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Article technique
06. juin 2025

Gaz verts

Gisement urbain de gaz verts: projet d’envergure pour accompagner la décarbonation de Genève

Afin de répondre aux objectifs environnementaux fixés dans le plan directeur des énergies du canton de Genève, SIG investit dans des ouvrages permettant d’augmenter la part de gaz renouvelable dans les réseaux et de capturer du CO2 biogène. Situés sur la STEP d’Aïre, leur mise en service est prévue pour 2028.
Alexandre  Laforêt 

Depuis 2013, SIG exploite une unité d’épuration de biogaz située sur la STEP d’Aïre. Ce site, qui recueille et traite l’intégralité des boues du canton de Genève, produit du biogaz qui est utilisé pour le séchage des boues, le chauffage des digesteurs et des bâtiments et enfin, pour alimenter un couplage chaleur-force. Afin de limiter le torchage et traiter ce biogaz excédentaire, il a été décidé de déployer une installation d’épuration de biogaz, de technologie Pressure Swing Adsorption (PSA), dimensionnée à 350 Nm3/h, toujours en exploitation actuellement.

Une production de biométhane multipliée par 4

Aujourd’hui, la STEP concentre de nombreux projets: augmentation de capacité, traitement des micropolluants, déploiement de pompes à chaleur sur les eaux de rejets, panneaux solaires, etc. (fig. 1). Parmi ces projets, l’un d’eux aura une incidence forte sur la quantité de biogaz disponible: la construction d’un incinérateur de boues. Il viendra en remplacement du procédé actuel de séchage des boues. Cet incinérateur fonctionnera sans consommation de biogaz, ce qui signifie que la quasi-totalité du biogaz produit sur le site pourra dont être injectée dans le réseau après épuration. A partir de 2030, environ 8 millions de mètres-cube de biogaz seront disponibles contre 2 millions actuellement, soit une énergie injectée annuelle d’environ 45 GWh PCS1.

L’épurateur actuel étant incapable de traiter une telle quantité, SIG étudie dès à présent le remplacement pour 2028 de l’installation d’épuration en place par une unité avec un débit de traitement de 1600 Nm3/h de biogaz brut (fig. 2). Ce choix de dimensionnement permettra de traiter une quantité de biogaz croissante dans les prochaines années, conséquence de l’augmentation de la population prévue par les autorités cantonales.

La technologie épuratoire PSA sera conservée dans le nouvel épurateur, afin de privilégier la faible consommation électrique, la robustesse et la simplicité technique, appréciées des exploitants. La valorisation de la chaleur induite par les compresseurs sera également valorisée au sein de la boucle thermique de la STEP, permettant d’améliorer l’efficience énergétique globale du procédé.

Trouver une place au milieu de cet ensemble industriel est un vrai défi qui oblige à réfléchir aux meilleures solutions techniques pour se raccorder électriquement, placer les containers et amener les réseaux de biogaz d’un diamètre plus important. D’autant plus que cet épurateur sera accompagné d’une unité de capture du CO2 biogène.

Un projet pilote riche d'enseignement

Le CO2 ne sera toutefois pas une complète découverte pour SIG. En effet, depuis 2024, SIG exploite une installation industrielle de liquéfaction de CO2 (fig. 3). Le but de cette démarche était de pouvoir découvrir ce gaz, le marché, le procédé de liquéfaction, la logistique et les risques associés dont ceux relatifs à la cryogénie.

Grâce au soutien de la start-up suisse Neustark, SIG a déployé, en sortie de l’épurateur PSA actuel, une unité de liquéfaction dont le potentiel de capture visé est de 750 tonnes par an, en considérant les plages de fonctionnement des ouvrages et le gisement de biogaz exploitable.

1 PCS: Pouvoir Calorifique Supérieur

 

Le projet a été pensé comme un outil de formation grandeur nature pour nos techniciens, afin d’obtenir un retour d’expérience solide, qui sera mis à profit pour la rédaction du cahier des charges de l’installation de liquéfaction de CO2 finale.

Le CO2 liquéfié est transporté par camion vers des recycleurs de matériaux de construction de la région (fig. 4). Le CO2 y est ensuite injecté dans des granulés de béton provenant de bâtiments démolis ou dans d'autres déchets minéraux. Au final, le CO2 est transformé en calcaire et lié de manière permanente. Les granulés enrichis en CO2 peuvent être utilisé pour la fabrication de béton recyclé ou dans la construction de routes.

Le CO2 biogène: une nouvelle activité pour SIG

Les premiers mois d’exploitation du pilote sont positifs, avec environ 226 tonnes de CO2 liquéfiées sur le deuxième semestre 2024. Fort de ce constat, SIG a décidé que la liquéfaction de CO2 serait intégrée de base au nouvel épurateur de biogaz.

Raisons de la liquéfaction du CO2:
1. Adaptation de la directive SVGW G13

Au-delà de cette expérience positive, d’autres raisons ont conforté ce choix, notamment le durcissement de la directive G13 de SVGW pour l’injection des gaz renouvables, dont l’entrée en vigueur est prévue pour l’été 2025. La tolérance vis-à-vis du méthane résiduel présent dans le gaz pauvre (composé en grande majorité de CO2 issu de l’épuration) sera renforcée pour les installations de taille similaire à la nôtre (installations > 500 Nm3/h), passant de 2,5% du biogaz entrant à 0,5% (voir aussi l'article sur la directive G13 revisée).

Les performances épuratoires des solutions étudiées telles que PSA ou membranaires, ne permettront pas de respecter seules cette exigence. Mais l’usage de la liquéfaction de CO2, qui permettra également de capturer le méthane résiduel, s’imposera naturellement.

2. Grand intérêt pour le produit CO2

Le CO2 biogène possède une vraie valeur marchande pour les consommateurs industriels. Fournir ces consommateurs en CO2 biogène, en lieu et place du CO2 fossile utilisé actuellement, permettra à SIG de créer de la valeur, y compris financière, à partir de ce co-produit qui était jusqu’à présent simplement relargué dans l’atmosphère. On constate déjà un intérêt marqué de différents secteurs d’activité comme les boissons gazeuses, la culture sous serre, la production de matériaux de construction ou de carburant aérien durable.

3. Ambitions de décarbonation du canton

Troisième raison et non des moindres, ce projet, en servant directement les ambitions de décarbonation du canton de Genève indiquées dans le Plan Directeur de l’Energie, offre des perspectives durables pour les gaziers de SIG.

Perspectives

Le gisement de CO2 biogène qui sera capté est de 5500 tonnes par an. C’est un potentiel de production bien supérieur à celui pouvant être atteint par l’unité pilote de liquéfaction déployée sur la STEP d’Aïre depuis quelques mois. Cette dernière restera néanmoins en fonctionnement, jusqu’à la mise en service de la nouvelle installation, prévue pour 2028.

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