Plateforme pour l’eau, le gaz et la chaleur
Article technique
05. septembre 2025

Espaces fonctionnels

Quels périmètres pour la gestion intégrée de l’eau?

La gestion intégrée des ressources en eau (GIRE) est vue comme le meilleur moyen de gérer durablement les eaux. On l’applique souvent au bassin versant hydrologique. Dans les régions fortement anthropisées, les nombreux transferts entre bassins versants compliquent la GIRE. Des espaces fonctionnels ad-hoc de gestion des eaux – combinant le bassin versant, les «bassins d’usages» et le découpage administratif – sont proposés pour la mise en Ɠuvre de la GIRE à l’échelle régionale.
Emmanuel Reynard, Margaux Delalex, Grégory Houillon Grégory Houillon, François Mettra, Émilie Neveu, Tristan Rey, 

Depuis la ConfĂ©rence de Dublin sur l’eau (1992) et le Sommet de la Terre de Rio de Janeiro, la mĂȘme annĂ©e, qui, dans le chapitre 18 de l’Agenda 21 des Nations Unies, reconnaĂźt la nĂ©cessitĂ© de promouvoir les approches intĂ©grĂ©es pour une gestion durable de l’eau [1], la gestion intĂ©grĂ©e des ressources en eau (GIRE) est promue tant au niveau international [2], que national [3–5], comme le meilleur moyen d’éviter une surexploitation des ressources en eau et de protĂ©ger la qualitĂ© des eaux en ajustant les diffĂ©rentes demandes en eau Ă  la ressource disponible et en coordonnant les intĂ©rĂȘts des diffĂ©rents groupes d’acteurs.

Le territoire d’application de la GIRE est gĂ©nĂ©ralement le bassin versant, Ă  savoir l’espace gĂ©ographique drainĂ© par un cours d’eau, autant Ă  l’échelle des grands bassins hydrographiques (comme les districts hydrographiques de la CommunautĂ© europĂ©enne) que des cours d’eau Ă  l’échelle rĂ©gionale (p. ex. l’étude LEMANO, sur la durabilitĂ© de la gestion des eaux dans les bassins versants rĂ©gionaux des Dranses, de l’Aubonne ou de la Versoix [6]). La gestion intĂ©grĂ©e par bassin versant (GIB) n’est toutefois pas sans poser des problĂšmes d’application [7], parmi lesquels la difficultĂ© Ă  considĂ©rer les eaux souterraines, dont l’extension gĂ©ographique ne coĂŻncide pas toujours avec le bassin hydrographique de surface, notamment dans les rĂ©gions karstiques, l’inadĂ©quation entre les limites des bassins versants et les frontiĂšres administratives (cf. p. ex. la Broye, entre les cantons de Vaud et Fribourg), ou encore la difficultĂ© Ă  prendre en compte les transferts d’eau interbassins. Dans les pays fĂ©dĂ©raux, comme la Suisse, la dĂ©limitation de bassins versants comme unitĂ©s opĂ©rationnelles de gestion des eaux (comme cela s’est fait dans le canton de Fribourg [8]), vient rajouter un niveau administratif Ă  la rĂ©partition des compĂ©tences entre les diffĂ©rents Ă©chelons administratifs existants [9], compliquant de ce fait la gestion des territoires.

Sur la base d’une Ă©tude de cas dans le bassin versant de la Sionne (Valais), cet article discute de la pertinence de considĂ©rer de maniĂšre conjointe trois pĂ©rimĂštres – le bassin versant, les bassins d’usages et les limites administratives – comme espace fonctionnel [10] de gestion intĂ©grĂ©e des eaux Ă  l’échelle rĂ©gionale.

LE CONTEXTE DU PROJET

Transition énergétique et gestion intégrée des eaux

La rĂ©flexion proposĂ©e ici a Ă©tĂ© menĂ©e dans le cadre d’un projet portant sur la conciliation entre transition Ă©nergĂ©tique et gestion intĂ©grĂ©e des eaux, rĂ©alisĂ© par une Ă©quipe de recherche de la HES-SO Valais-Wallis et de l’UniversitĂ© de Lausanne entre 2024 et 2025 dans deux bassins versants valaisans: la Dranse de Bagnes et la Sionne [11, 12]. Cet article se base uniquement sur le cas de la Sionne.

