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Article technique
26. octobre 2021

Power-to Gas

Projet GRHYD: Succès du démonstrateur power-to-gas

Le projet GRHYD a démontré la faisabilité technique de l’injection d’hydrogène dans le réseau de distribution de gaz naturel. Une chaîne complète de power-to-gas (PtG) a été installée à Cappelle-la-Grande dans la Communauté urbaine de Dunkerque et a permis l’alimentation d’un quartier neuf avec un gaz contenant jusqu’à 20% d’hydrogène. Ce démonstrateur ouvre des perspectives pour l’intégration d’une part croissante de gaz renouvelables dans les infrastructures gazières.
Maïlys Pale Guerquin 

Le projet GRHYD [1] a été lancé en 2014 pour répondre à l’enjeu de stockage des énergies renouvelables électriques intermittentes. Il consistait à mettre en œuvre une solution power-to-gas (PtG) comme technologie permettant d’injecter dans le réseau de gaz naturel de l’hydrogène produit à partir d’énergies électriques renouvelables [2].
Le projet GRHYD a été retenu lors de l’Appel à manifestations d’intérêt (AMI) «Hydrogène et piles à combustible» piloté par l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie (ADEME) dans le cadre du programme des Investissements d’Avenir. D’un montant de 15,3 millions d’euros, il a été financé à hauteur de 4,9 millions d’euros par les Investissements d’Avenir et labellisé par le pôle de compétitivité Tenerrdis. Il a regroupé 11 partenaires: ENGIE Lab CRIGEN, CEA, CETIAT, INERIS, Areva H2Gen (devenue Elogen), McPhy, ENGIE INEO, CUD, GNVert (filiale d’ENGIE Solutions), STDE (Société de Transport de Dunkerque et Extensions, filiale de Transdev) et GRDF.

DÉMONSTRATEUR montre la FAISABILITÉ TECHNIQUE

Succès technique - une chaîne PtG complète mise en place 

Le démonstrateur GRHYD (fig. 1 et 2) s’appuie sur plusieurs équipements innovants:

  • Un Ă©lectrolyseur Ă  membrane Ă©changeuse de protons (PEM) fourni par Areva H2Gen, d’une capacitĂ© de 50 kW. Ce type d’électrolyseur permet des temps de rĂ©ponse dynamique rapides, de larges plages opĂ©rationnelles et un niveau de puretĂ© de gaz très Ă©levĂ©
  • Un stockage d’hydrogène sous forme solide (hydrures), fourni par McPhy
  • Un poste d’injection conçu et brevetĂ© par GRDF, qui rĂ©alise le mĂ©lange gaz naturel/hydrogène et contrĂ´le Ă  chaque instant le taux de dilution de l’hydrogène avec le gaz naturel avant de l’injecter dans le rĂ©seau

Au-delà du caractère innovant de chacun de ces équipements, l’intégration de ces différents équipements a constitué un défi important. La chaîne complète a pu être mise au point et le démonstrateur a ainsi pu injecter pendant 21 mois de l’hydrogène en mélange avec le gaz naturel, avec des teneurs allant jusqu’à 20% vol.

Vérification de la compatibilité avec le mélange gaz naturel/hydrogène 

Préalablement à la phase de démonstration, un vaste programme de travail a été mené en laboratoire pour vérifier la compatibilité des équipements du réseau et des usages gaz avec le mélange gaz naturel/hydrogène.

Compatibilité du réseau

Ainsi, en collaboration avec le ENGIE Lab CRIGEN, le CEA ou encore le CETIM, le premier volet des travaux en laboratoire pilotés par GRDF visait à:

  • Étudier la fragilisation de diffĂ©rents matĂ©riaux mĂ©talliques utilisĂ©s sur le rĂ©seau de distribution (acier, cuivre, Zamak, etc.
  • Évaluer la permĂ©ation de l’hydrogène Ă  travers le polyĂ©thylène
  • VĂ©rifier l’absence de risque de stratification du mĂ©lange gaz naturel/hydrogène
  • VĂ©rifier l’étanchĂ©itĂ© des matĂ©riels de rĂ©seaux, ainsi que leur bon fonctionnement

Ces tests R&D réalisés en amont de l’expérimentation GRHYD répondaient à deux enjeux majeurs: assurer la sécurité et l’intégrité des actifs en présence d’hydrogène, et maintenir la qualité de la mission de distribution. Ces axes sont repris aujourd’hui dans la feuille de route R&D H2 de GRDF.

