Plateforme pour l’eau, le gaz et la chaleur
Article technique
27. janvier 2023

Pyrolyse

De l’énergie et du charbon végétal issus de nouvelles sources

Le bois est une source d’énergie très appréciée. Il existe toutefois d’autres types de biomasses qui peuvent être utilisées à des fins énergétiques. L’une des méthodes pour y parvenir est la pyrolyse (carbonisation). Il est possible de produire de l’énergie thermique et du charbon végétal. Cette dernière peut notamment être utilisée comme agrégat de sol dans l’agriculture. Des scientifiques de la Haute école spécialisée du Nord-Ouest de la Suisse ont étudié, en collaboration avec des représentants de l’industrie, quelles «nouvelles» biomasses pourraient être utilisées de cette manière.
Benedikt Vogel 

Dans le débat sur l’énergie, le terme «biomasse» regroupe toutes les matières végétales et animales à partir desquelles il est possible de produire de la chaleur, de l’électricité ou de l’énergie cinétique. La principale fraction de biomasse est le bois. Elle est utilisée pour la production d’énergie sous forme de pellets, de plaquettes ou de bûches. Le bois, source d’énergie, est convoité car il est souvent disponible localement, facile à manipuler et considéré comme neutre en termes de CO2, à condition que sa combustion ne produise que la quantité de gaz à effet de serre extraite de l’atmosphère lors de la croissance des arbres.

Selon les statistiques suisses sur l’énergie du bois, les chauffages au bois installĂ©s en 2021 ont utilisĂ© au total 5,8 millions de mètres cubes, soit 16'000 GWh de bois-Ă©nergie. Cela correspond Ă  un peu plus des trois quarts du potentiel de bois-Ă©nergie durablement exploitable. MĂŞme si la source d’énergie qu’est le bois n’est pas encore pleinement exploitĂ©e en Suisse, des spĂ©cialistes comme Andreas Keel, directeur de l’association Energie-bois Suisse, plaident pour l’utilisation Ă©nergĂ©tique de «nouvelles» biomasses comme la litière de fumier de cheval, les plumes de poules ou les restes de poubelles. Il existe ici un potentiel exploitable de 9000 GWh (32 PJ) par an, dĂ©clare Andreas Keel Ă  l’automne 2022 lors d’une confĂ©rence spĂ©cialisĂ©e.

Énergie et charbon végétal issus de la biomasse

L’entreprise Kaskad-E GmbH (Bâle), la Haute Ă©cole spĂ©cialisĂ©e du Nord-Ouest de la Suisse (Windisch/AG) et Bioburn AG (Zell/AG) se sont penchĂ©es sur la question de savoir si et comment ce trĂ©sor d’énergie renouvelable pouvait ĂŞtre exploitĂ© dans le cadre d’un projet de recherche soutenu par l’OFEN «PyroChar». Pour produire de l’énergie, le bois et les autres biomasses sont gĂ©nĂ©ralement brĂ»lĂ©s. Alternativement, la biomasse peut ĂŞtre carbonisĂ©e Ă  l’abri de l’air. Lors de ce processus - la pyrolyse - la matière organique est transformĂ©e en charbon: le bois devient du charbon de bois, les substrats vĂ©gĂ©taux du charbon vĂ©gĂ©tal. Il se forme en outre un mĂ©lange de phases gazeuses (H2, CO, CO2, CH4) et liquides (goudron), dont on peut tirer de la chaleur par combustion. « Environ la moitiĂ© de l’énergie de dĂ©part est ainsi transformĂ©e en Ă©nergie thermique, laquelle peut par exemple ĂŞtre utilisĂ©e dans des rĂ©seaux de chauffage urbain», explique Stephan Gutzwiller, chef de projet PyroChar et propriĂ©taire de la sociĂ©tĂ© Kaskad-E, qui planifie et construit des installations de pyrolyse. Le charbon vĂ©gĂ©tal est utilisĂ© pour l’alimentation animale et l’amendement des sols et peut Ă©galement ĂŞtre utilisĂ© comme agrĂ©gat dans les matĂ©riaux de construction (voir encadrĂ© ci-dessous).