Dans le double contexte de la transition Ă©nergĂ©tique et du multi-usage de l’eau, l’étude visait Ă :

  • comprendre les impacts et synergies, actuels et futurs, entre les usages énergétiques (thermiques et hydroélectriques) de l’eau et la gestion intégrée et multifonctionnelle de l’eau à l’échelle régionale et cantonale, telle que promue par la stratégie «eau» cantonale [13];
  • mettre en évidence les rivalités d’usages potentielles entre les usages énergétiques et les autres usages de l’eau, entre les usages non-énergétiques et enfin entre les communes concernĂ©es.
Méthodologie

La méthodologie (fig. 1) a été déclinée en cinq étapes principales [11, 12]:

  • la dĂ©limitation des pĂ©rimĂštres de l’étude
  • l’estimation des ressources en eau
  • l’état des lieux des usages de l’eau
  • l’élaboration de bilans ressources –usages
  • l’identification de rivalitĂ©s et synergies potentielles et la formulation de recommandations


Ces recommandations ont Ă©tĂ© prĂ©sentĂ©es aux gestionnaires de l’eau et de l’énergie dans la rĂ©gion d’étude et au niveau cantonal.

La région d'étude

L’étude a portĂ© sur le bassin versant de la Sionne (fig. 2), un affluent en rive droite du RhĂŽne. La Sionne prend sa source vers 2080 m d’altitude, dans un environnement karstique [14]. Elle s’écoule sur les territoires des communes d’Arbaz, SaviĂšse, Grimisuat et Sion, sur 11 km, avant de se jeter dans le Rhône à 490 m. Le bassin versant de la Sionne couvre une superficie de 27,2 km2 et est dĂ©limitĂ© Ă  l’est par le bassin versant de la Lienne et à l’ouest par celui de la Morge. Au dĂ©bouchĂ© d’un parcours en gorges Ă  l’amont du pont sur la Sionne, au nord de la Ville de Sion, le cours d’eau a construit un cĂŽne de dĂ©jection sur lequel a pris place la ville.

La Sionne a un rĂ©gime nival et son dĂ©bit moyen (sur la pĂ©riode 2007–2023) est de 0,425 m3/s à la station hydromĂ©trique de l’Office fĂ©dĂ©ral de l’environnement (OFEV) de Sion (497 m). En raison de son rĂ©gime nival et de la forte rĂ©duction des dĂ©bits en seconde partie d’étĂ©, la Sionne a historiquement fait l’objet de litiges entre communautĂ©s riveraines, en particulier pour l’accĂšs Ă  l’eau d’irrigation [15]. Actuellement, les principaux usages de l’eau sont l’approvisionnement en eau potable, l’irrigation, la production d’énergie (Ă©lectrique et thermique) et les usages immatĂ©riels (paysage, loisirs).

La combinaison de quatre périmÚtres d'étude 

Le point de dĂ©part de l’analyse a Ă©tĂ© le bassin versant hydrologique, mais il est vite apparu que ce pĂ©rimĂštre ne serait pas suffisant pour apprĂ©hender la gestion de l’eau dans son ensemble. Quatre pĂ©rimĂštres complĂ©mentaires ont ainsi Ă©tĂ© considĂ©rĂ©s (fig. 1). Ils sont dĂ©crits ici en mettant l’accent sur l’intĂ©rĂȘt de chacun d’eux et sur les difficultĂ©s d’opĂ©rationnalisation.