Compatibilité des usages gaz

Un deuxième volet visait à vérifier la compatibilité des usages gaz avec le mélange gaz naturel/hydrogène. Dans cette optique:

  • Des tests d’étanchĂ©itĂ© des installations intĂ©rieures aux logements (flexibles, canalisations en cuivre etc.) ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©s.
  • Des tests de fonctionnement de diffĂ©rents types d’appareils Ă  gaz domestiques (chaudières et gazinières – neuves ou usagĂ©es) ont Ă©tĂ© menĂ©s par le CETIAT.

Ces différents travaux ont alimenté un dialogue constructif avec l’administration française qui a débouché sur la publication le 22 juin 2016 de l’arrêté dérogatoire [3] permettant l’injection d’hydrogène à des teneurs allant jusqu’à 20% et qui autorisait notamment la distribution d’un gaz dont le pouvoir calorifique supérieur (PCS) ne respectait pas la plage prévue par la réglementation nationale.

Un bon fonctionnement du réseau de distribution et des usages gaz 

Le démonstrateur terrain a été inauguré en juin 2018 et l’injection d’hydrogène a démarré avec une teneur initiale de 6% en hydrogène dans le gaz distribué. En février 2019, les partenaires du projet ont décidé de passer à une teneur en hydrogène de 10%, puis quelques mois après de 20%. Enfin, dans la dernière phase du projet, les teneurs en hydrogène dans le gaz distribué étaient variables (dans la limite de la borne supérieure de 20%) pour simuler une disponibilité de l’hydrogène qui soit en fonction de la disponibilité des énergies électriques renouvelables et donc un fonctionnement intermittent du power-to-gas (fig. 3).
Lors de cette expérimentation d’une durée de 21 mois, la production d’hydrogène s’est élevée à 13 000 m3(n) (consommation de 112 GWh d’électricité et 14,4 m3 d’eau pure). La capacité de production était de 12 m3(n)/h d’hydrogène, et la capacité de stockage de 50 m3(n).
GRDF a adapté ses procédures d’exploitation du réseau de distribution de gaz [4] de sorte à renforcer la fréquence de ses interventions. Aucun incident n’a été recensé lors de ces interventions (recherche systématique de fuites, inspections des conduites intérieures et conduites montantes des immeubles, etc.).
Par ailleurs, la qualité de l’hydrogène produit était très bonne (< 5 ppm H2O et < 5 ppm O2), ce qui a permis le respect des prescriptions techniques pour le gaz distribué – à l’exception de la teneur en hydrogène, du PCS et de l’indice de Wobbe. Pour ces paramètres, des dérogations par rapport aux seuils réglementaires étaient accordées par l’arrêté du 22 juin 2016 [3].
Concernant les appareils à gaz, ENGIE Lab CRIGEN et le CETIAT ont conduit des campagnes de test (fig. 4; à la fois chez des habitants volontaires et sur les chaudières de l’établissement de soins). Ces campagnes confirment les tendances observées lors de tests dans les laboratoires du CETIAT:

  • Rendement utile amĂ©liorĂ© (Ă©valuĂ© Ă  4% en laboratoire) (fig. 5)
  • RĂ©duction des Ă©missions de CO2, CO, NOx (fig. 6)

En conclusion, les conditions de sécurité industrielle de fonctionnement du réseau de distribution et des usages gaz dans les secteurs résidentiel et tertiaire ont été équivalentes à celles du gaz naturel.

Retour d'experience: L'injection de l'H2 sur des zones à forte consommation et peu saisonnalisées 

Pendant l’expérimentation, des interruptions de fonctionnement des équipements liées entre autres aux difficultés d’intégration de l’ensemble de la chaîne (production – stockage notamment) ont été observées. Le démonstrateur a démontré l’importance de la coordination des différents équipements – production, stockage, injection – pour favoriser l’injection d’hydrogène. Le taux de disponibilité s’est amélioré au fil de l’expérimentation.
En outre, la demande en gaz sur le quartier du Petit Village est faible, notamment en été, ce qui induit une difficulté à réaliser la dilution (débit minimal en hydrogène de 0,3 m3(n)/h pour que la régulation soit possible). Ainsi à certaines périodes le démonstrateur n’a pas pu fonctionner du fait du faible débit de gaz consommé sur la zone. Ce retour d’expérience sur la maîtrise de la dilution du taux d’hydrogène plaide pour un modèle d’injection en mélange sur des zones à fort débit, peu saisonnalisées.