Six substrats en lice

L’équipe de recherche PyroChar a Ă©tudiĂ© 32 types de biomasses et, après une première Ă©valuation, en a retenu six: litière de fumier de cheval; sous-produits de meunerie (son de blĂ© et dĂ©chets d’orge); dĂ©chets de torrĂ©faction du cafĂ©; Ă©corce de bois de forĂŞt; cendres de bois issues de la fermentation de matières solides; cendres de bois issues du compostage. Les chercheurs de PyroChar ont calculĂ© qu’il serait possible de produire environ 3490 GWh (12 PJ) par an Ă  partir des six substrats dans le cadre d’une valorisation purement Ă©nergĂ©tique (c’est-Ă -dire par incinĂ©ration et non par pyrolyse) (voir fig. 1). En produisant simultanĂ©ment de l’énergie et du charbon vĂ©gĂ©tal Ă  partir des substrats par pyrolyse, le rendement Ă©nergĂ©tique diminue de moitiĂ©, soit environ 1745 GWh (6 PJ) par an.

La figure 1 montre le potentiel de six types de biomasse étudiés: le potentiel énergétique durablement exploitable de l’écorce est le plus important: environ 1700 GWh par an. En produisant de l’énergie non seulement à partir des substrats, mais également du charbon végétal, le rendement énergétique est réduit de moitié. Dans ce cas, la source d’énergie bois-écorce forestière permettrait de produire 71'735 tonnes de charbon végétal par an et environ 850 GWh d’énergie. Dans le graphique, le potentiel énergétique «durable» est à chaque fois assimilé au potentiel énergétique «utilisable en plus». Ce n’est pas tout à fait exact, car une (petite) partie des substrats est déjà utilisée aujourd’hui à des fins énergétiques, par exemple lorsque les déchets de torréfaction du café sont brûlés dans une usine d’incinération des ordures ménagères.

Une équipe dirigée par le professeur Timothy Griffin de l’Institut pour la biomasse et l’efficacité des ressources de la FHNW a étudié les six substrats dans une installation de laboratoire de pyrolyse à Windisch - d’une part sur les émissions de gaz d’échappement pendant la carbonisation, d’autre part sur la composition matérielle du charbon végétal. Trois des substrats se sont révélés particulièrement prometteurs: écorce de bois de forêt, son de blé et déchets de torréfaction du café. Ils ont ensuite été soumis à des mesures supplémentaires dans deux installations de pyrolyse commerciales à Bâle (fig. 2 et 3) et à Stettlen (BE; fig. 4).

Émissions et métaux lourds

L’équipe de projet estime que l’écorce du bois de forêt est «appropriée» pour la production d’énergie et de charbon. Pour que le processus de pyrolyse respecte la valeur limite de l’ordonnance sur la protection de l’air pour le dioxyde de soufre (SO2), une désulfuration devrait toutefois être nécessaire. Les mesures ont en outre révélé pour le charbon végétal des valeurs légèrement plus élevées pour le zinc, un métal lourd, et pour le groupe de polluants des HAP (hydrocarbures polyaromatiques). Le charbon végétal pourrait ainsi être utilisé selon le règlement européen EBC (pour: European Biochar Certificate) comme complément de sol dans l’agriculture conventionnelle, mais pas comme aliment pour animaux ou dans l’agriculture biologique. Un supplément dans les matériaux de construction serait également envisageable. L’écorce est un composant naturel du bois et, selon la législation suisse actuelle, elle peut être utilisée pour la production de charbon végétal.

En revanche, le charbon végétal issu du son de blé (déchets de meunerie) et des déchets de torréfaction du café n’aurait pas encore d’autorisation en Suisse aujourd’hui. Mais selon les chercheurs de PyroChar, ces substrats conviennent aussi en principe à la production d’énergie et de charbon végétal. Il serait nécessaire de prendre des mesures pour réduire les émissions d’oxyde d’azote et de dioxyde de soufre, et la teneur en métaux lourds (zinc, cuivre) limite leur utilisation dans l’agriculture (tab. 1).

D’autres mesures sont nécessaires

Les scientifiques se montrent sceptiques quant à l’utilisation des trois autres substrats: la litière de fumier de cheval et les déchets de bois issus de la fermentation des matières solides émettent des quantités problématiques de dioxines lors de la combustion du gaz de pyrolyse, si l’on se réfère aux valeurs limites très strictes qui s’appliquent à l’incinération des déchets. Dans le cas des déchets de bois issues du compostage, la contamination du substrat par des pierres ne plaide pas en faveur d’une carbonisation économique. Les chercheurs de PyroChar soulignent que les valeurs de polluants enregistrées devraient être confirmées par des mesures supplémentaires. Pour savoir si les valeurs mesurées sont effectivement problématiques, il faut se référer aux valeurs limites applicables aux installations d’incinération de déchets biogènes et de produits de l’agriculture (Ordonnance sur la protection de l'air OPair, annexe 2 ch. 74) ou aux installations d’incinération de déchets urbains et de déchets spéciaux (OPair, annexe 2 ch. 71). Il est nécessaire de clarifier cette question.