Le bassin versant

Cet espace gĂ©ographique (fig. 2) a Ă©tĂ© considĂ©rĂ© pour caractĂ©riser la ressource disponible (fig. 3) et son Ă©volution dans le temps (fig. 4). La prĂ©sence d’une station hydromĂ©trique de l’OFEV Ă  l’exutoire du bassin versant a facilitĂ© la quantification de la ressource. Elle a Ă©tĂ© estimĂ©e Ă  deux endroits: Ă  l’exutoire dans le RhĂŽne (bassin versant de la Sionne, 27 km2) et dans un sous-bassin versant Ă  l’amont des principaux prĂ©lĂšvements (vallon de la Sionne, 9 km2). Les prĂ©cipitations ont Ă©tĂ© estimĂ©es Ă  partir de stations de MĂ©tĂ©oSuisse. Aucune station pluviomĂ©trique n’étant situĂ©e dans le bassin versant, quatre stations proches (Sion, Montana, AnzĂšre et Tsanfleuron, par altitude croissante) ont permis de calculer des gradients altitudinaux et d’estimer les prĂ©cipitations moyennes qui se montaient en 2021 (annĂ©e de rĂ©fĂ©rence) Ă  environ 2300 mm dans le vallon de la Sionne, ce qui correspond à un volume de ressource de 21,16 millions de m3, et Ă  environ 900 mm pour la Sionne aval, soit 16,38 millions de m3, pour un total de ressource de plus de 35,5 millions de m3 pour l’ensemble du bassins versant (tableau 1 dans [11]).

En plus des donnĂ©es mesurĂ©es, les simulations Hydro-CH2018, effectuĂ©es par le National Centre for Climate Services (NCCS) ont Ă©tĂ© appliquĂ©es sous la forme d’une grille raster Ă  rĂ©solution de 500 x 500 m. Ces donnĂ©es de grille sont disponibles pour quatre pĂ©riodes climatiques de 30 ans (1981–2010 (pĂ©riode de rĂ©fĂ©rence), 2020–2049, 2045–2074 et 2070–2099) et trois scĂ©narios d’émission de gaz à effet de serre (RCP 2.6, RCP 4.5 et RCP 8.5).

La quantification de la ressource Ă  l’échelle du bassin versant s’est heurtĂ©e Ă  quatre problĂšmes:

  • L’estimation de la ressource est basĂ©e essentiellement sur les eaux de surface (prĂ©cipitations, Ă©coulements). Or, la rĂ©gion Ă©tant karstique [14], la ressource «rĂ©elle» ne correspond pas totalement Ă  la ressource estimĂ©e.
  • L’estimation des ressources basĂ©e sur les prĂ©cipitations ne tient pas compte de l’évapotranspiration. Si elle peut ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme nĂ©gligeable en altitude, dans le vallon de la Sionne, ce n’est pas le cas plus en aval, surtout durant les mois d’étĂ©. Le volume brut de la ressource obtenu Ă  partir des prĂ©cipitations est donc une estimation haute.
  • L’utilisation thermique de l’eau exploite essentiellement la nappe phrĂ©atique du RhĂŽne et pourrait utiliser les eaux du RhĂŽne, sur le territoire de la Ville de Sion. Le pĂ©rimĂštre de la nappe a ainsi Ă©tĂ© ajoutĂ© au bassin versant hydrographique (fig. 3) pour tenir compte de cet usage.
  • Enfin, les dĂ©bits mesurĂ©s Ă  l’exutoire ne traduisent pas le rĂ©gime naturel de la Sionne, mais le rĂ©gime influencĂ©. Afin d’estimer la ressource, il a fallu ajouter les diffĂ©rents prĂ©lĂšvements (fig. 4a) et retrancher les apports Ă  la Sionne (apports des bassins versants voisins par les bisses). Dans un deuxiĂšme temps, les modĂ©lisations Hydro-CH2018 ont Ă©tĂ© appliquĂ©es (fig. 4b). Elles permettent d’observer l’évolution de la disponibilitĂ© de la ressource dans le temps.