Une bonne acceptabilité sociétale de ce nouveau gaz 

Les partenaires du projet ont mis en place un dispositif d’information combinant réunions publiques auprès des futurs habitants du quartier, communications ciblées, affichage sur site, etc. (fig. 7). De plus, une enquête sociologique a été réalisée en début d’expérimentation auprès des habitants du quartier concerné par l’expérimentation GRHYD. À noter que cette zone d’expérimentation était a priori favorable, avec une population accoutumée à un environnement industriel. L’enquête sociologique a montré que les habitants faisaient confiance aux partenaires du projet pour gérer la sécurité industrielle, et que leur préoccupation principale était l’impact sur la facture énergétique (neutre dans le cadre du projet).

PERSPECTIVES

Un projet qui oriente les prochains travaux de la filière 

Le projet GRHYD [1] a permis de construire un socle de connaissances, et oriente aujourd’hui les prochains travaux qui s’articuleront autour de plusieurs axes:

  • Poursuivre l’optimisation de la chaĂ®ne power-to-gas en s’appuyant sur des solutions de conduite et de pilotage amĂ©liorĂ©es
  • Travailler sur la certification/normalisation des Ă©quipements en prĂ©sence d’hydrogène pour prĂ©parer un dĂ©ploiement industriel
  • DĂ©velopper des Ă©quipements et des procĂ©dures d’exploitation/maintenance adaptĂ©s Ă  la nouvelle composition du gaz acheminĂ©
  • Étendre l’analyse de compatibilitĂ© de la chaĂ®ne gaz naturel en rĂ©alisant des tests sur l’existant
  • Poursuivre les travaux de R&D sur les solutions de protection des installations rĂ©seaux ou clients sensibles
Différentes voies d’intégration de l’H2

Le retour d’expérience du projet GRHYD plaide pour la coexistence de différentes voies d’intégration de l’hydrogène dans les réseaux adaptés aux différentes situations territoriales. Ces voies d’intégration de l’hydrogène dans les réseaux sont (fig. 8; [5]):

L’injection d’hydrogène en mélange

Le projet GRHYD met en lumière que cette voie est surtout adaptée dans les zones avec forte capacité de dilution et peu saisonnalisées.

L’injection de gaz de synthèse (après une étape de méthanation)

Cette voie semble davantage appropriée pour des injections sur le réseau de distribution. En effet, ces gaz de synthèse peuvent se substituer au gaz naturel sans nécessiter de mélange.

Les réseaux dédiés à l’hydrogène

Cette voie supprime évidemment les contraintes de dilution et de maîtrise du taux d’hydrogène, mais suppose de traiter une dimension sécurité non abordée sur les usages diffus et décentralisés, en particulier en cas de conversion d’usages existants (sécurité des installations intérieures).

Chaque solution possède sa zone de compétitivité, et leur complémentarité permet de répondre à la diversité des situations dans les territoires (ressources locales, dimensionnement du réseau, clients avals, etc.). GRDF a lancé un appel à projets R&D et accompagnera trois projets de méthanation en cours de structuration [6] et deux projets de pyrogazéification [7]. GRDF prévoit également de lancer une expérimentation terrain de distribution 100% H2 à horizon 2025.

Bibliographie

[1] Site internet du projet GRHYD: https://grhyd.fr/

[2] ADEME (2018): Un mix de gaz 100% renouvelable en 2050? https://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/france-independante-mix-gaz-renouvelable-010503a.pdf

[3] Legifrance (legifrance.gouv.fr): Arrêté du 22 juin 2016 fixant les conditions dans lesquelles la société GRDF peut injecter à titre expérimental un mélange composé de gaz naturel et d’hydrogène dans le réseau de distribution de gaz de la commune de Cappelle-la-Grande sur le territoire de la Communauté urbaine de Dunkerque

[4] GRDF (avril 2017): Prescriptions techniques du Distributeur GRDF. https://www.grdf.fr/documents/10184/3448557/Prescriptions_techniques_GRDF.pdf/684f33b5-0ee1-4c73-8324-a1ecb7e5d418

[5] Hydrogen Europe (2019): Hydrogen Europe Vision on the Role of Hydrogen and Gas Infrastructure on the Road Toward a Climate Neutral Economy – A Contribution to the Transition of the Gas Market. 

[6] GRDF (20 mai 2021): Appel à projets power-to-gas: GRDF soutient la dynamique hydrogène dans les territoires - GRDF.FR

[7] GRDF (12 juillet 2021): Appel à projets pyrogazéification: GRDF soutient l’émergence d’une nouvelle filière de production de gaz vert – GRDF.FR

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