Les trois substrats les plus prometteurs - Ă©corce, son de blĂ©, dĂ©chets de torrĂ©faction - prĂ©sentent, s’ils sont valorisĂ©s par pyrolyse, un potentiel Ă©nergĂ©tique annuel pouvant atteindre 1200 GWh (4,3 PJ), ce qui correspond Ă  peu près aux besoins annuels en chaleur de 80 000 maisons individuelles. Il convient de noter que les dĂ©chets de torrĂ©faction surtout, mais aussi les Ă©corces, sont dĂ©jĂ  partiellement utilisĂ©s Ă  des fins Ă©nergĂ©tiques dans des installations de biogaz et des usines d’incinĂ©ration des ordures mĂ©nagères. Il en rĂ©sulterait en outre environ 100'000 t de charbon vĂ©gĂ©tal par an, ce qui correspond Ă  25 fois la production nationale actuelle.

Questions ouvertes

Il est encore difficile de prévoir l’importance que prendra à l’avenir la production d’énergie et de charbon à partir du bois et d’autres biomasses. «Plus un substrat ressemble à du bois, plus il est adapté à la production de charbon végétal. C’est pourquoi le bois restera probablement à l’avenir la principale matière première pour la production de charbon végétal, y compris en termes de quantité», constate le rapport final de PyroChar. Timothy Griffin, professeur à la FHNW, voit un potentiel considérable dans l’utilisation des «nouvelles» biomasses: «Il existe souvent un intérêt économique à valoriser ces résidus d’une autre manière qu’auparavant. Nos analyses technico-économiques montrent que les revenus tirés de la vente de charbon végétal et de chaleur peuvent être très intéressants. Du point de vue de l’impact environnemental, les analyses de cycle de vie montrent que la pyrolyse est souvent avantageuse par rapport à son utilisation actuelle».

Le charbon végétal stocke le CO2, gaz à effet de serre, dans le sol

La carbonisation (pyrolyse) du bois a une longue tradition. Le charbon de bois était autrefois répandu dans le traitement des métaux, car il permettait d’atteindre des températures plus élevées que la combustion du bois tout en servant d’agent réducteur. Aujourd’hui, sous nos latitudes, le charbon de bois est principalement utilisé dans les barbecues, où il fournit une braise durable sans flammes ni fumée.

Le charbon de bois et le charbon vĂ©gĂ©tal font depuis peu l’objet de discussions en tant que rĂ©servoirs de CO2. En effet, si l’on mĂ©lange de tels charbons Ă  la terre, le carbone fixĂ© dans le charbon est retirĂ© Ă  long terme de l’atmosphère. Dans ce cas, il s’agit d’une technologie dite Ă  Ă©mission nĂ©gative (NET). En chiffres: Lors de la pyrolyse, environ 60 % du carbone liĂ© dans le bois est transformĂ© en charbon vĂ©gĂ©tal (et peut ĂŞtre stockĂ© Ă  long terme dans le sol sous cette forme), tandis que 40% s'Ă©chappent dans l’environnement sous forme de CO2 lors de la combustion des gaz de pyrolyse. En Suisse, le charbon vĂ©gĂ©tal est autorisĂ© depuis 2016 - pour autant qu’il ait Ă©tĂ© fabriquĂ© Ă  partir de bois naturel - en tant qu’additif au sol, et depuis 2018 Ă©galement dans l’agriculture biologique.

 

La carbonisation du bois et d’autres biomasses produit de l’énergie ainsi que du charbon de bois et du charbon végétal. (Illustration: B. Vogel)

Rapport final et informations complémentaires

Le rapport final du projet de recherche «PyroChar - Extension des substrats de biomasse pour une production supplémentaire d’énergie et de charbon végétal» est disponible sur: https://www.aramis.admin.ch/Texte/?ProjectID=45240

 

Dr Sandra Hermle (Sandra.Hermle@bfe.admin.ch), directrice du programme de recherche de l’OFEN sur la bioénergie communique des informations sur ce projet.

 

Vous trouverez plus d’articles spécialisés concernant les projets pilotes, de démonstration et les projets phares dans le domaine de la bioénergie sur www.bfe.admin.ch/ec-bioenergie.

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