 

En conclusion, l’estimation de la ressource Ă  l’échelle du bassin versant ne peut se limiter aux seules donnĂ©es d’une station hydromĂ©trique (si elle est prĂ©sente) mais doit combiner une connaissance fine des prĂ©lĂšvements et apports, le calcul de gradients altitudinaux de donnĂ©es climatologiques et la modĂ©lisation hydrologique. Le pĂ©rimĂštre de la ressource englobe le bassin versant de surface mais aussi les ressources souterraines (nappe phrĂ©atique par exemple).

Les bassins d'usages

Le bassin d’usage est l’espace gĂ©ographique d’un usage particulier. Il est dĂ©limitĂ© par les infrastructures d’adduction, de distribution et d’évacuation des eaux de cet usage. Le bassin d’usage est parfois contenu intĂ©gralement dans un bassin versant hydrographique, mais trĂšs souvent, il s’étend sur plusieurs bassins versants hydrographiques. En Valais, dans le domaine de la production Ă©nergĂ©tique, les nombreux transferts d’eau couvrent gĂ©nĂ©ralement plusieurs bassins versants (p. ex. amĂ©nagement de la Grande Dixence, qui s’étend du Mattertal Ă  la vallĂ©e de la Printse). Sur le coteau de l’adret, au nord de ViĂšge ou de Sion, les bisses multiplient Ă©galement les transferts interbassins. On comprend dĂšs lors qu’une approche basĂ©e uniquement sur les bassins versants est trop limitĂ©e et doit ĂȘtre complĂ©tĂ©e par d’autres pĂ©rimĂštres.

Dans sa thĂšse de doctorat [16] ainsi que dans un article [17], Martin Calianno a discutĂ© de la notion de bassin d’usage et l’a appliquĂ©e Ă  la rĂ©gion de Crans-Montana. À la suite de travaux pionniers rĂ©alisĂ©s en France dans les annĂ©es 1980 [18], il a Ă©galement proposĂ© de considĂ©rer le «cycle d’usage de l’eau» [19]. Ce dernier comprend diffĂ©rentes Ă©tapes (prĂ©lĂšvement, adduction, stockage, distribution, apport, consommation, restitution), dont la forme et l’extension spatiale dĂ©pendent de l’usage considĂ©rĂ© (eau potable, irrigation, usages in situ, tels que la navigation ou la baignade, etc.) [19].

 

Du point de vue temporel, le «rĂ©gime d’usage» – inspirĂ© du «rĂ©gime hydrologique» – qualifie la variabilitĂ© saisonniĂšre de l’usage [16, 17]. Certains usages tels que l’irrigation des vignes ou l’enneigement artificiel ont une forte saisonnalitĂ© et ne durent que quelques semaines par annĂ©e, alors que d’autres sont constants (eau potable). Les pics saisonniers de demande coĂŻncident parfois avec les Ă©tiages des sources et cours d’eau (p. ex. en fĂ©vrier, en raison du stockage de l’eau sous forme de neige, ou en juillet-aoĂ»t en raison des sĂ©cheresses estivales), amenant Ă  des situations de stress hydrique, par exemple dans les stations touristiques.

Le bassin d’usage a Ă©tĂ© cartographiĂ© pour chacun des cinq usages Ă©tudiĂ©s (eau potable, eaux agricoles, Ă©nergie, tourisme, patrimoine naturel) sur la base d’un inventaire prĂ©cis des prĂ©lĂšvements et restitutions, ainsi que des infrastructures. Cette cartographie dĂ©taillĂ©e permet de comprendre les relations spatiales entre usages et ressources, entre les usages entre eux, ainsi que les «chemins de l’eau» au sein du territoire. Ainsi, dans le cas des eaux agricoles (fig. 5), les enseignements suivants peuvent ĂȘtre tirĂ©s:

