail». Les composants grossiers des particules solides contenus dans les gaz effluents sont déjà séparés lorsque ceux-ci passent à travers la couche de combustible. La teneur en particules solides des effluents gazeux est déjà réduite de 290 à 200 mg/Nm3 à environ 130 mg/Nm3. Le précipitateur électrostatique élimine à nouveau 90% et plus des particules. Les gaz, qui s’échappent dans l’environnement par la cheminée, ne contiennent plus qu’environ 10 mg/Nm3 de particules fines. Cela signifie que la valeur limite de 20 mg/Nm3 (sur la base de 11% d’O2) exigés par l’Ordonnance sur la protection de l’air (OPair, RS 814.318.142.1) est respectée.

Projets pilotes et de démonstration de l’OFEN

Le nouveau système filtre-sécheur de la centrale thermique à bois de St-Aubin-Sauges, y compris le programme de surveillance associé, a été soutenu par le programme pilote et de démonstration de l’Office fédéral de l’énergie (OFEN). Un financement supplémentaire a été fourni par le canton de Neuchâtel et la Fondation pour la protection du climat et la compensation de CO2 (KliK).

Par sa contribution, l’OFEN encourage le développement et l’expérimentation de technologies, de solutions et d’approches innovantes qui contribuent de manière significative à l’efficacité énergétique ou à l’utilisation des énergies renouvelables. Les demandes de soutien financier peuvent être soumises à tout moment: www.bfe.admin.ch/pilotdemonstration

Rapport final

Le rapport final du projet «Trockner-Elektrofilter-System zur Energieeffizienzsteigerung und Staubabscheidung für Holzfeuerungen mit nassem Brennstoff» est disponible à l’adresse https://www.aramis.admin.ch/Texte/?ProjectID=40225.

D’autres articles spécialisés sur les projets de recherche, les projets pilotes, les projets de démonstration et les projets phares dans le domaine de la bioénergie peuvent être consultés à l’adresse suivante: www.bfe.admin.ch/ec-bioenergie-fr.

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