  • Certains usagers (alpages, reprĂ©sentĂ©s par des triangles sur la fig. 5) exploitent les ressources locales (sources reprĂ©sentĂ©es par des points), alors que d’autres (irrigation) dĂ©pendent d’infrastructures d’adduction et de distribution complexes, avec une forte emprise spatiale.
  • Les trois communes du coteau disposent d’un rĂ©seau d’irrigation complexe et dense, trĂšs souvent souterrain, expliquĂ© par la forte demande en eau d’irrigation de cette rĂ©gion du Valais central.
  • Sur le coteau, les bisses sont nombreux et opĂšrent des transferts d’eau «horizontaux» de grande ampleur du bassin versant de la Lienne vers le bassin versant de la Sionne (bisses de Sion, d’Ayent et de Clavau), mais aussi du bassin versant de la Sionne vers l’extĂ©rieur (bisse de Lentine).
  • En plaine, les meuniĂšres jouent ce rĂŽle de transfert d’eau.
  • L’usage agricole de l’eau, en particulier l’irrigation, est ainsi loin de se limiter au bassin versant de la Sionne.


Une gestion intĂ©grĂ©e des ressources en eau doit ainsi considĂ©rer non seulement la ressource – et son espace gĂ©ographique (le bassin versant) et sa rĂ©partition saisonniĂšre (le rĂ©gime hydrologique) – mais Ă©galement les usages et leurs diffĂ©rents bassins et rĂ©gimes d’usage. Les autres usages sont dĂ©taillĂ©s dans le rapport de projet [11].

Le découpage communal

En Suisse, les compĂ©tences en matiĂšre de gestion des eaux sont principalement partagĂ©es entre les cantons et les communes, la ConfĂ©dĂ©ration se limitant aux activitĂ©s de surveillance et de monitoring, ainsi qu’aux questions de gestion transfrontaliĂšre des eaux. En Valais, en tant que propriĂ©taires des eaux de surface, les communes sont en charge de la protection contre les crues, en plus de l’approvisionnement en eau potable et de l’assainissement, prĂ©vus par la loi au niveau suisse.

Dans cette Ă©tude, le dĂ©coupage communal (fig. 2) a ainsi Ă©tĂ© considĂ©rĂ© comme un dĂ©coupage territorial essentiel pour la gestion des eaux, notamment pour l’élaboration de bilans ressources-usages. Toutefois, les implications sont variables selon les communes. Deux communes – Arbaz, Grimisuat – sont trĂšs dĂ©pendantes du bassin versant de la Sionne pour leurs ressources, bien qu’une partie du territoire communal soit hors des limites du bassin versant. SaviĂšse est dans la situation inverse: la majeure partie de la ressource (fig. 3) et des rĂ©seaux est situĂ©e hors du bassin versant de la Sionne. Quant Ă  la Ville de Sion, la commune ne touche que trĂšs partiellement au bassin versant de la Sionne, Ă  l’exception du cĂŽne de dĂ©jection, mais possĂšde des droits d’eau sur des sources du bassin versant de la Sionne situĂ©es hors du territoire communal; au grĂ© des fusions rĂ©centes, elle a agrandi son territoire sur le versant gauche de la vallĂ©e du RhĂŽne. Afin de faciliter le calcul des bilans, la nappe phrĂ©atique du RhĂŽne a Ă©tĂ© considĂ©rĂ©e, mais pas les eaux de surface provenant du versant au sud du RhĂŽne. Ce sont donc les limites communales avant 2013 qui ont Ă©tĂ© prises en compte pour la Ville de Sion.

Cet exemple montre:

  • l’inadĂ©quation rĂ©currente entre le dĂ©coupage administratif et les limites des bassins versants;
  • l’importance des recompositions territoriales suites aux fusions de communes, peu abordĂ©es dans le cadre de cet article, qui impactent fortement la gestion des eaux Ă  l’échelle rĂ©gionale et locale.

Le périmÚtre du bilan

Afin de mesurer le niveau de stress hydrique et de dĂ©tecter les rivalitĂ©s et les conflits potentiels entre usages et entre communes, il s’agissait d’établir des bilans ressources – usages. Pour ce faire, les trois pĂ©rimĂštres prĂ©sentĂ©s ci-dessus (bassin versant, bassins d’usages, dĂ©coupage communal) ont Ă©tĂ© combinĂ©s pour obtenir un pĂ©rimĂštre du bilan (fig. 5). Ce dernier a permis d’estimer les flux entrants et sortants, pour l’eau potable et l’eau agricole. LĂ  oĂč les donnĂ©es Ă©taient disponibles, une quantification des demandes en eau Ă  l’échelle communale (fig. 6) et une quantification des demandes en eau Ă  l’échelle mensuelle (fig. 7) ont pu ĂȘtre Ă©tablies. La premiĂšre met en Ă©vidence le poids de l’irrigation dans les communes de l’adret du Valais central, un usage paradoxalement trĂšs peu documentĂ© quantitativement. La deuxiĂšme montre que la demande cumulĂ©e en eau durant les mois estivaux (mai-septembre) est prĂšs de deux fois plus importante (autour de 600 000 m3 par mois) que le reste de l’annĂ©e (env. 300 000 m3 par mois), essentiellement en raison des besoins accrus d’eau pour l’arrosage, par les rĂ©seaux d’irrigation, mais aussi avec de l’eau potable, une situation dĂ©jĂ  mise en Ă©vidence ailleurs [20].

En conlusion

Cette Ă©tude montre que ne prendre en compte que le bassin versant comme territoire de mise en Ɠuvre de la gestion intĂ©grĂ©e des ressources en eau (GIRE) est insuffisant. Elle ne permet pas de tenir compte des nombreux flux d’eau liĂ©s aux infrastructures d’adduction et de distribution de l’eau pour les diffĂ©rents usages et elle ne donne pas suffisamment de poids Ă  l’échelle du territoire communal, essentiel en Suisse au vu de l’importance des communes dans la gestion de certains usages de l’eau. L’établissement de bilans quantitatifs d’eau, essentiels dans la perspective de l’adaptation aux changements climatiques, nĂ©cessite ainsi la combinaison de trois dĂ©coupages territoriaux – le bassin versant, les bassins d’usages et les dĂ©coupages administratifs (communes et cantons) – permettant d’aboutir Ă  un espace fonctionnel de gestion des eaux: le pĂ©rimĂštre du bilan. Ce dernier permet d’obtenir des bilans chiffrĂ©s des ressources et des demandes en eau, et ainsi de simuler l’évolution future du niveau de sĂ©curitĂ© hydrique [21]. Reste toutefois la question du manque et de l’hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ© des donnĂ©es relatives tant aux ressources qu’aux demandes en eau, qui nĂ©cessite la mise en place urgente de systĂšmes de monitoring des ressources [22] et des demandes en eau [23].

 

Bibliographie

[1] ONU (1992): Agenda 21 – Chapitre 18: Protection des ressources en eau douce et de leur qualitĂ©: application d’approches intĂ©grĂ©es de la mise en valeur, de la gestion et de l’utilisation des ressources en eau.

[2] Global Water Partnership (2000): Integrated Water Resources Management. Paper No. 4. Global Water Partnership Technical Advisory Committee, Stockholm.

[3] OFEV (2012): Gestion par bassin versant. Guide pratique pour une gestion intĂ©grĂ©e des eaux en Suisse. Connaissance de l’environnement n° 1204. Office fĂ©dĂ©ral de l’environnement, Berne

[4] Hering, J. G. et al. (2012): Moving targets, long-lived infrastructure, and increasing needs for integration and adaptation in water management: an illustration from Switzerland. Environmental Science and Technology 46(1): 112–118.

[5] Dazio, P. (2017): Gestion intĂ©grĂ©e des eaux. État des lieux pour la Suisse. Aqua & Gas 6/2017: 1–9.

[6] ASL (2009): LEMANO pour une gestion durable de l’eau. LĂ©maniques 72: 1–16.

[7] Ghiotti, S. (2006): Les Territoires de l’eau et la dĂ©centralisation. La gouvernance de bassin versant ou les limites d’une Ă©vidence. DĂ©veloppement durable et territoires: Dossier 6.

[8] Buchs, A. (2016): Processus de qualification et construction d’un compromis institutionnel territorialisĂ©. La gestion intĂ©grĂ©e de l’eau par bassin dans le canton de Fribourg (Suisse). DĂ©veloppement durable et territoires 7(3).

[9] Miranda, G.M.; Reynard, E. (2020). Integrated Water Resources Management in federations: The examples of Brazil and Switzerland. Water 12(7): 1914.

[10] Nahrath, S. et al. (2009). Les espaces fonctionnels: nouveau référentiel de la gestion durable des ressources?

[11] Houillon, G. et al. (2025): Projet interinstitutionnel PInter 07-2024 – Transition énergétique: synergies et impacts sur la gestion de l’eau. Rapport final. HES-SO Valais-Wallis et UniversitĂ© de Lausanne, Sion.

[12] Delalex, M. et al. (2025): Transition Ă©nergĂ©tique et gestion intĂ©grĂ©e de l’eau – quelles rivalitĂ©s et synergies? Arpeamag 303: 59–67

[13] Comité de pilotage Eau Valais (2013): «StratĂ©gie eau» du canton du Valais». DĂ©fis, objectifs, lignes directrices et mesures. Rapport à l’attention du Conseil d’Etat, Sion

[14] Coupy, N. (2012): Étude hydrogĂ©ologique du vallon de la Sionne (Valais). Centre d’hydrogĂ©ologie et gĂ©othermie CHYN, UniversitĂ© de NeuchĂątel

[15] Reynard, D. (2011): Conflits et procĂšs autour de l’utilisation de l’eau de la Sionne (Valais, Suisse), du XVe-XXe siĂšcle. In: Fournier, P.; Lavaux, S. (Eds.): Eaux et conflits dans l’Europe mĂ©diĂ©vale et moderne. Presses universitaires du Midi, Toulouse, pp. 189–206

[16] Calianno M. (2018): Quantifier les usages de l’eau en territoire touristique de montagne. ThĂšse de doctorat, UniversitĂ© de Lausanne.

[17] Calianno, M. et al. (2018): Monitoring water use regimes and density in a tourist mountain territory. Water Res. Manag. 32: 2783–2799.

[18] Erhard-Cassegrain, A.; Margat, J. F. (1983): Introduction à l’économie gĂ©nĂ©rale de l’eau. Masson, Paris, 361 p.

[19] Calianno, M. et al. (2017). Quantifier les usages de l’eau: une clarification terminologique et conceptuelle pour lever les confusions. VertigO 17(1).

[20] Reynard, E.; Bonriposi, M. (2012): Water use management in dry mountains of Switzerland. The case of Crans-Montana-Sierre area. In NemĂ©nyi, M.; Balint, H. (Eds.): The impact of urbanisation, industrial, agricultural and forest technologies on the natural environment. Nyugat-magyarorszagi Egyetem, Sopron, pp. 281–301.

[21] Conseil fĂ©dĂ©ral (2022): Rapport de base sur la sĂ©curitĂ© de l’approvisionnement en eau et sur la gestion de l’eau. Rapport du Conseil fĂ©dĂ©ral en rĂ©ponse au postulat 18.3610 Rieder du 15 juin 2018. Conseil fĂ©dĂ©ral, Berne

[22] Arnoux, M.; Carlier, C. (2025): Monitoring des sources pour anticiper les effets du changement climatique sur l’eau potable. Aqua & Gas 7+8/2025: 18–24.

[23] Calianno, M.; Reynard, E. (2019): Monitoring des usages de l’eau potable. Un compromis entre approches quantitatives et qualitatives. Aqua & Gas 11: 42–46

Remerciements

Cette Ă©tude a bĂ©nĂ©ficiĂ© d’un financement du Service des hautes Ă©coles du Canton du Valais, de BlueArk Entremont, de l’UniversitĂ© de Lausanne et de la HES-SO Valais-Wallis. Nous remercions les communes d’Arbaz, Grimisuat, SaviĂšse et Sion, le Service de l’environnement du canton du Valais (SEN), ainsi que la sociĂ©tĂ© OIKEN pour la mise Ă  disposition de donnĂ©es.

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